Des Gens et des Faits 8e partie

MERIEM

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Yasmina HANANE Publié 23 Juin 2021 à 20:44

Résumé : Le vieux Aïssa avait vraisemblablement des choses sérieuses à raconter à Amar. Il était confus en lui confiant un secret qu’il gardait depuis des décennies. Amar comprend le désarroi de son ami qui semblait cacher des échos de son passé. En effet, Aïssa lui apprendra qu’il était stérile.

Amar sursaute.
- C’est une plaisanterie ?
- Non, mon fils. C’est la réalité. Je suis stérile. Je me suis marié deux fois, avant d’épouser Tassadit. Aucune de mes femmes n’avait pu tomber enceinte de moi. Les deux premières d’ailleurs s’étaient remariées après leur divorce et avaient eu des enfants. Ce qui confirme davantage mon état. 
- Mais tu as... 
- J’ai eu des enfants avec Tassadit. Oui. J’ai eu trois enfants avec Tassadit. 
- Je n’y comprends plus rien. Comment un homme stérile peut-il avoir des enfants ? Un miracle s’était-il produit ?
- On peut le dire. Je vais tout t’expliquer. C’est ce secret que je vais divulguer, mais que tu vas me promettre de garder au fond de toi jusqu'à la fin de tes jours. Personne ne devra en prendre connaissance, même pas mes enfants.
De plus en plus intrigué, Amar hoche la tête.
- Je te promets de garder ton secret jusqu'à mon dernier souffle. 
Tassadit est bien sûr au courant. 
- Bien sûr, mon fils. Nous sommes les deux comparses d’une situation que nous n’avons pas choisie. Mais Allah est grand. Il a pu exaucer nos vœux les plus chers, sans heurter les sensibilités de nos familles respectives.
Le vieil homme pousse un soupir et tire sur sa moustache.
- Cela remonte à plus d’une vingtaine d’années. Je venais de me remarier pour la troisième fois avec une orpheline qui travaillait chez nous. Tassadit était venue dans notre village des années auparavant. Elle était encore une enfant qui s’accrochait au jupon de la matrone Na Ouiza. Cette dernière l’avait récupérée sur un sentier une nuit d’hiver. L’enfant était perdue et grelottait de froid. Nous avons su plus tard qu’elle venait d’un village voisin. Elle n’avait plus personne dans ce monde et ne survivait que grâce à la générosité de certaines âmes charitables. Où qu’elle se rendait, on la prenait en pitié. On l’hébergeait pour la nuit, on lui donnait à manger et on l’habillait avec ce qu’on avait. Tassadit venait d’avoir sept ou huit ans, mais était déjà robuste et aidait autant qu’elle le pouvait dans les travaux ménagers. Les femmes se la disputaient, et chacune voulait l’avoir dans sa maison pour l’exploiter. Un jour, un homme avait tenté d’abuser d’elle. Elle s’est alors enfuie du village et avait rôdé sur les routes, jusqu'à ce que Na Ouiza la retrouve, à moitié morte de faim et de froid. Elle l’avait ramenée alors dans notre village et l’avait prise sous son aile. La fillette s’attachera rapidement à sa bienfaitrice qui l’emmenait avec elle où qu’elle se rendait. Les gens du village ne voyaient plus Na Ouiza sans Tassadit, et cette dernière apprenait auprès de la vieille femme tous les rudiments des soins par les plantes, des accouchements et les symptômes de certaines maladies qui étaient courantes en ces temps-là. Les années passèrent. Tassadit était devenue une jolie jeune fille convoitée non seulement pour sa beauté, mais surtout pour son savoir-faire. À la mort de la vieille Ouiza, ma mère la ramènera à la maison pour la mettre à l’abri des personnes malveillantes. Afin qu’elle ne se sente pas étrangère dans notre famille, elle lui fera partager toutes les besognes de la maison avec les deux belles-filles qui étaient déjà chez nous. Moi, je venais de prendre épouse. J’étais jeune, et j’avoue que ce n’est pas sans un petit pincement au cœur que je voyais tous les jours cette jolie jeune femme dans notre basse-cour. Ma femme surprendra à maintes reprises mes regards langoureux et jurera de se venger. Une année passe. Mon épouse ne tombait toujours pas enceinte. Je lui demande de prendre son mal en patience, mais elle refusera d’entendre raison et pliera bagage pour rentrer chez ses parents, en me lançant que je serais plutôt heureux d’être libre afin d’épouser cette boniche ramenée par ma propre mère. La jalousie des femmes n’a pas son pareil pour vous dérouter. Je demande alors à ma mère de m’autoriser à épouser Tassadit. Aussitôt, ce fut le grand scandale. Mon ex-femme avait crié sur tous les toits que j’entretenais une relation extraconjugale avec Tassadit, et que c’est pour cette raison qu’elle m’avait quitté. Ma demande en mariage ne faisait que renforcer les soupçons. “Jamais tu n’épouseras cette femme venue des sentiers perdus. Jamais je ne laisserai la honte s’abattre sur notre maison”, me lance ma pauvre mère en se levant pour ramasser les affaires de Tassadit. Elle prépare un balluchon et l’appelle pour lui intimer l’ordre de quitter la maison à la minute même. 
 

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