Culture Parution de “Ici on noya les Algériens”, de Fabrice Riceputi (Média-Plus)

Le 17 octobre 1961, les dessous d’un crime d’État

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Yasmine AZZOUZ Publié 17 Octobre 2021 à 10:02

© D.R
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Soixante ans après les massacres du 17 octobre 1961, beaucoup de zones d’ombre persistent autour de ce dossier, devenu un point focal de “la bataille mémorielle” entre l’Algérie et la France. Sur les traces du militant Jean-Luc Einaudi, premier à dénoncer la tuerie dans les années 1990, l’historien Fabrice Riceputi revient avec “Ici on noya les Algériens” (Média-Plus) sur ce pan douloureux de notre histoire, la quête de vérité de plusieurs militants pro-indépendantistes, et, au-delà, de la responsabilité de la France d’aujourd’hui envers son passé colonial. 

Ce nouvel ouvrage publié aujourd’hui aux éditions Média-Plus est un hommage aux victimes des massacres du 17 octobre 1961 et à un homme, Jean-Luc Einaudi en l’occurrence, qui a, trente ans durant, œuvré pour la reconnaissance de ce crime d’État, “objet d’une dissimulation systématique de la part des autorités françaises”. Trois cents émigrés algériens – alors que les rapports français ne font état que de deux morts au lendemain de la tragédie – sont jetés dans la Seine sur ordre du préfet de police Maurice Papon, lors d’une manifestation pacifique contre le couvre-feu qui leur est imposé. La répression est d’une violence inouïe. Selon les historiens britanniques Jim House et Neil MacMaster, “elle a été la plus meurtrière de toute l’histoire contemporaine de l’Europe occidentale”.

On dénombre par ailleurs “onze mille personnes raflées, brutalisées et détenues dans des camps improvisés”, des disparus, des personnes torturées, assommées… 
Le journaliste et militant Edwy Plenel, dans un texte titré “Une passion décoloniale”, écrit qu’“au-delà du 17 octobre 1961, le récit de Fabrice Riceputi donne à voir cet humanisme concret, tout en actes et tissé de précautions, dont sont empreints les travaux de Jean-Luc Einaudi”. Ce dernier publie en 1991 La Bataille de Paris – 17 octobre 1961 et sera traîné devant les tribunaux pour les révélations qu’il fait sur Maurice Papon, “architecte” des crimes en 1998. 

Un procès qui se soldera, une année plus tard, rapportent les médias français, par “une relaxe” pour Einaudi et surtout “une reconnaissance de la réalité du «massacre»”. Einaudi n’en était pas à sa première tentative à la publication de cet ouvrage qui fera date. Sa quête de la vérité commence en 1986 avec Pour l'exemple, l'affaire Fernand Iveton, publié chez l’Harmattan. Elle se poursuivit en 1991 par La Ferme Améziane : Enquête sur un centre de torture pendant la guerre d'Algérie (L'Harmattan). Puis vint La bataille de Paris, complété en 2009 par Scènes de la guerre d'Algérie en France : Automne 1961. En France, les débats sur la colonisation sont de plus en plus clivants, écrit Riceputi. Ils opposent d’un côté “un camp antiraciste décolonial, s’attaquant au legs colonial du racisme systémique, à celui des défenseurs du statu quo, arc-boutés sur un refus de reconnaître l’existence de ce dernier”, et cite pour le deuxième camp des figures politiques comme Marine Le Pen et François Fillon. 

Emmanuel Macron, qui qualifia lors sa course à la présidentielle de 2017 la colonisation de “crime contre l’humanité”, change de position “au cours de son mandat” note l’auteur, “pour se ranger à la tête des tenants du déni, maniant même l’anathème contre l’antiracisme populaire, les demandes de décolonialisation de l’espace public et même contre la recherche sur le colonial et le postcolonial, tous bientôt accusés par lui et ses ministres de «séparatisme»”. 

 


Yasmine Azzouz 

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