Des Gens et des Faits 17e partie

LES VOIES DE L’AMOUR

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Yasmina HANANE Publié 19 Avril 2021 à 21:11

Résumé : Le taxi traverse d’anciens quartiers de la ville, et je retiens mon souffle devant la beauté et le charme qui se dégagent des bâtisses, des parcs, des magasins, etc. Des mosquées s’élève l’appel à la prière du crépuscule, et nous arrivons chez le notaire dans un état d’euphorie qui nous surprend. Mohamed Asil Azmi semblait nous attendre.

Il se met à chercher la carte de visite dans sa poche, mais l’homme le devance.
- Mohamet Asil Azmi, pour vous servir.
- Heu… Merci. Nous sommes heureux de constater que vous parlez le français.
- Et comment ! J’ai longtemps vécu en Europe, en particulier à Paris, où j’ai perfectionné mes études, et c’est là où j’ai connu votre grand-père et Fatten Alibey. Nous étions des amis très liés à cette époque.
Il pousse un long soupir.
- Cela remonte à loin, à plus de quarante ans.
Il s’efface pour nous faire signe d’entrer.
- Excusez-moi, je suis tellement heureux de vous voir que j’ai oublié les bonnes manières et le sens de l’hospitalité.
L’homme semble fatigué et assez vieux. Peut-être frôlait-il les quatre-vingts ans.
Comme s’il lisait dans mes pensées, il se retourne vers nous pour confirmer :
- Je suis vieux. J’ai longtemps vécu ailleurs. Cela fait une quinzaine d’années que je suis revenu m’installer dans mon pays, et dans l’ancienne maison de mes parents qui était aussi celle de mes grands-parents.
- Vous dites avoir bien connu notre grand-père ?
- Tout à fait. Heu... Nous allons discuter amplement de tout cela. Suivez-moi.
Le grand hall de la maison sent la cire fraîche passée sur les meubles en bois, et une odeur citronnée émane de la fenêtre grande ouverte qui donne sur un jardin.
La porte du salon, savamment sculptée, s’ouvre pour nous offrir un décor des Mille et Une Nuits. Des tapis, des coussins, des banquettes… Le tout sent le luxe ici aussi. On dirait que le temps nous nargue et nous rappelle que les aïeux avaient toujours vécu ainsi, dans ce décor sorti d’une époque révolue, mais qui fait encore valoir ses droits. 
- Vous n’êtes pas des étrangers pour moi, et je n’aimerais pas vous recevoir dans la froideur de mon cabinet qui se trouve au fond du couloir. Nous serions mieux ici. Il nous indique un sofa recouvert de brocart et appelle sa servante, qui déposera devant nous du thé et quelques sucreries.
- Vous vivez seul dans cette grande maison ?
- Hélas ! Oui. Cela fait longtemps que mes enfants m’ont quitté. J’avoue que je n’ai rien fais pour les retenir, moi non plus. Ils sont nés à Paris et ont préféré y rester. De temps à autre un de mes petites-enfants passe par là pour un  petit séjour. L’année dernière ma fille était venue aussi. On dirait qu’elle avait ressenti ma fin imminente.
J’allais protester, mais il lève une main :
- Je ne suis pas éternel, et le temps nous rattrape toujours pour nous rappeler que nos meilleures années sont derrière nous.
- Vous dites avoir rencontré notre grand-père, lance Djamil.
- Oui, c’était dans les années cinquante. Lui était déjà marié, et moi je venais à peine de boucler mes vingt ans. 
- Effectivement. Mon père, son aîné, est né en 1952.
- Vous êtes donc les enfants de Wahid ?
- Moi je suis le fils aîné de Wahid. Et elle, c’est Narimène, la fille de ma tante Nafissa.
- La plus jeune des filles de Hikmet Pacha.
- Oui. Vous la connaissez ?
- Ton grand-père ne cessait de nous montrer des photos de ses enfants à chaque fois que l’occasion se présentait. Il était fier de sa famille. Vous vous rappelez bien de lui ?
- Pas trop. Nous étions encore des enfants quand il a quitté ce monde. Par contre nous avions bien connu notre grand-mère.
- Ah ! La grande diva… Aziza.
- Vous l’avez connue aussi ?
- Et comment ! Je l’ai rencontrée maintes fois. Ton grand-père la 
ramenait avec lui souvent à Paris, et puis il m’est arrivé de venir en Algérie et de séjourner chez eux une ou deux fois. Je me rappelle bien de cette femme au caractère forgé qui aimait parler de sa famille avec une fierté sans égale.
- Exact. Ma grand-mère ne prenait pas de gants pour parler de ses ancêtres, en bons ou en mauvais termes. Cela dépendait de ceux qu’elle a côtoyés et de ceux dont elle a uniquement entendu parler. 
- Était-elle restée aussi autoritaire que lorsque je l’ai connue ?
- Tout à fait. Elle a assuré une solide éducation à ses enfants. Et après le décès du grand-père, elle a dirigé la maison d’une main de maître. Elle s’estimait aussi la gardienne sacrée des coutumes et des traditions ancestrales, et gare à celui qui osait la défier.
Il sourit.
- J’espère qu’elle n’a pas transmis ce trait de caractère à l’un d’entre vous, car j’avoue que c’est une femme qui n’était pas du tout facile à vivre.
- Elle ne l’était pas, certes, mais nous sommes tout de même ses petits-enfants et nous devrions respecter sa mémoire.
- Bien dit, jeune homme. Je retrouve là un trait de caractère des Hikmet Pacha. Vous avez des principes, et c’est tant mieux.
- Revenons à ce cher cousin : Fatten Alibey.
 

(À SUIVRE)
Y. H.

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