Culture Estrade avec Amin Zaoui et Lounis Benali au 25e SILA

L’écriture, entre plaisir et exigences éditoriales

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Yasmine AZZOUZ Publié 30 Mars 2022 à 09:04

Amin Zaoui. © D.R                   /         Lounis Benali.           © D.R
Amin Zaoui. © D.R / Lounis Benali. © D.R

Au 4e jour de ce rendez-vous livresque international, les écrivains Amin Zaoui et Lounis Benali sont revenus sur leurs expériences littéraires respectives, leurs inspirations et leur rapport au monde de l’édition, qui aurait beaucoup de retard  à rattraper, selon eux.

Le roman, est-il un plaisir d’écriture ou un désir éditorial, soumis aux exigences et attentes de l’éditeur ? C’est la question débattue hier au 25e Salon international du livre avec les écrivains Amin Zaoui et Lounis Benali, modérée par Abdelkrim Ouzeghla. L’auteur du Sommeil du mimosa, Amin Zaoui, est d’abord revenu sur son “entrée” dans le monde de la littérature alors qu’il était encore au primaire. Cet éveil à la chose littéraire a commencé par la lecture de La Chèvre de monsieur Seguin d’Alphonse Daudet, puis par le conte des Mille et Une Nuits, dira-t-il à l’assistance en ce 4e jour du Sila. D’ailleurs, Les Mille et Une Nuits, qui ont inspiré tant d’écrivains occidentaux à travers le temps et de par le monde, ne sont pas une source d’inspiration chez les écrivains arabes ou moyen-orientaux qui ne les étudieraient pas assez. Zaoui se considère par ailleurs comme “écrivain amateur”, malgré de longues années au service de la littérature et la publication d’une quinzaine de romans en langue française et d’une douzaine en langue arabe, car c’est ce recul qui permet à l’écrivain de rester spontané et inspiré, même s’il est vrai, admet-il, que “la peur peut toujours survenir chez les auteurs confirmés”.

Du Hennissement du corps (éditions Al Wathba, 1985), son premier roman en langue arabe, censuré d’ailleurs dans plusieurs pays, jusqu’à sa dernière parution, Faim blanche (éditions Dalimen), le renouvellement est ce qui permet à tout auteur de perdurer dans le temps. Zaoui avance que c’est grâce à l’oubli que cela s’accomplit. L’écrivain devrait, selon lui, faire fi de ses lectures et écrits antérieurs, chose qui n’est certes pas évidente, “parce que parfois nos écrits ou nos personnages nous poursuivent, nous hantent. L’écrivain qui ne peut pas oublier ne peut produire quelque chose de nouveau”. L’écriture n’est pas non plus que plaisir ou désir, c’est aussi une “contrainte, physique soit-elle, intellectuelle ou mentale”. 

Elle demande un effort continu, en précisant : “Je parle évidemment des écrivains qui ont un projet d’écriture et pas des écrivains du dimanche.” Sur la question du projet littéraire, Zaoui considère que son œuvre est un projet intellectuel sur les “symboliques et les problématiques” sociétales. “Depuis mes premiers écrits, je bâtis ‘un projet littéraire’ ; c’est ce que j’appelle ‘le carré des tabous’ ; je suis contre l’hypocrisie sociale, morale ou idéologique”. Linguistiquement, par ailleurs, le passage de la langue arabe au français ou vice-versa symbolise la complexité de l’entreprise littéraire, en ce sens que, avance Zaoui, “nous sommes tous des traducteurs dès lors qu’il s’agit d’écrire en arabe ou en français, parce qu’au commencement nous pensons en langue algérienne. Les seuls qui n’ont pas recours à la traduction sont ceux qui écrivent en tamazight ou en langue algérienne”.

Le rapport de l’écrivain à l’éditeur 
Concernant l’édition, Zaoui, qui a publié chez Fayard et d’autres grandes maisons d’édition arabes, a mis l’accent sur les disparités entre les deux fonctionnements éditoriaux. Zaoui dit avoir l’impression que “les éditeurs arabes prennent à la légère l’obligation d’avoir une commission de lecture, des correcteurs, des rédacteurs littéraires, sans parler des droits d’auteur. On ne sait par exemple pas combien de ventes il y a eu de nos ouvrages ; il n’existe aucun éditeur arabe, je dis bien aucun, qui ne peut donner le nombre exact de tirages et de titres vendus”. Lounis Benali, enseignant au département de littérature et langue arabes de l’Université de Béjaïa, a partagé, pour sa part, son expérience lors de la publication de son premier roman, Ouzlate el achyai edai’a, avec une maison d’édition qui le voyait, selon ses propos, “comme un simple client dont on peut se séparer dès lors que le livre est publié. J’ai même appris que mon livre était vendu ‘en solde’ sans mon accord, alors que l’histoire que j’ai écrite était si importante pour moi”. Et à l’universitaire et critique de revenir sur son écriture : “Je ne prétends pas être écrivain, je suis quelqu’un qui écrit des récits.

J’ai vécu l’expérience de la perte, celle de mon père, et à ce moment-là j’avais deux choix : sombrer dans la dépression ou écrire.” Et de continuer : “Dans mon livre, ‘je tue’ un grand écrivain. Je me rends compte que nous, les jeunes auteurs, nos premières tentatives sont remplies de désirs meurtriers, et chaque nouvelle écriture est une tentative de s’imposer. Si l’on prend la théorie de Freud en compte, ce meurtre est un peu celui de mon père que j’avais perdu, tuer la figure du père ou celle, tutélaire, de l’écrivain expérimenté. Il y a une très forte nuance entre tuer le père et ne pas le respecter.”

 


Yasmine Azzouz 

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