Culture Takfarinas, VEDETTE DE LA CHANSON KABYLE

“ON NE NOUS LAISSE PAS TRAVAILLER DANS NOTRE PAYS”

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Samir LESLOUS Publié 07 Juillet 2021 à 20:45

© D.R.
© D.R.

C’est lors d’une rencontre avec la presse, avant-hier à Tizi Ouzou, pour la sortie de son double album “Uliw tsayri” et “Yemma Lezzayer-iw” que l’artiste est revenu sur sa musique, son break londonien depuis 2011 et le manque de considération des pouvoirs publics envers l’art.

En marge de son arrivée à Tizi Ouzou avant-hier pour accompagner la JSK à Cotonou, le roi de la Yal music, Takfarinas, a animé une conférence de presse à l’occasion de la sortie de son double album Uliw tsayri (Mon cœur, c’est l’Amour) et Yemma Lezzayer-iw (Ma mère, l’Algérie). Un dix-neuvième opus que cet artiste ultra-connecté a mis dix ans à achever, autour d’une multitude de thématiques alliant les sonorités modernes à celles plus traditionnelles ou puisées dans le rock, le jazz, le reggae, le chaâbi…

C’est tout naturellement par les circonstances de la réalisation de ce nouvel album que la rencontre fut entamée. “Sa sortie était initialement prévue pour 2019, a fait savoir Takfarinas, mais elle a été reportée en raison du Hirak, puis encore en 2020, mais encore reportée à cause de la crise sanitaire. En tout, il aura fallu attendre dix ans pour signer mon retour. Je me suis contenté de me produire sur scène, mais cela ne signifie point que je suis resté les bras croisés.” Et de poursuivre : “Depuis 2011, j’ai fais un break, je m’étais mis à l’ombre à Londres, une période que j’ai mise à profit pour voir l’art sous plusieurs angles et produire de nombreuses chansons au point où aujourd’hui je dispose de cinq albums en attente”, explique, d’emblée, l’enfant de Tixeraïne, annonçant dès à présent que son prochain album sera à 100% châabi.

Abordant le contenu de cet album, Takfarinas précise que sur le plan musical il n’est pas sorti de son style qu’il a lui-même baptisé “Yal music”. “C’est la musique du monde, qui s’adresse aux peuples du monde, car c’est là où il y a les belles rythmiques et les belles sonorités”, dit-il. “Lorsqu’on participe à des festivals internationaux, on ne comprend pas forcément la langue kabyle, parfois même en langue française le public ne comprend pas, mais lorsque la musique plaît, le public vous suit”, argumente-t-il, soulignant, toutefois, que son premier public reste le public kabyle. “C’est le public de mon berceau que j’aime beaucoup”, aime-t-il à le nommer, lui dont la musique s’adapte à vrai dire à tous les goûts. “Au niveau international, la concurrence ne nous fait pas peur. Preuve en est, beaucoup d’Algériens réussissent à l’étranger. A contrario, c’est dans notre pays qu’on ne nous laisse pas travailler”, a-t-il déploré, avant de revenir sur tous les déboires qu’il a eu à vivre en Algérie, où durant toute sa carrière, entamée en 1979, il n’a pu, dit-il, se produire que 14 fois. “Un nombre que je peux assurer en réalité en un mois”, affirme-t-il. 

Le manque de volonté, la bureaucratisation de la culture, le manque de moyens et de considération sont entre autres les maux qu’il a pointés du doigt, non sans étayer ses accusations par des situations concrètes. “L’unique fois où ils ont décidé de développer la musique, cela a fait un boom dans le monde. C’était avec le raï, et cela a été une réussite. Depuis, rien n’y fait. On veut, et surtout on peut, montrer au monde entier qu’en Algérie nous avons de la culture et de belles choses à montrer, mais on ne nous laisse pas”, a-t-il affirmé, citant en exemple sa tournée nationale qui avait mal tourné il y a quelques années. “Tout a été ficelé avec Nadia Labidi, alors ministre (de la Culture, ndlr), mais voilà qu’au moment de l’aboutissement elle a été remplacée par Azzedine Mihoubi qui a soutenu le projet au début, avant de faire volte-face.

On n’a même pas osé me signifier l’annulation de la tournée. On s’est contenté de ne plus me recevoir. Résultat des courses : je n’ai même pas récupéré tout ce que j’ai dépensé. La pire humiliation pour moi qui n’avais en tête que l’idée de projeter au monde une belle image de mon pays”, a-t-il rappelé avec amertume. “Je suis alors parti en Europe, pris du temps pour guérir et suis revenu”, dit-il, lui qui dit avoir encore, malgré ces péripéties, le cœur plein d’amour, comme le montre ce nouvel album dans lequel il est beaucoup question d’amour justement.

Un album sorti, assure-t-il, dans les quatre coins de la planète, présent sur toutes les plateformes et déjà en rupture de stocks dans plusieurs pays. “Les magasins de la Fnac nous ont félicités. C’est incontestablement un succès”, soutient-il, rappelant que l’album est composé de 21 chansons dont 15 en kabyle et 6 autres en français et en anglais, travaillées méticuleusement au plan musical et délivrant des messages profonds au plan textuel.  
 

Samir LESLOUS

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