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Pour une féminisation du fiqh islamique

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Amin ZAOUI Publié 24 Mars 2021 à 21:37

© D. R.
© D. R.

Le  jour  où  le  regard  sur  l’islam  sera  féminisé,  le  monde  musulman cheminera vers l’humanisme et vers  le  vivre-ensemble.  Le  jour  où les femmes savantes adviendront à établir une nouvelle lecture du patrimoine qui a été écrit par des féqihs, hommes au service des pouvoirs politiques, ce jour-là, l’imaginaire musulman pourra se libérer de l’idéologie masculine qui le ronge depuis des siècles.  
Certes, de nos jours, des espaces socioprofessionnels sont féminisés ou presque, mais  le  monde  musulman  est  toujours  masculinisé dans sa manière de voir le monde.   
Rien n’a changé ou très peu. Malgré la féminisation de la musique et des arts : la chanson, la musique, le  théâtre, l’idéologie  masculine liberticide règne encore.
Bien  que  les  belles  lettres  soient  marquées  par  des  voix  féminines exceptionnelles, des  belles  plumes  dans  la  poésie  et  dans le roman, l’hégémonie masculine littéraire subsiste.
Dans l’école algérienne, dont les trois cycles – primaire, moyen et secondaire – sont féminisés, la présence des institutrices et des professeures est majoritaire en quantité, en nombre, mais la main suprême restera masculine. Elle détient le secret de Polichinelle !  
L’université, elle aussi, de plus en plus, se féminise, et tant mieux. Nous avons des doctoresses et des professeures dans tous les domaines, dans les sciences humaines comme dans les sciences expérimentales, mais le pouvoir de décision reste toujours entre les mains de la gent masculine.
Le domaine de la santé, lui aussi, est féminisé, l’Algérie a formé un nombre considérable de médecins doctoresses spécialistes et généralistes, et tant mieux. Le personnel du paramédical est totalement féminisé ou presque, mais l’idéologie qui régente le secteur est l’otage de l’idéologie masculine machiste. Une femme médecin généraliste, en plein Alger, refuse de soigner les hommes ! Ce cas n’est pas isolé, il illustre la mentalité sexiste maladive.
Puis, il existe quelques voix féminines députées siégeant dans l’hémicycle des représentants du peuple, quelques ministres aussi, peut-être pour la décoration, ou comme message codifié destiné à l’étranger qui nous guette, mais la politique restera une “chose” masculine par excellence !
Quelques femmes fahlate, une poignée, ont franchi le pas du monde des affaires et de la finance ; femmes d’affaires ! Et tant mieux.
Mais toute cette féminisation, qui est un acquis positif, demeure handicapée ou écrasée par l’ancestrale idéologie masculine machiste tant que la femme n’a pas fait son entrée, une entrée solide et critique, dans le domaine des recherches religieuses lucides et éclairées. Tant que la religion est le domaine de l’homme, où la femme est marginalisée et chosifiée, toute féminisation est fragile et discutable. 
Parce que la religion est fort présente dans tous les domaines, il faut féminiser le fiqh, la jurisprudence musulmane, pour créer l’équilibre dans le monde musulman. 
Le jour où la femme sera grande fékiha, capable d’interpréter les textes fondamentaux et de mener un débat critique et rationnel autour et sur les origines et les branches des écoles du fiqh islamique, ce jour-là, le fékih du coin tournera sept fois la langue avant de parler et dire n’importe quoi à propos des femmes. Le jour où la femme sera grande muftie, capable d’émettre des fatwas en toute connaissance du fiqh et de la charia, ce jour-là le mufti du pays ou d’el oumma sera appelé à réviser ou à retirer ses fatwas qui rabaissent et insultent les femmes du pays, nos grands-mères, nos mères, nos épouses, nos sœurs, nos filles, nos tantes et nos voisines.
Le jour où la femme critique et interprète à sa manière, avec une connaissance intransigeante et un courage des lumières, l’héritage masculin islamique rédigé durant des siècles par les féqih du sérail califal, un fiqh sur commande, ce jour-là l’image de la femme sera libérée de la culture de servitude et de soumission et l’imaginaire de l’homme musulman sera, lui aussi, libéré des fantasmes débridés et des obsessions.
Le jour où la femme se libèrera du fiqh islamique masculin califal, elle libèrera automatiquement  l’homme  avec  elle.  Ce  jour-là, la religion reprendra sa place naturelle et humaine dans la société comme expérience personnelle. Une relation individuelle et intime entre l’être humain et Allah. 
Le jour où  la religion  sera  féminisée, ce jour-là,  la  femme  se libèrera religieusement tout en gardant sa religion et ainsi libèrera avec elle les autres femmes  dans  tous les  autres  espaces  socioprofessionnels et artistiques : dans la musique, dans les belles lettres, dans l’école, dans la médecine, dans la politique, dans les affaires et la finance, et dans la vie familiale.
Pour combattre l’idéologie masculine machiste, personne ne partira à la guerre à la place de la femme.   
 

A. Z.
[email protected]

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