Économie SLIM OTHMANI, PRÉSIDENT DU THINK TANK CARE

“lâchez la bride aux créateurs de richesses !”

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Meziane RABHI Publié 06 Septembre 2021 à 23:27

© Archives Liberté
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Président du Cercle d’action et de réflexion  autour  de l’Entreprise (Care), Slim Othmani relève dans cet entretien l’absence d’objectifs chiffrés dans le plan d’action du gouvernement. Pour lui, la confiance ne se décrète pas. Elle se construit pas à pas, dans la durée et dans l’effort au quotidien. Slim Othmani estime également que sans réforme fiscale de fond la lutte contre l’informel restera un vain mot.

Liberté : Quelle lecture faites-vous du plan d’action du gouvernement qui vient d’être dévoilé ?
Slim Othmani : Globalement, j’y ai perçu une sorte d’urgence à vouloir tout faire à la fois et tout mettre sur la table, sans que cela soit porté par une réelle vision pour l’Algérie.  
Demain, M. Benabderrahmane quittera le gouvernement comme ses prédécesseurs, et comme pour ses prédécesseurs, on oubliera son programme d’action et ses engagements. Ainsi, le message sur la gouvernance serait plus audible et plus crédible si on commençait par faire une évaluation du programme de M. Djerad. 
Concernant le volet économique, on ne trouve aucun objectif chiffré à l’appui de la feuille de route proposée ni quels moyens financiers, matériels et humains il faudra mobiliser pour la concrétiser.

Dans   le  cadre  de  l’amélioration   de  l’attractivité  du  climat d’investissement, le gouvernement s’engage à lever toutes les entraves à l’acte d’investir par des mesures organisationnelles et financières. Qu’en pensez-vous ? 
Si vous relisez tous les programmes des gouvernements des vingt dernières années, vous y trouverez le même engagement formulé à chaque fois. On nous serine à chaque fois les obstacles bureaucratiques, comme si l’administration économique algérienne agissait de sa propre initiative ou se déployait dans un territoire virtuel qui échapperait à l’autorité du gouvernement. 
Ce débat sur l’investissement devrait être recentré sur des aspects concrets. Quel argent notre pays peut-il mettre sur la table ? Quels projets structurants vont être lancés ? Comment financer les investissements nécessaires pour entamer enfin la diversification de notre économie ? En un mot, comment préparons-nous l’avenir économique de notre pays ? N’oublions pas que les problèmes économiques de l’année 2021 trouvent leur source dans les défaillances de l’investissement vécues dix années auparavant. Et c’est aujourd’hui que l’on doit engager les solutions des problèmes économiques de 2025 ou 2030. Tout le reste, c’est du vent et de la gesticulation. 

Qu’en est-il de la lutte contre l’informel ?
Le poids de l’informel a toujours été au cœur des préoccupations du think tank Care, et là-dessus, je n’ai trouvé dans le programme affiché que des têtes de chapitre sans consistance et sans réelle stratégie. La problématique à ce sujet est très simple. 
L’argent aujourd’hui est de moins en moins dans les caisses du Trésor public et de plus en plus dans celles de l’informel. Et ce n’est pas avec quelques mesures de finance islamique que l’on va le ramener et le mobiliser dans le circuit de l’investissement. La donne à ce sujet est la suivante : c’est notre système fiscal qu’il convient de réformer. 
Au sein du Care, nous avons fait des propositions claires qui méritent d’être mieux entendues. Libre à chacun de les consulter sur le site de notre association. En gros, nos propositions sont les suivantes : lâchez la bride aux entreprises et aux créateurs de richesses. Plutôt que d’aménager des niches fiscales à l’infini, soi-disant pour aider tel secteur ou telle catégorie, simplifions les règles, mais appliquons-les à tous sans exception. Abandonnons ces impôts absurdes du type TAP. Commençons par taxer vraiment la richesse immobilière ostentatoire. 
Et renonçons à créer des impôts qui ne sont pas applicables sur le terrain à tous les assujettis concernés. 
C’est dans l’organisation actuelle de notre système fiscal que l’informel puise sa force. Sans réforme fiscale de fond, la lutte contre l’informel restera un vain mot.  

Le secteur privé algérien peut-il constituer un relais pour tirer la croissance économique dans le contexte actuel de crise majeure que traverse le pays ?
À la base, il est inacceptable que des acteurs privés nationaux soient exclus d’activités autorisées pour des étrangers. Le gouvernement semble vouloir renoncer à interdire des secteurs vitaux comme la banque ou les transports aux acteurs privés, et c’est une bonne chose. Plus généralement, la marginalisation du secteur privé national est une des causes majeures du retard économique de notre pays. Aujourd’hui, il est facile d’observer qu’en dehors du secteur pétrolier et gazier, le secteur public national est presque partout en faillite, après avoir absorbé des montants de ressources financières considérables. Il est urgent d’arrêter cette saignée. Si nous voulons pour demain une économie réellement diversifiée et créatrice de richesses, pourvoyeuses de recettes fiscales pour le Trésor et d’emplois pour notre jeunesse, la seule solution qu’il nous reste, c’est de parier sur l’entreprise privée nationale, non pas seulement comme un partenaire occasionnel, mais aussi comme le vecteur premier de la croissance.

Quelles réformes de politique économique sont nécessaires, selon vous, pour redonner confiance aux entrepreneurs algériens ?
La confiance ne se décrète pas. Elle se construit pas à pas, dans la durée et dans l’effort au quotidien. Elle suppose une autre relation à la valeur travail, à tous les échelons, et cela concerne aussi bien les élites politiques ou économiques que l’employé le plus modeste. Elle suppose également un refus sans complaisance de la médiocrité. Le dernier geste de l’entraîneur national Belmadi trace une voie que tous nos responsables gagneraient à suivre. C’est la meilleure façon d’honorer son pays et ses institutions. 
 

Propos recueillis par : MEZIANE RABHI

 

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