Culture “Hiziya”, le poème immortel de Mohamed Ben Guittoun

Un hymne à l’amour

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Ali BEDRICI Publié 14 Avril 2021 à 09:21

© D.R
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Abdelhamid Ababsa, Khelifi Ahmed, Rabah Driassa… ont chanté Hiziya. Mohamed Hazourli lui a consacré un film en 1977 et Lazhari Labter un roman en 2017.

“Amis, consolez-moi, je viens de perdre la reine des belles. Elle repose sous terre. Un feu ardent brûle en moi ! Ma souffrance est extrême. Mon cœur s’en est allé, avec la svelte Hiziya.” L’homme qui parle ainsi à travers le poème de Ben Guitoun s’appelle Seiyed, orphelin recueilli par son oncle Ahmed Ben El Bey, le père de Hiziya. Née dans l’insouciance de l’enfance, la passion qui a enflammé les cœurs et les corps des amoureux atteint l’apothéose avec leur mariage en 1878. Hiziya avait 23 ans.

C’était l’époque des “doux moments, où, comme les fleurs des prairies au printemps, nous étions heureux”. Seiyed admirait la beauté de Hiziya : “Ton œil ravit les cœurs, telle une balle de fusil européen, qui, aux mains des guerriers, atteint sûrement le but. Ta joue est la rose épanouie du matin et le brillant œillet ; le sang qui l’arrose lui donne l’éclat du soleil (…) Admire ce cou plus blanc que le cœur du palmier.

C’est un étui de cristal, entouré de colliers d’or (…) Lorsqu’elle laisse flotter sa chevelure, un suave parfum s’en dégage (…)” C’était la promesse d’un bonheur durable sous la lumière éclatante  du désert, la douceur des oasis et la luxuriance des plaines sétifiennes. En cet été 1878, Ahmed Ben El Bey et sa famille, comme de coutume, ont effectué la transhumance à Bazer Sekhra, près de Sétif. Hiziya et Seiyed y connurent un séjour paisible, heureux.

Puis vint le temps du retour vers Sidi Khaled, fief d’Ahmed Ben El Bey, de la famille des Bouakkaz, rattachée à la puissante tribu des Douaouda. Lors d’une halte à Oued Tell (50 km de Sidi khaled), Hiziya fut subitement atteinte d’un mal inconnu qui l’emporta rapidement. Son mariage avec Seiyed a été de courte durée. La mort a mis un terme brutal à une belle histoire d’amour et de bonheur.

Fou de douleur, Seiyed erra des jours dans le désert, criant sa douleur dans l’immensité de l’Erg. Il transcende sa peine et décide d’immortaliser le souvenir de Hiziya. Il sollicite le poète populaire Mohamed Ben Guittoun. Après avoir écouté son histoire d’amour, il exauce le vœu du malheureux Seiyed et écrit un long poème qui sera un véritable hymne à l’amour et à la beauté. “Nous avons campé ensemble sur l’oued Ttel ; c’est là que la reine des jouvencelles me dit adieu.

C’est cette nuit-là qu’elle passa de vie à trépas ; c’est là que la belle aux yeux noirs quitta ce monde. Elle se tenait serrée contre ma poitrine, lorsqu’elle rendit l’âme.” En se voulant fidèle interprète de la douleur de Seiyed, l’amant malheureux, Ben Guittoun a écrit, en cette seconde moitié du XIXe siècle, l’un des chefs-d’œuvre de la poésie algérienne. Un poème chargé de bonheur et de désespoir. Le “bonheur fut éphémère, comme les fleurs du désert qui naissent aux premières pluies et s’estompent quand le sol s’assèche.

Que la vie avait pour nous de douceurs ! Telle une ombre, la jeune gazelle a disparu, en dépit de moi”.  L’ode, débordant de beauté et de passion, bascule dans la souffrance, l’incompréhension, la tristesse. Le poète montre un Seiyed submergé de désespoir : “Je pensais devenir fou, et me mis à errer dans la campagne, parcourant tous les ravins des montagnes et des collines.”

Le mari effondré tente de défier la mort en retenant parmi les vivants le corps de Hiziya : “Ô fossoyeur ! Ménage l’antilope du désert ; ne laisse point tomber de pierres, sur la belle Hiziya ! Je t’en adjure, par le livre saint, ne fais point tomber de terre sur celle qui brille comme un miroir (…)”.

Poète du désert, Ben Guittoun est né vers 1843 à Sidi Khaled (Biskra). Il a chanté la résistance des Zâatcha de 1849 et celle de la Rahmania de 1871. Par sa puissance et sa beauté, le poème Hiziya lui donnera la notoriété et la postérité. Abdelhamid Ababsa, Khelifi Ahmed, Rabah Driassa… ont chanté Hiziya. Mohamed Hazourli lui a consacré un film en 1977 et Lazhari Labter un roman en 2017. 

 

                                                                           
ALI BEDRICI

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