Culture MOURAD SENOUCI, DIRECTEUR DU THÉÂTRE RÉGIONAL D’ORAN

“L’oeuvre d’Ould Abderrahmane Kaki appartient au patrimoine universel”

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Yasmine AZZOUZ Publié 17 Janvier 2022 à 15:13

© D. R.
© D. R.

132 ans, Diwan El-Garagouz, Koul wahed ou hakmou et Béni-Kalboun d’Ould Abderrahmane Kaki seront publiés le 19 février prochain dans un ouvrage né de la collaboration entre le Théâtre régional d’Oran et l’association culturelle “Cartenna” de Mostaganem. Dans cet entretien, le directeur du TRO Mourad Senouci revient sur la sortie de ce recueil, l’importance de faire vivre ce legs à travers des traces écrites, ainsi que sa mise en ligne sur la plateforme de collectes d’archives “TRO mémoires”, accessible au grand public.

Liberté : Le Théâtre régional d’Oran, en partenariat avec l’association culturelle “Cartenna” de Mostaganem, publiera bientôt dans un recueil plusieurs textes dramaturgiques d’Ould Abderrahmane Kaki. Comment est née cette collaboration ?

Mourad Senouci : Les membres de l’association m’ont contacté dans un premier temps en m’expliquant que cela faisait des années qu’ils tentaient de publier les textes de Kaki. Ce n’est pas normal que les textes de quelqu’un comme Ould Abderrahmane Kaki n’existent pas, introuvables même dans les bibliothèques. Quand ne nous possédons pas le support textuel, on ne peut pas faire vivre l’auteur. Publier ces écrits, c’est les rendre accessibles aux étudiants, aux chercheurs aux journalistes. Ils deviennent matière de travail. À la base, l’association culturelle “Cartenna” m’a contacté pour un programme d’hommage à Kaki où nous serions partenaires, et qui aura lieu du 15 au 19 février. Il se déroulera sur trois jours à Mostaganem où sont prévus des expositions de ses œuvres, un press-book, des tables rondes autour de son théâtre et son parcours, et des soirées théâtre auxquelles participeront tous les théâtres de la région. Le dernier jour, l’exposition de Mostaganem sera montée à Oran. Il y aura aussi la représentation d’une pièce écrite par Kaki, et enfin la sortie officielle de la publication qui réunira quatre textes du dramaturge : 132 ans, Diwan El-Garagouz, Koul wahed ou hakmou et Béni-Kalboun. Le TRO et l’association “Cartenna” paieront ensuite chacun 500 exemplaires qui seront proposés à la vente au public, et durant le Salon international du livre d’Alger au stand du Théâtre national algérien. C’est une opération qui a, avant tout, une relation avec la mémoire. Il y a des centaines d’étudiants qui souhaitent travailler sur les textes de Kaki. Je considère que le plus beau des hommages est de perpétuer ce qu’a produit Kaki sous la forme textuelle.

 Comment les textes ont-ils été réunis ?

Les membres de l’association, qui sont très liés à la famille Kaki ont pu recueillir ces textes. Ce sont des gens qui ont été bercés par son théâtre. Kaki est un patrimoine universel, il n’appartient pas uniquement à Oran, Mostaganem ou Alger. Il a marqué l’histoire du 4e art autant qu’un Bachtarzi, etc. Le théâtre de Kaki vit à travers les troupes de théâtre amateur qui ressuscitent son œuvre chaque année sur les planches. Mais cela reste insuffisant, parce qu’il n’y a que les écrits qui restent. Ce que nous souhaiterions également, c’est de faire cela pour d’autres dramaturges. Si cette opération réussit, ça peut ouvrir le champ à d’autres expériences, autant pour nous que ceux qui souhaiteraient tenter la même expérience. À mon sens, il faut capitaliser sur ces choses-là, parce que notre problème est que le legs des artistes disparaît avec le temps. C’est un devoir de mémoire ! Le livre sortira d’abord sur support papier en mille exemplaires, avant d’être mis en ligne gratuitement sur la plateforme de collectes d’archives “TRO mémoires”, que nous sommes en train de construire. Les chercheurs algériens ou de l’étranger peuvent avoir accès librement à ces textes. On ne fait pas ça dans un but commercial.

Les textes de Kaki n’ont jamais été édités. Pourquoi d’après vous ?

Il y a des associations qui perpétuent son legs notamment à Mostaganem. Il a peut-être fallu du temps. La Fondation Abdelkader-Alloula a, par exemple, publié toutes ses œuvres. Les élèves de Kaki auraient dû le faire aussi. Peut-être qu’il n’y a pas eu assez de ressources financières pour son aboutissement.

Pour la sortie prochaine des textes de Kaki, c’est grâce au partenariat que ça a pu se concrétiser, car l’association “Cartenna” cherchait depuis quatre ans un moyen de les publier. On est vraiment contents et fiers d’avoir pu réaliser cela. Je pense aussi aux nombreux étudiants qui pourront travailler dessus, et les travaux qui verront le jour suite à cette publication.

Outre cette exclusivité, le Théâtre régional d’Oran, dont vous êtes le directeur depuis 2017, organise et abrite diverses activités culturelles, comme des rencontres littéraires et des expositions…

Il y a quelques années nous avons monté avec une petite troupe un spectacle avec 8000 DA. On s’est retrouvés à Washington, au Marrakech du rire. Nous avons obtenu une aide pour montrer trois autres spectacles. Je suis arrivé au TRO dans cet état d’esprit. Ma démarche est que le théâtre n’a pas un public, mais des publics. J’ai pensé à une programmation plurielle, c’est-à-dire qu’on garde la programmation théâtrale qui représente 80% de nos évènements. Nous faisons du théâtre pour enfant chaque mardi, amateur chaque mercredi, et un circuit théâtre professionnel et semi-professionnel deux fois par semaine. Je sais, par expérience, que si nous nous contentons uniquement de cela, nous ne pourrons pas intéresser le public.

Depuis trois ans, nous organisons des spectacles musicaux, comme celui de l’Opéra de Paris, de Milan, Manchester… Ça nous a permis d’accueillir un nouveau public, qui ne s’intéressait pas spécialement au théâtre. Même s’il y a des spectateurs qui viennent exclusivement pour la musique, nous avons gagné d’un autre côté des mélomanes qui sont devenus des inconditionnels du 4e art aussi. Nous avons aussi un café-littéraire qui a accueilli de nombreux grands écrivains algériens. Là aussi, nous avons pu avoir de nouveaux spectateurs qui sont venus initialement pour ces rencontres littéraires. Depuis cette semaine, nous avons une programmation arts-plastiques. Quand le public franchit les portes du TRO, il a d’un côté la bibliothèque, la boutique artisanale, et un espace exposition. C’est un espace d’échange, qui respire la culture. On sent que les choses sont en train de se développer, le TRO est maintenant un pôle culturel.

 

Pensez-vous que les autres théâtres doivent se lancer dans cette voie ?

Notre expérience est naissante. On attend de consolider tout cela, mais nous sommes prêts à la partager. Chaque ville a sa spécificité. Je suis un enfant d’Oran, donc j’ai adapté ma démarche à ce que je connais de ma ville. Ce qui est possible de faire à Oran est peut être impossible de le faire ailleurs. Mais le principe reste le même, les théâtres doivent s’ouvrir. Pour fidéliser le public, il faut s’ouvrir. Quand on a un programme de qualité, il ne peut qu’y avoir un public de qualité. Beaucoup pensent qu’il suffit de faire de la communication pour attirer le public. Je pense que la programmation est aussi très importante.

Quel est justement le programme que vous avez tracé pour 2022 ?

En matière de production nous avons un objectif de cinq productions ; deux nouvelles créations pour adultes, une nouvelle création pour enfants, et deux reprises pour enfants. En ce qui concerne la diffusion, nous poursuivrons notre programme itinérant dans les zones déshéritées, que nous organisons grâce aux recettes des spectacles pour enfants qui ont lieu au TRO. Nous sillonnons pendant dix jours villages et écoles, pour montrer ces spectacles aux enfants qui n’ont pas l’opportunité de se rendre au théâtre. Nous prévoyons également l’ouverture du centre de documentation et d’archives Abdelkader-Alloula prévu pour le mois de mars. Tout ce qui est au niveau de ce centre sera numérisé, et avant la fin 2022 ce fonds sera sur la plateforme des archives du TRO.

 

Entretien réalisé par YASMINE AZZOUZ

 

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