Culture Artisan luthier, compositeur et gardien d’un patrimoine ancestral

Si Mabrouk Djoudi, le divin magicien qui avait plus d’une corde à son arc

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Arezki BOUHAMAM Publié 07 Octobre 2021 à 08:59

© D.R
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Il est des artistes qui se démarquent par l’originalité de leur démarche et qui repoussent les limites de l’art. Il en est d’autres qui fusionnent les arts pour en créer un nouveau, qui échappe aux catégories, mais qui touche par son caractère insolite. Il en est enfin des artistes iconoclastes qui, avec des bouts de rien, vous créent un monde magique et festif. Si Mabrouk Djoudi est un artiste qui entre bien dans ces trois cases, mais sa touche propre résiste à toute catégorisation. En effet, c’est un artiste à la pluridisciplinarité à la fois mature, convaincante et riche. Toutefois, chez Si Mabrouk, la créativité, dont il ne s’est jamais départi, décode pour le profane une musique sublimée subrepticement cachée dans les méandres des cordes du luth, du violon et du qanoun. Né en 1918 à Laghouat, dès son jeune âge, l’artiste démontre sa virtuosité en faisant des performances qui allient le sonore et le gestuel.

Qu’il soit permis d’espérer que le travail accompli avec amour et abnégation soit vu et ressenti comme autant de jalons plantés sur le chemin de la rédemption, de la reconnaissance et de la quête du savoir. Artisan luthier de son état, Si Djoudi Mabrouk est également musicien et cousin germain du regretté cheikh Rey Malek de Laghouat. Il fait figure de personnalité culturelle et artistique incontournable, tant il rayonnait par son activité ininterrompue dans le domaine de l’apprentissage musical, d’une part, et artisanal, d’autre part.

À partir de 1944, durant les campagnes de sensibilisation avant le déclenchement de la guerre de Libération nationale en novembre 1954, il composait des chants patriotiques. Outre l’andalou, le chaâbi et le sahraoui qui se pratiquaient régulièrement, ces œuvres ont donné un cachet particulier à la région de Laghouat. Sur le plan des paroles, Si Djoudi Mabrouk s’est inspiré essentiellement du patrimoine lyrique national, tels Bentriki, Ben Msayeb, Ben Keriou et Smati, confiait-il en 1994 dans les colonnes d’El Moudjahid. Avec un groupe d’amis passionnés par la musique, le maître luthier a été aussi l’instigateur de la création de la célèbre association Thuraya.

En effet, la troupe Thuraya a vu le jour en 1945. Si Djoudi Mabrouk en était en même temps le chef d’orchestre et le président. Une année après, soit en 1960, la troupe a été invitée par cheikh Othmane Bouguetaïa, qui lui a proposé d’effectuer une émission radiophonique en direct des studios d’Alger. Cette émission a servi de déclic pour faire connaître le maître auprès des mélomanes d’Alger : Mabrouk Djoudi n’avait que 28 ans, avec deux enfants à sa charge. Si Mabrouk Djoudi, dont on ne louera jamais assez le talent, a toujours aimé interroger à sa manière les instruments de musique.

C’est ainsi qu’au-delà de leurs formes ou de leurs sons il interroge notre rapport à l’origine de la mélodie, au passé ou au devenir. Nulle part, cependant, au cours de ces dernières années, cette question ne s’est posée pour lui de façon plus cruciale que dans l’acte de créer, de conserver ou de restaurer l’objet d’art : car l’intervention humaine dans ce domaine précis se situe et se situera toujours dans un champ de valeurs empli toujours de nostalgie, de mémoire, de chemins de crêtes et d’histoire.

On ne dira jamais assez que c’est au travers de l’axiologie que prennent corps des pratiques conservatives ou restauratrices différenciées dont beaucoup ne semblent mesurer ni les conséquences ni les retombées. Un créateur et magicien comme Si Mabrouk devient par conséquent, au sens propre comme au figuré, un “enseignant” et un guide éclairé qui donne sens aux sons, qui éduque notre ouïe à l’objet créé ou préservé dans son authenticité et nous apprend à l’écouter respectueusement avec amour et dévotion.

Le maître luthier a beaucoup produit pour les artistes locaux, surtout ceux qui sont passés par la troupe Thouraya, Ahmed Hadef en particulier. À l’image de Rey Malek, il n’avait le souci que de bien faire. Le côté mercantile ne l’intéressait pas. Décédé en février 2007, ses œuvres sont présentées uniquement à la Radio nationale.

 


BOUHAMAM AREZKI

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