
L’écrivain, poète et journaliste Lazhari Labter publie aux éditions Edif 2000 une anthologie des poèmes de Ben Kerriou, traduits en langue française. Sur la base des recherches du biographe de Ben Kerriou, Bachir Bediar, Labter propose au lectorat francophone ces poèmes du XIXe siècle en langue algérienne, dans une démarche à la fois littéraire et revendicative afin de préserver ce patrimoine.
Lazhari Labter et Bachir Bediar fournissent un véritable travail d’archivistes et de gardiens du patrimoine immatériel avec la publication de l’ouvrage Abdallah Ben Kerriou, ou la quête de l’impossible amour (Edif 2000).
Bediar, biographe de Ben Kerriou et professeur de langue arabe de l’université de Laghouat, avait déjà réuni dans son ouvrage Ben Kerriou, sa vie, son amour et sa poésie plusieurs poèmes du chantre laghouati. Ils font l’objet, dans cette parution publiée le mois dernier, d’une traduction en langue française sous la plume de Labter.
Il en a résulté treize poèmes “traduits dans une langue poétique tout en conservant leur saveur originelle”, écrit le préfacier de l’ouvrage, Abdelhamid Bourayou, linguiste et chercheur en patrimoine populaire.
Partageant le même socle identitaire, linguistique et un amour pour les belles lettres avec Ben Kerriou, Labter transpose dans la langue de Molière la puissance poétiques des vers, les rythmes, les images et les métaphores propres à la poésie algérienne du XIXe siècle.
C’est en 2001 que le travail de traduction prend forme, à l’occasion du millénaire de la ville de Laghouat. Il y a vingt ans en effet, Labter publiait Retour à Laghouat mille ans après Beni Hilel, pour lequel il avait traduit sept poèmes de la langue arabe au français. L’occasion pour l’auteur de rappeler en outre que la poésie de Ben Kerriou a rarement était traduite, si ce n’est au début du XXe siècle, par des auteurs français.
Il cite par exemple Alexandre Joly, premier traducteur connu de Ben Kerriou, dans Revue Africaine dans les numéros 44, 45, 47 et 48 sous le titre “Remarques sur la poésie moderne chez les nomades algériens”.
Il y eut ensuite les travaux de deux Algériens, Hamza Boubekeur et Boualem Bessaïh, qui publièrent respectivement en 1990 et en 2009 en Algérie Trois poètes algériens – Mohammed Balkhayr, Abdallah Ben Kerriou, Mohammed Baytâr et Abdallah Ben Kerriou, poète de Laghouat et du Sahara, des traductions des poèmes de Ben Kerriou.
Lazhari Labter veut cependant compléter ce travail déjà entamé, auquel il trouve deux problématiques que sont la traduction littérale des poèmes et leur excentricité.
“Parce que je trouve que la traduction de Hamza Boubekeur, écrit-il, basée en partie et inspirée de la Revue Africaine, est trop littérale et celle de Boualem Bessaïh trop fantaisiste, la première dénuée du souffle poétique et la deuxième pleine d’excentricité, j’ai pris sur moi de traduire les principaux poèmes – dont certains le sont pour la première fois – tout en étant pleinement conscient en tant que poète que je m’adonnais là à un exercice que j’ai voulu libre mais très risqué, mais dont le jeu en vaut la chandelle.”
Gamr ellil (Pleine lune), Jit anwassaâ khatri (J’ai voulu apaiser mon esprit), La taqnat ya khatri (Ne désespère pas, ô mon esprit), traitant de l’amour, des peines de cœur, de la beauté et de l’amitié dans les versions originales et leurs traductions en français rendent compte de l’immense œuvre de Ben Kerriou et de la richesse de la langue algérienne. Un patrimoine à préserver et à promouvoir.
Yasmine AZZOUZ