Des Gens et des Faits 54e partie

L’ éternelle blessure

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Taos M’HAND Publié 15 Février 2021 à 20:13

Résumé :  Anissa et Sarah n’ont pas pu se voir avant leur déménagement. Elles s’appellent et discutent un peu. Sarah lui demande de rappeler à Nedjmeddine comment Djalil a perdu la vie. Elle le veut en vie pour sa famille. Anissa lui propose de venir chez eux pour chasser les idées noires qu’elle a en tête. Ce soir-là, alors qu’elle est au téléphone avec Nedjmeddine, elle entend des cris effrayants dehors.

-Reste où tu es, ne prends aucun risque. Nous sommes à l’abri, ils ne vont pas entrer dans la cité. Et puis, nous sommes au troisième étage. 
Nedjmeddine accepte de ne pas bouger de son bureau, mais il appelle depuis un autre téléphone, le poste de police de la cité. L’un des agents répond et le rassure. 
-Ils sont partis, ils voulaient nous effrayer. Nous avons appelé du renfort. Des voitures devraient patrouiller. Nous les attendons, les gendarmes ont été alertés, ils ne devraient pas tarder.
Anissa l’entend raccrocher. 
-S’il y a vraiment des gendarmes et la police en train de patrouiller, pourquoi ils n’ont pas vu ces terroristes ? On les entendait de loin, ou peut-être qu’ils ont préféré ne pas les affronter ? Nedjmeddine, ils les ont laissés aller et venir dans le quartier. Imagine les pauvres familles, dans les bidonvilles, dans les villages. Là où ils passent, ils ne sèment que la mort, rien que d’entendre leur “Allah Akbar”, tu perds courage et raison, la peur te pétrifie. Si tu n’avais pas été en ligne avec moi, peut être que j’aurais réagi autrement ?
-C’est bien de garder la tête froide et de ne pas paniquer. Les bébés dorment toujours ?
-Oui. Dès que tu le peux, rentre s’il te plaît.
Nedjmeddine le lui promet. Anissa se sent mieux en voyant les phares de voitures aller et venir. Il n’y a pas d’ambulance, c’est rassurant. Au bout d’un moment, elle va vérifier que les bébés dorment bien. Elle est si habituée à ce qu’ils soient réveillés dès 19 h qu’elle s’inquiète quand ils dorment plus que d’habitude. 
Lorsque Nedjmeddine rentre, le dîner a refroidi. Il trouve Anissa en train de préparer les biberons. Si Mahmoud ne pleure pas, Zoubida ne cesse de réclamer, Nedjmeddine la prend dans ses bras et la berce, tout en lui parlant doucement à l’oreille. Anissa lui tend le biberon. Ils s’assoient l’un en face de l’autre. 
-Je crois que c’est vrai que les pères préfèrent les filles.
-Et que les femmes préfèrent les garçons et qu’elles leur accordent tout ce qu’ils veulent ? Qu’ils sont trop gâtés ?
-Je ne crois pas, je les aime de la même façon. Personne ne me mènera par le bout du nez, affirme-t-elle. Toi, tu craques devant Zoubida.
-Tu te trompes, je suis seulement un père attentionné comme tu l’es avec Mahmoud. Nous sommes des parents exceptionnels, c’est tout. Moi aussi, je les aime et je donnerais ma vie pour eux ! 
-Pour le pays aussi, ajoute-t-elle. Ce soir, j’ai vraiment cru qu’ils allaient s’en prendre aux agents du poste-police et entrer dans la cité. Cela dure depuis si longtemps que je commence à croire que cette guerre ne s’arrêtera pas. Il n’y a pas une région épargnée, ils s’en prennent aux Algériens, toutes catégories confondues. 
-Tu ne m’apprends rien, murmure-t-il. Mais ce serait bien de changer de sujet, propose-t-il. Maintenant qu’ils sont rassasiés, qu’est-ce que tu dirais de passer à table ? 
Anissa repose Mahmoud dans le berceau près de sa sœur. 
-Restez tranquilles, nous sommes juste à côté.
Une fois qu’Anissa a réchauffé le dîner, ils prennent leurs assiettes au salon pour rester près des bébés. 
-Zoubida est en train de sucer son pouce, je crois qu’elle a encore faim, dit Nedjmeddine. 
-Petite gourmande, tu as eu ton biberon.
-Elle réclame mes bras, je crois.
Ils dînent rapidement, sans appétit. Comme d’habitude, Mahmoud et Zoubida ne dorment pas même s’ils sont propres et rassasiés. Nedjmeddine finit par s’endormir sur le canapé du salon, une main sur le berceau de la petite Zoubida. Anissa a pris Mahmoud et elle le garde contre son sein, la petite lampe allumée. Si elle éteignait, Mahmoud se mettrait à pleurer. 
-Je t’en prie mon amour, dors juste deux heures, je n’en peux plus.

 


(À SUIVRE)
 T. M. 


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