Des Gens et des Faits 52e partie

L’ éternelle blessure

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Taos M’HAND Publié 13 Février 2021 à 20:05

Résumé :  Anissa souffre durant sa grossesse au point de ne pas reprendre le travail. Le temps finit par passer, elle met au monde un garçon et une fille. Nedjmeddine les adore déjà, il donnerait sa vie pour eux. Anissa n’en doute pas. Leurs familles ont fait le déplacement et partagent leur joie. Nedjmeddine attend sa mutation, il espère un endroit calme où ils pourront vivre tranquilles sans peur ni stress.

Anissa et Nedjmeddine s’efforcent à faire des projets même s’ils savent que les lendemains sont incertains. Dès qu’il apprend qu’il est muté à Blida, Anissa qui espérait se rapprocher de sa famille ou de sa belle-famille est déçue. Nedjmeddine l’est encore plus qu’elle, mais il ne le montre pas. 
-Nous déménagerons dans quelques jours, lui dit-il. Quand tu auras le temps, fais le tri dans les affaires.
-Je ne suis pas encore prête dans ma tête. 
-Ma chérie, personne ne l’est, nous n’avons pas le choix. Si tu n’en as pas la force, je le ferai à ta place, il n’y a aucun problème.
Anissa pense à passer le week-end chez son oncle, mais elle est épuisée et n’arrive pas à récupérer, elle aurait pris quelqu’un pour s’occuper du ménage et de la cuisine, mais Nedjmeddine ne fait confiance à personne. Il a beau l’aider quand il est présent, elle a à peine le temps de fermer les yeux que c’est déjà l’aube. 
Les jours passent et les rapprochent du départ. Ils partent à l’aube, comme des voleurs. Des agents civils les précèdent et le camion loué pour le déménagement les suit de près. 
Les bébés dorment durant tout le voyage. Anissa n’a pu dire au revoir ni à sa famille, ni à ses collègues. 
-Lorsque je prendrais mon congé, nous irons passer quelques jours chez ton oncle ou chez ma famille. 
-Avec tout ce qui se passe, je ne crois pas qu’ils te libèreront. Tu ne m’as pas parlé de ce qui se passait dans la région, mais je sais tout grâce à la radio et à la presse écrite, dit-elle. J’avais aussi remarqué que tu ne voyais plus les voisins d’un bon œil. Tu ne les as pas invités à dîner à la naissance de Mahmoud et Zoubida.
-Nous ne pouvons nous fier à personne. Je ne voulais prendre aucun risque, affirme Nedjmeddine, ma famille passe avant tout. 
-Tu te savais menacé et tu tenais à quitter la région, dit Anissa. Tu crois qu’un jour, nous pourrons vivre en sécurité ? Sans craindre de tomber sur un faux barrage ? Sans nous méfier des voisins ? Crois-tu qu’un jour, je pourrais être libre ou non de porter le foulard ? 
-Pour l’instant, personne ne sait quand cette guerre sans nom, faite par des terroristes et des fanatiques, s’arrêtera. Tu devras continuer à porter le voile et des tenues sobres, insiste Nedjmeddine, avec regret. C’est juste pour ta sécurité. Une fois, en paix, tu seras libre de le retirer. 
-Une fois les bébés, un peu plus grands, je reprendrais l’enseignement.
-Je me suis renseigné pour toi, la rassure-t-il. Pas loin du quartier où nous allons résider, il y a une crèche. Nous y placerons nos bébés, tu pourras te consacrer à ce que tu veux.
-Tu as toujours été prévenant, qu’Allah te garde et te protège du mauvais œil.
-Tu veux dire des forces du mal ?
-Ainsi que des forces du mal, j’ai le cœur serré à chaque fois que je pense à Sarah et Djalil qui n’ont pas pu vivre leur histoire d’amour.
-Mektoub, lâche Nedjmeddine, avant de soupirer profondément. Combien de familles endeuillées ? De veuves, d’orphelins ? Sans compter les disparus…
Nedjmeddine ne le lui dit pas, mais celui qui a précédé à son poste, a trouvé la mort alors qu’il rentrait chez lui. Il n’avait pas 40 ans. Il a laissé une femme, des enfants et des parents inconsolables. Lui et sa petite famille allaient vivre dans une région où chaque jour, on enterrait des victimes du terrorisme. Un autre aurait refusé d’être muté là-bas, en sachant qu’il allait côtoyer la mort de près. Ils ne seront en sécurité nulle part.
-Ne t’en fais pas, lui dit-il, se voulant rassurant et positif. Rien ne vous arrivera, je serais toujours là pour vous protéger.

 

 

(À SUIVRE)
 T. M. 

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