Des Gens et des Faits 51e partie

“COMME UN MIROIR BRISÉ”

  • Placeholder

Taos M’HAND Publié 12 Octobre 2021 à 18:49

Résumé : Le jour “J” arrive bien vite. Latéfa se rend au service oncologie où les malades sont bien pris en charge, elle est surprise qu’on leur serve une collation. Les spécialistes font leur tournée et discutent avec les malades. Ces dernières font connaissance et n’hésitent pas à raconter les peines de leur cœur. Latéfa les écoute, si certains maris sont de vrais soutiens, d’autres sont des monstres. Une malade arrive en retard, portant des marques de coups au visage.

Latéfa est choquée. Dans sa famille, les femmes sont choyées, elle n’a aucune amie victime de violences d’un proche ou d’un mari. Elle se redresse sur le lit et voit l’oncologue, regarder de plus près les marques du cou. 
-Comment t’es-tu fait ça ? 
-Je ne me rappelle pas…
-Mais cela saute aux yeux qu’il a vraiment tenté de t’étrangler, dit l’oncologue. Pourquoi n’appelles-tu pas ta belle-famille ? Il doit bien y avoir quelqu’un pour le ramener à la raison ! Cette fois, tu portes des marques, la prochaine fois, s’il serre un peu plus, tu sais ce qu’il t’arrivera ? Tu mourras ! 
-Non, non ! Il n’a plus de contact avec eux ! Et puis, je ne crois pas qu’il aille jusqu’au bout, dit la femme en essuyant ses larmes, il voulait seulement me faire peur ! 
-Non ! Je voudrais que tu viennes avec moi, pour qu’un médecin légiste t’examine, dit l’oncologue, il te fera un certificat et tu iras porter plainte. Peut-être que la visite de la police le fera réfléchir à deux fois avant de s’en prendre à toi une nouvelle fois ! Dis-moi, est-ce qu’il te battait avant que tu ne tombes malade ?
-Il lui arrivait de me crier dessus, reconnaît la malade, de me donner une gifle… Mais c’était de ma faute, ajoute-t-elle. Parfois, il rentrait avant moi et il ne trouvait rien à manger ! Ou ses vêtements n’étaient pas encore lavés.
-Tu travaillais ?
-Oui, je faisais le ménage chez une famille aisée et généreuse, dit la malade. Mais depuis que j’ai arrêté de me rendre chez eux, on manque de tout ! Il est le seul à travailler et sa paie ne suffit pas. C’est pourquoi je n’ai pas fait les examens demandés.
-Est-ce qu’il te bat devant les enfants ? 
Comme elle ne répond pas, toutes en déduisent qu’ils sont présents lorsqu’il s’en prend à elle. 
-Ils vont à l’école, j’espère ? Dis-moi toute la vérité ! la prie l’oncologue, prenant une chaise, s’asseyant près d’elle, n’hésitant pas à lui prendre la main pour la réconforter et l’encourager. Ils vont à l’école ? 
-L’aîné a quitté le collège, il suit une formation et bricole à droite à gauche pour nous aider, les petits et moi. Qu’Allah le protège ! Mes enfants sont toute ma richesse, ajoute la malade, en joignant les mains à son cœur. S’il leur arrive malheur, je ne me le pardonnerais pas !
-Je sais qu’une mère donnerait sa vie pour eux, dit Dr S. Mais pour les protéger, vous devez rester en vie ! Qui sait comment votre mari se comportera avec eux, si par malheur vous les quittiez ? Écoutez-moi, la prie l’oncologue. Je vous accompagne chez le médecin légiste ! Il vous examinera et fera un compte-rendu médical détaillé ! J’imagine d’autres bleus, ailleurs, sous vos vêtements ! 
-Non, non, je ne peux pas porter plainte ! 
-Votre vie est en danger ! Que craignez-vous de plus ? 
-J’ai peur… Il sera furieux !
-Il ira en prison, promet l’oncologue. Je vais prendre contact avec des avocates qui activent au sein d’une association qui s’occupe des femmes battues et de leurs enfants ! Il ira en prison et vous serez en sécurité !
Mais la malade n’est pas convaincue. 
-Lui aussi prendra un avocat et il n’ira même pas en prison ! Il reviendra à la maison et il me mettra dehors après m’avoir battue, je le connais ! Un rien réveille le démon qui l’habite ! Je préfère supporter son sale caractère et ses coups que de me retrouver à la rue avec mes enfants ! Mais il pourra faire pire ! Il pourra me les prendre et je ne le supporterais pas ! Plutôt mourir que d’être séparée de mes enfants.
-Faites-moi confiance, la prie Dr S. Je témoignerais pour vous ! Il ira en prison pour longtemps !
-Bouh ! On vit dans un pays où règne l’injustice ! Combien d’hommes ont tué leurs femmes, pour un oui ou pour un non, parfois, sans raison et qui n’ont même pas passé une seule nuit en prison ? Ch’hal men wahed ktel ou khrodj baraa ? Combien de criminels sont innocentés ? 
 

À SUIVRE

[email protected]
VOS RÉACTIONS ET VOS TÉMOIGNAGES
SONT LES BIENVENUS

 

  • Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va

    Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.

    • Placeholder

    Abrous OUTOUDERT Publié 14 Avril 2022 à 12:00

  • Chroniques DROIT DE REGARD Trajectoire d’un chroniqueur en… Liberté

    Pour cette édition de clôture, il m’a été demandé de revenir sur ma carrière de chroniqueur dans ce quotidien.

    • Placeholder

    Mustapha HAMMOUCHE Publié 14 Avril 2022 à 12:00