Des Gens et des Faits 84e partie

LA BOURGEOISE

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Yasmina HANANE Publié 20 Mars 2022 à 14:29

Résumé :  Malgré ses réticences, Samir se voit dans l’obligation d’accepter un rendez-vous avec Ilhem. À des kilomètres de là, Mordjana se repose. Des voix de femmes la réveillent. Elle n’a aucun mal à reconnaître celle de sa mère. Cette dernière semble furieuse et accuse Mimouna d’avoir pris sa fille en otage.

Saléha regarde sa fille, puis sa belle-mère.
- Qu’est-ce que vous manigancez donc, toutes les deux ? De qui parlez-vous ? Lla Sakina est bien la matrone du village, n’est-ce pas ? Pourquoi faites-vous donc allusion à elle ?
Mordjana s’approche de sa mère et la prend par les épaules avant de l’embrasser.
- Comment vas-tu, maman ?
Sa mère se dégage.
- Tu te rappelles de moi enfin ? Pourquoi t’es-tu refugiée chez ta grand-mère au lieu de te rendre chez tes parents ?
Mordjana lance un regard à sa grand-mère puis hausse les épaules.
- Je ne voulais déranger personne. Je n’avais pas prévu ce voyage que je considère comme une envie inopinée de changer d’air.
Elle s’arrête puis, voyant que sa mère attendait la suite, poursuit :
- Comme lors de mon dernier passage tu ne semblais pas apprécier ma présence, je suis venue directement ici. Yemma Mimouna semble heureuse de me revoir, n’est-ce pas ?
- Oui, ma fille. Nos portes te restent ouvertes. N’oublie pas que tu es chez toi.
Saléha prend sa fille par le bras et la tire brutalement vers elle.
- C’est moi ta mère. Ne l’oublie pas. On dirait que la ville t’a fait oublier beaucoup de choses. Entre autres le respect de tes parents.
Mordjana se dégage.
- Non. La ville ne m’a rien pas fait oublier. Je ne renie ni ma famille ni mes origines. Je pensais venir à la maison dès que j’aurais récupéré de la fatigue et du stress.
- Oui, c’est ça. Raconte-moi des bobards. Qu’ai-je donc fait au bon Dieu pour mériter un tel destin ? Mon mari est un ivrogne et mes enfants me renient.
- Personne ne te renie, mère. C’est toi qui t’es montrée désagréable envers moi et Samir.
- Ce n’est pas vrai. J’ai… j’ai juste critiqué ses manières. Vos manières. Toi aussi tu es devenue hautaine et distante avec moi.
- Ce n’est pas vrai, maman. Certes je ne suis plus cette fille naïve que tu malmenais à ta guise, mais je n’en demeure pas moins ta fille.
- Tu vois ? Tu vois comme tu m’accuses de t’avoir maltraitée ?
- Je ne veux pas revenir là-dessus, maman. Le passé est mort pour moi. Je regrette surtout d’avoir interrompu mes études et raté un avenir meilleur.
- Raté un avenir meilleur ? Ton mari construit des maisons et ramasse de l’argent à la pelle. Tu travailles et te permets tout ce dont tu as envie. Tu vis dans l’opulence, Mordjana, et tu trouves que ce n’est pas assez pour toi ?
Mordjana, qui commence à ressentir une migraine, porte une main à sa tête avant de lancer d’une petite voix :
- Assez mère. Je t’en supplie. Je suis épuisée physiquement et moralement. C’est d’ailleurs pour cela que je suis venue chercher un apaisement chez Yemma Mimouna.
Saléha lance un regard meurtrier à sa belle-mère. Mimouna détourne les yeux et lance à sa petite-fille :
- Va te reposer, Mordjana. Tu es une femme mariée maintenant, et seul ton mari a des droits sur toi. Personne d’autre ne devrait te dicter ta conduite ou te menacer.
Elle se retourne ensuite vers sa belle-fille pour la tancer :
- Tu n’as pas honte, Saléha ? Ta fille a fait des kilomètres pour venir se reposer, et au lieu d’être compréhensive et de lui démontrer ton affection, tu ne fais que la rudoyer et la pousser à te détester et à te fuir. Ce comportement finira par te nuire, Saléha. Tes enfants te quitteront et tu te retrouveras seule avec Ahmed. Toutefois si ce dernier daigne enfin se rappeler de toi et revenir vivre sous le même toit. Sinon, c’est la solitude qui te guette et tu finiras dans un asile de fous.
- C’est tout ce que tu me souhaites, oiseau de mauvais augure ?
- Moi, je ne te souhaite rien d’aussi cruel. Cependant avec le recul, on n’a aucun mal à élucider le comportement de ton mari. Il fuit la maison car tu le rends malheureux. Tu n’arrêtes pas de le sermonner. Tu veux tout mener et tout contrôler toi-même. Et quand cela t’échappe, tu deviens agressive et t’en prends à tes enfants, et même à moi. Que t’a donc fait Mordjana pour mériter un tel traitement de ta part ? Tu n’es jamais satisfaite de ce que t’offre le destin. C’est pour cela que ta jalousie et tes complexes remontent à la surface à chaque fois que tu vois quelqu’un heureux. Même si c’est ton propre enfant. Au fur et à mesure que Mimouna parle, le visage de Saléha passe par toutes les couleurs. Si bien qu’à la fin il devient cramoisi. La sueur perle à son front, et ses mains se mettent à trembler. Elle regarde tour à tour sa fille, puis sa belle-mère, avant de remonter son voile sur sa tête et de quitter les lieux.
 

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