Culture AMIN ZAOUI INAUGURE LE CAFÉ LITTÉRAIRE DE TAKRIETZ (BÉJAÏA)

“L’islamisation de la société nous fait peur”

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Kamal OUHNIA Publié 20 Juin 2021 à 18:50

Amin Zaoui, lors de la conférence animée samedi à Béjaïa. © /Liberté
Amin Zaoui, lors de la conférence animée samedi à Béjaïa. © /Liberté

Créé par les jeunes du village Takrietz, dans la commune de Souk Oufella (Béjaïa), le café littérature a reçu comme premier invité l’auteur Amin Zaoui, qui a animé une conférence autour du thème “Vivre ensemble entre discours religieux et citoyenneté”.

“C’est un honneur pour moi d’inaugurer ce café littéraire qui porte le nom de l’un des symboles du combat de la cause amazighe, Mustapha Aouchiche, membre fondateur de l’Académie berbère, natif de la tribu des Ath Waghlis (Béjaïa)”, lance d’emblée l’auteur Amin Zaoui, lors de la conférence-débat qu’il a animée, samedi à la maison de jeunes de Takrietz, dans la commune de Souk Oufella (Béjaïa). Invité par le café littéraire de Takrietz, fraîchement créé par les jeunes du même village, le conférencier a eu à aborder le thème “Vivre ensemble entre discours religieux et citoyenneté”. 

Avant l’entame de sa communication, l’orateur a tenu à rendre hommage aux militants associatifs de la région, en affirmant que “la Kabylie est perçue comme un modèle de combat démocratique, de la culture de citoyenneté, de débat et de diversité, grâce notamment à la force et au dynamisme de son mouvement associatif”. Abordant la thématique de sa conférence, l’invité de Takrietz indique que “le vivre-ensemble suppose l’art d’écouter. Il repose sur l’acceptation de l’autre et de la pluralité des opinions, le respect de la diversité culturelle et religieuse”.

Selon lui, afin de mieux comprendre ce concept et ses valeurs, il faut repenser le rapport du citoyen à l’Histoire et à la religion. Or, aujourd’hui, “il y a une confusion entre le citoyen et le croyant”, souligne-t-il. Avant d’ajouter : “Il faut placer le citoyen avant ses croyances religieuses.” Pour M. Zaoui, la responsabilité historique incombe aux tenants du pouvoir qui ont “verrouillé toutes les portes et laissé ouverte seule la fenêtre de l’Orient”. “L’Algérien a une histoire tourmentée. Il a oublié que son pays appartient, avant tout, au continent africain et au bassin méditerranéen. On a tout fait pour tourner le dos aux régions du Nord, du Sud et de l’Occident. Au final, on a perdu même nos coutumes, nos arts culinaire et vestimentaire”, a-t-il déploré. 

En fait, le constat fait par l’ancien directeur général de la bibliothèque nationale est amer : “L’école algérienne a falsifié l’histoire.” Afin d’étayer ses propos, il citera deux exemples parmi les figures légendaires de la Numidie qui demeurent méconnues de la majorité des Algériens. Il s’agit du philosophe berbère Apulée de Madaure, le premier romancier de l’histoire de l’humanité, et du roi Juba II qui a écrit pas moins de 60 livres. “Le peuple qui ignore ou rejette son histoire ne peut pas construire son avenir”, a-t-il martelé. Sur sa lancée, Amin Zaoui présente l’école comme “le plus grand parti du mouvement des frères musulmans qui ont investi le système éducatif dans plusieurs pays afin de formater les esprits de leurs peuples”.

Sur un autre registre, il estimera que le rapport de l’Algérien avec la religion est “très compliqué”. “Aujourd’hui, on a perdu la spiritualité de l’islam au profit d’un islam idéologisé et politisé (wahhabisme), alors que l’islam berbère de nos ancêtres était tolérant (soufisme)”, a-t-il soutenu. Fustigeant les partisans de l’islam politique, le conférencier se dit indigné des déclarations de certains hommes politiques et autres candidats aux dernières élections législatives, qualifiant leur campagne électorale de “cirque”. “Ceux qui prétendent défendre l’unité nationale sont eux-mêmes qui cassent la cohésion sociale dans ce grand pays”, a-t-il regretté. Cela dit, l’invité du café littéraire de Takrietz estime que “les islamistes n’arriveront jamais au pouvoir. Ce sont des jouets, voire des pantins, utilisés par le pouvoir”. 

Et de souligner : “Ce ne sont pas les partis politiques islamistes qui me font peur, mais plutôt l’islamisation de la société.” À ce titre, M. Zaoui invite les intellectuels et les politiques à “travailler de façon à se débarrasser de l’hypocrisie politique et religieuse qui hante les esprits au sein de la société algérienne”, tout en plaidant pour “la séparation de la religion de la politique et des institutions de l’État”. Par ailleurs, il convient de signaler qu’à l’issue de cette rencontre-débat, les organisateurs ont décerné des prix symboliques aux lauréats de la première édition du concours du meilleur lecteur du village de Takrietz, en présence de leur invité de marque. 

Le premier prix a été décroché par Azzedine Belattaf, 50 ans, qui a réussi à lire une quarantaine de livres depuis le lancement de cette compétition, en décembre 2019.

KAMAL OUHNIA

 

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