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Sardine, vin, prière et pêcheurs !

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Amin ZAOUI Publié 24 Février 2021 à 20:43

© D. R.
© D. R.

Nous disposons de mille quatre cents kilomètres de littoral ! Et le prix de la sardine touche les mille quatre cents dinars ! 

Il fut un temps où nos pêcheurs prenaient le large, et ils n’avaient que des musettes, un bon cœur et une modeste embarcation. Ils savaient lire les vagues. Ils savaient parler à la couleur bleue de la mer et à celle du ciel méditerranéen sur leur tête. Ils savaient bavarder avec le vent et l’orienter à leur guise. Ils chantaient pour faire reculer la peur. Ils savaient habiter l’optimisme et enjamber les mélancolies. 

Ils savaient comment s’habiller, à l’image des princes de la mer : un ensemble de travail bleu au-dessus d’un tee-shirt à rayures ou d’un marcel. À l’image des chanteurs : Ammar Ezzahi, Mohamed El-Badji, Abdelmadjid et les autres. 

Chaque pêcheur, discrètement, recelait son cher secret ; une histoire d’amour ranimée comme une flamme d’âme ardente. Sur la terre sèche, une belle femme l’attendait, assise sur la braise d’un temps : la pierre de la patience. Ils aimaient leur femme, la mer, le vin, la musique et Allah. Allah, Lui aussi les aimait, en les gardant loin de tout danger, à l’abri de tout mal. Ils étaient, tout simplement, des bons ouled lbled, ouled familia.   

Nos pêcheurs ne péchaient pas, ils détenaient l’art de vivre. Bien qu’ils fussent renommés par l’amour de la musique, du vin et de la ville, les pêcheurs étaient respectés par tous les enfants du quartier. Ils ne trahissaient ni Allah, ni l’homme, ni la patrie, ni la mer. 

Leurs modestes embarcations, à l’heure du retour sur la terre sèche d’Allah, étaient toujours remplies de poissons et de beaucoup de petites histoires. 
Tout le monde était bien servi des sardines considérées comme le plat des pauvres. Les chats du quartier, eux aussi, se régalaient. La baraka était partout, là où passaient les pêcheurs !      

Les pêcheurs d’aujourd’hui sortent après l’accomplissement de la prière d’el ichae. En plein large, ils prient même dans leur barque, plusieurs fois dans chaque sortie. Ils ne ratent aucune prière, et tant mieux. Leurs bateaux sont plus sophistiqués par rapport aux embarcations des anciens. La mer n’a pas changé de place, ni de longueur, ni de profondeur. 

L’eau n’a pas triché le pourcentage de son sel ! Les vagues ont la même danse, tantôt violente, tantôt berceuse. Le port n’a pas changé de quai. La ville côtière n’a pas quitté la ville ancienne. Tout est là, à sa place. Même les jours de la semaine sont les mêmes. Certes, nous avons islamisé le weekend.          

Parmi ces pêcheurs d’aujourd’hui, ils y en a quelques-uns qui ont fait les forêts, dans les années quatre-vingt-dix ! En repentis, ils ont bénéficié des lois de la réconciliation nationale ! Et dans le cadre des lois de cette réconciliation nationale, ils ont bénéficié, quelques-uns, de crédit bancaire sans intérêt. Ils ont acheté des bateaux de marque anglaise, espagnole, italienne, islandaise ou scandinave. Des bateaux équipés d’une technologie de pointe. 

Quand l’élection présidentielle est arrivée, pour un quatrième mandant pour le roitelet, le roitelet président candidat a décidé d’effacer leurs crédits ! Parce que l’argent du pays, c’est à lui, les banques d’Algérie ne sont que la poche de son pantalon ! Nos pêcheurs d’aujourd’hui ne boivent ni vin ni bière, et c’est leur choix et leur droit. Ils n’écoutent pas la musique, mais adorent la lecture du Coran sur la belle voix d’Abdelbasset Abdessamad, et c’est leur goût.  

Mais les pêcheurs d’aujourd’hui, même avec leurs embarcations neuves et leurs prières, rejoignent le port sans poissons, sans sardines ! Les familles pauvres ne trouvent plus de sardine chez le poissonnier ambulant. Les chats errants du quartier rêvent d’une sardine !

Mais pourquoi avec nos anciens pêcheurs, ceux qui aimaient Allah, la musique, le vin, leur femme, leur ville, les sardines faisaient le repas des pauvres et des chats errants, tandis qu’avec ces nouveaux pêcheurs, qui eux aussi adorent Allah, n’aiment pas la musique, adorent le liseur du Coran, ne consomment pas d’alcool, la sardine est devenue rare et son prix inabordable ?

Nous disposons de mille quatre cents kilomètres de littoral ! Et le prix de la sardine touche les mille quatre cents dinars !  Ce n’est pas Dieu qui fait tomber la sardine dans les filets des pêcheurs. Pêcher, ce n’est pas prier. Pêcher, c’est un savoir-faire maritime.

 

 

A. Z.
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