Des Gens et des Faits 65e partie

L’ éternelle blessure

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Taos M’HAND Publié 01 Mars 2021 à 08:35

Résumé :  Anissa et sa belle-famille n’ont pas affronté seules cette dure épreuve. Sa famille et Sarah sont restées près d’une semaine pour les soutenir, mais ils doivent partir à contre cœur. L’oncle Hamid propose à Anissa de revenir les chercher, elle refuse. Elle ne veut pas infliger cette double peine à sa belle-famille en les privant si vite de leurs petits-enfants. Elle ne le lui dit pas, mais elle s’apprête à prendre une décision qui changerait leur vie.

La nuit, elle ne dort presque pas, même si sa belle-mère et sa jeune belle-sœur sont là près des bébés à veiller sur eux jusqu’au matin. Zoubida ne cesse de gigoter, Mahmoud ne pleure pas. Il veut juste avoir un visage penché vers lui, s’accrochant au regard ou au sourire. Anissa le délaisse un moment pour prendre Zoubida. 
-Son père lui manque, il avait l’habitude de lui chuchoter à l’oreille. Parfois, elle dormait sur son épaule, qu’il repose en paix. Il restait des heures sans bouger pour ne pas la réveiller, confie Anissa. Moi, je ne pourrais jamais tenir aussi longtemps, je ne pourrais jamais lui accorder la même attention. Je n’ai pas son odeur, sa voix, sa force, sa patience… Que c’est dur de la voir réclamer son père, je me sens dépassée, impuissante, mais je la comprends. 
-Ma fille, sois patiente, ne pleure pas. Elle finira par s’habituer… Tout comme nous. Nous n’avons pas le choix, mektoub benti, mektoub. Aucune mère, aucun parent ne devrait subir la perte de son enfant, Aki erhem rebi a mi.
Anissa tente de la réconforter, elle sèche ses larmes. 
-Oui, prions pour lui pour son repos éternel. J’ai eu la chance d’avoir un mari exceptionnel. Même s’il n’est plus là, Zoubida va grandir avec son doux souvenir. Je lui parlerais de lui, si souvent qu’elle aura l’impression de le connaître. Car, il vit en nous, il fait partie de nous. 
-C’est vrai, je souffre de son absence, mais quand je vois vos bébés, je revis. Il a laissé une partie de lui et si Allah me prête longue vie, je prendrais soin de Zoubida et Mahmoud. 
-Oui, avec plaisir. D’ailleurs, cette semaine, je vais te les confier. Je me rendrais à Blida, j’ai des démarches administratives à faire. Mais dis-moi, penses-tu que vous pourriez vivre en ville ? 
-Mais nous avons notre maison, pourquoi partir en ville ?
-Je devais reprendre l’enseignement et je me disais que nous pourrions rester ensemble, propose Anissa. Ici ou à Blida, tout ce qui compte, c’est que nous ne nous séparons pas. Je voudrais que mes enfants grandissent entourés de toute la famille. Je n’ai pas senti que j’étais orpheline, car mon oncle et ma tante m’ont prise sous leurs ailes et m’ont donné l’amour et la sécurité. Je voudrais qu’ils aient la chance de vous avoir près d’eux, si vous le voulez bien sûr.
-Oh ma fille si tu savais… Qui voudrait se séparer de ces petits anges ? 
Anissa n’a pas le cœur à les séparer. Deux jours après cette discussion nocturne, elle se rend à Blida. Elle appelle son oncle et lui apprend la nouvelle. En fait, il n’approuve pas sa décision. 
-Ma fille, je voudrais que tu viennes vivre chez nous, avec tes bébés. Vous serez chez vous, rien ne vous manquera. Tant que je serais en vie, rien ne vous atteindra. 
-Je sais, mais je ne peux pas. Je vais régler les problèmes administratifs et passer à l’académie. Il y aura bien un poste dans la région. Sinon, nous vivrons de la pension de mon défunt mari.
-Je sais que ta décision part d’un bon sentiment, dit l’oncle. Mais tu n’es pas habituée à vivre à la campagne. Tu ne pourras jamais te faire à leur mode de vie. 
-J’apprendrais, répond Anissa. Je reste avec eux, car ils souffrent autant que moi de la mort de Nedjmeddine. Mahmoud et Zoubida leur rendent la vie plus supportable et leur apportent la force de continuer malgré tout.
L’oncle s’emporte, il est rare de l’entendre crier. Il aurait voulu cette discussion face à face et non pas au téléphone.
-Ma fille, mais dans tout ça, tu t’oublies. Tu es jeune. Tu as encore la vie devant toi. Tu ne vas pas porter le deuil toute ta vie.
Mais Anissa raccroche, une boule dans la gorge, elle pleure. Elle est décidée à porter le deuil et à rester fidèle à son mari. Depuis le début, elle savait qu’il n’allait pas apprécier son choix.

 

 

(À SUIVRE)
 T. M. 

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