Culture il a défrayé la chronique en Kabylie à la fin du XIXe

L’histoire fabuleuse d’Arezki Lbachir

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Said OUSSAD Publié 25 Juin 2021 à 19:55

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Arezki Lbachir a défrayé la chronique en Kabylie à la fin du XIXe siècle et reste encore ancré dans la mémoire orale.

L’un des aspects les plus méconnus sous la colonisation française reste le phénomène du banditisme “dans le monde rural” et qui “a traversé presque toutes les sociétés dans les phases d’ébranlement”. Un thème traité par Mohammed Yefsah, maître de conférences à l’université Oran 2, dans le dernier numéro de Confluences Méditerranée, une revue trimestrielle éditée par L’Harmattan. Sous le titre “Banditisme et colonialisme en Algérie : la légende d’Arezki Lbachir”, l’universitaire revient sur l’une des plus illustres figures de cette période qui “alimentent l’imaginaire populaire”, immortalisées par “de nombreux chants anonymes” qui leur sont consacrés. 

Arezki Lbachir, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a défrayé la chronique en Kabylie à la fin du XIXe siècle et reste encore ancré dans la mémoire orale. 
Pour l’histoire, Mohammed Yefsah rappelle que “la trajectoire d’Arezki Lbachir fait l’objet d’incertitudes et d’interprétations divergentes par les agents rapporteurs”. À ce propos, il cite les “chants populaires, journalistes, rapports de justice et de l’administration coloniale française” en estimant que “les récits biographiques ne sont pas fondamentaux dans la représentation du bandit” car “le factuel est souvent mythifié”. Fils d’El-Bachir ou communément appelé Ouali Naït Ali et de Tassadit Tadjibat, Arezki est né à Aït Bouhini en 1859, dans la tribu des Aït Ghobri (l’actuelle commune de Yakouren, à Tizi Ouzou). Pour sa naissance, poursuit le texte, d’autres sources évoquent les dates de 1853 ou 1852. Arezki Lbachir a grandi dans le dénuement. 

Il est traumatisé à l’adolescence par le souvenir de la pendaison de son père qui a participé à la révolte de 1871. Autant rappeler que les contextes politique et économique de son époque sont marqués par l’expropriation des terres, l’adoption du code de l’indigénat, l’interdiction du droit coutumier en Kabylie et la répression qui bouleversent la société de la région et de toute l’Algérie. Il faut ajouter à cela l’installation des colons arrivés d’Europe et la désignation par l’autorité coloniale des “amines”, chefs de village et autres adjoints ou présidents, contrairement au fonctionnement collégial des assemblées de village, appelées tajmaât. Selon le journaliste français Émile Violard, Arezki fut berger, cireur de bottes à Alger, garçon de bain maure, manœuvre, bûcheron, petit khamès (fermier) à Azazga mais aussi porteur de couffins et docker au port. “Ses premiers faits de banditisme se sont déroulés à Alger où il émigre pour subvenir aux besoins de sa famille. Arezki Lbachir s’est marié en 1874 à Tassadit et est père de deux enfants. Le premier vol connu, qu’il conteste fermement, est celui qu’il réalise avec effraction en 1887 dans la villa d’un médecin, dans le quartier résidentiel de Mustapha Supérieur”, écrit Mohammed Yefsah. 

Dénoncé alors par ses complices et poursuivi par la police, il se réfugie dans sa région natale alors que la justice le condamne par contumace, pour ce simple vol, à vingt ans de travaux forcés. Une condamnation qui ne l’empêche pas pourtant de travailler sur un chantier de démasclage dans la forêt de liège de Yakouren “où il tue un contremaître connu pour maltraiter les ouvriers”.

Il prend définitivement le chemin du maquis, vers1888, accompagné de son cousin Amar Oumerri travaillant dans la même exploitation, en emportant avec lui le fusil de la victime. Petit à petit, il se constitue un groupe composé de Abdoun, Beni Flick, Beni Haçain et Djebara, qui deviendra au fil du temps la plus importante bande de la région. Mohammed Yefsah indique que le parcours d’Arezki Lbachir est à la fois singulier et commun à tout bandit, tout en affirmant que d’un point de vue historique et sociologique il n’est pas un bandit d’honneur. “Un bandit d’honneur prend rapidement la forme d’un bandit social, puisqu’il remet en cause le système dominant, dans ce cas colonial, dans sa fuite de la vengeance ou de la justice étatique. Il épouse les attentes de la société, subissant l’humiliation, en matière de justice. Toutefois, il est avant tout représenté comme bandit d’honneur, puisque la vendetta est un ethos intrinsèque à la société rurale”, analyse-t-il. 

Si Arezki Lbachir n’est pas un bandit d’honneur, il est néanmoins perçu par la société, et probablement par lui-même, comme tel “puisque sa conception repose sur un imaginaire, un ethos social au cœur de sa vision”. Les valeurs d’Arezki Lbachir sont celles de la société kabyle de son époque, à savoir awal (la parole donnée), thirougza (courage et virilité) et nif, au sens de dignité et honneur. Ainsi, ajoute l’universitaire, “plusieurs anecdotes confirment d’ailleurs le respect de sa parole donnée, même aux pires de ses ennemis”. En effet, le bandit social est “un paysan hors la loi, considéré comme criminel par le pouvoir”, mais qui reste un héros aux yeux de la société paysanne.

SAID OUSSAD

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