Des Gens et des Faits 85e partie

LA BOURGEOISE

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Yasmina HANANE Publié 21 Mars 2022 à 13:59

Résumé : Saléha a du mal à accepter la réalité. Mordjana a préféré se rendre chez ses grands-parents et n’a même pas daigné lui rendre visite. Cette dernière la rassure. Elle est juste fatiguée et c’est pourquoi elle est venue chercher un peu d’apaisement. Cela ne veut pas dire qu’elle n’a pas pensé à venir à la maison. Mais Saléha n’en démord pas. Mimouna la sermonne. Aveuglée par la colère, elle remonte son voile et quitte les lieux.

Mordjana la suit des yeux. Elle n’a pas voulu interrompre sa grand-mère, car elle reconnaît dans ses propos une réalité inéluctable. Sa mère n’aime pas voir les gens heureux. Elle souffre de leur bonheur et le leur reproche par un comportement agressif et illogique.
Mimouna la tire de ses méditations :
- J’ai préparé du café, ma fille. Allons le déguster dans la cour ; le soleil est presque couché et la fraîcheur du crépuscule te fera du bien.
- Grand-père n’est pas là ?
- Non. Il est sorti pour se rendre chez un marchand de dattes. Il aime les dattes juteuses qu’il prend tous les soirs avec du thé.
- Moi aussi, j’en raffole. Samir a de son côté appris à apprécier notre thé du soir.
- Eh bien, nous allons t’offrir du bon thé du Sud et une gerbe de dattes juteuses.
- Merci Yemma Mimouna. Samir en sera heureux. Depuis son dernier passage chez vous, il ne cesse de faire vos éloges.
- Nous l’aimons comme notre propre enfant. Il l’est un peu d’ailleurs depuis qu’il t’a épousée.
Mordjana suit sa grand-mère, et elles s’installent au grand air dans la cour. Mimouna verse du café et propose à Mordjana de goûter à ses beignets au miel qui sont encore tout chauds.
- Hum… c’est très bon, lance la jeune femme en avalant une bouchée. Et c’est bien plus léger que les beignets qu’on prépare d’habitude.
- Je les ai préparés avec de la farine, du beurre et de la levure de bière.
- Tiens. La recette me paraît un peu différente.
- Oui. C’est comme cela qu’on les préparait dans le temps. Puis la semoule ayant pris le relais, on a vite oublié cette vieille recette. Je suis contente de te voir l’apprécier.
- À ce rythme, je vais prendre des kilos avant mon retour chez moi, et Samir va me le reprocher.
La vieille femme secoue la tête.
- D’abord je te trouve bien plus maigre que lors de ton dernier voyage. Tes angoisses t’ont fait perdre plusieurs kilos. Ensuite, il faut que tu saches, ma fille, que les hommes, quels que soit leur rang et leur niveau d’instruction, préfèrent les femmes un peu rondes. La femme est belle avec ses formes. 
Mordjana sourit.
- Samir ne m’a jamais fait de remarque sur ce point. Il se préoccupe davantage de ma santé.
- En ce moment vous êtes tous les deux pris dans les mailles d’un filet d’inquiétudes. Cela ne veut pas dire aussi que ton mari ne s’intéresse pas à ton bien-être ou à ton confort.
- Loin de là, grand-mère. Samir s’inquiète même trop pour moi.
- Tout rentrera dans l’ordre si Dieu le veut. Lla Sakina est connue pour ses massages et son savoir-faire dans le domaine de la procréation.
Mordjana soupire.
- J’aimerais tant en terminer avec ce cauchemar. Tu... tu vois aussi comment ma propre mère me traite, alors que je suis stressée et anxieuse.
- N’y reviens plus. Ta mère, je la connais depuis plus de trente années. Elle n’était pas plus haute qu’une jarre lorsqu’elle trottinait dans la courette de ton grand-père maternelle, alors que je me rendais chez eux pour acheter du lait ou ramener du bois.
- Tu la connaissais donc bien avant son mariage avec mon père ?
- Et comment ? Nous étions déjà voisins, et même un peu cousins. Mon arrière-grand-mère avait épousé un grand-oncle à eux. Et puis les années sont passées. Les deux familles se sont séparées, mais le destin a vite fait de nous unir. Nous n’avons pas cherché ailleurs pour marier ton père. Saléha était tout indiquée. Elle était belle, savait tenir un foyer et était secrètement amoureuse d’Ahmed.
- Ma mère amoureuse ? Je n’en crois pas un mot.
- Si. Elle était éprise d’Ahmed. Mon fils était encore au service national lorsqu’ils s’étaient rencontrés lors d’une waada auprès du grand saint de la région. Ahmed portait sa tenue militaire et attirait tous les regards des jeunes filles. Saléha ne cessait de le regarder et de lui sourire, avant de me demander de la laisser lui servir son café. C’est là où j’ai pris la décision de demander sa main.
 

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