Économie Reconfiguration de la gouvernance des banques publiques

Le pari risqué d’une gestion à deux têtes

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Ali TITOUCHE Publié 02 Mai 2021 à 22:47

Siège de la Banque d’Algérie. © Archives Liberté
Siège de la Banque d’Algérie. © Archives Liberté

La  reconfiguration  de  la  gouvernance  des  banques  publiques  à travers la désignation de présidents de Conseil d’administration et de directeurs généraux pour les diriger, a été expérimentée dans les années 1980 et s’est soldée par un échec.

Plutôt que d’injecter des administrateurs indépendants dans les Conseils d’administration des banques publiques, une idée qui a germé en 2019 - et qui devait ancrer les pratiques de transparence et de contrôle au sein des banques - le gouvernement reprend à son compte l’option d’une gouvernance à deux têtes, expérimentée dans les années 1980 sans grand succès. 

En effet, en mettant fin aux fonctions des P-DG et en confiant la gouvernance des banques publiques aux PCA et aux DG, le gouvernement prend option en faveur de la séparation de la fonction du président du Conseil d’administration (PCA) de celle du directeur général (DG). 

C’est une configuration qui existe dans les grandes entreprises de par le monde, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients, s’agissant de sociétés par actions. Or, cette même configuration qui a été expérimentée en Algérie dans les années 1980 dans le secteur des finances (banques et assurances) avait fait long feu. Elle s’était même soldée par un échec cuisant.

Des entreprises ont failli être paralysées par cette séparation des fonctions, non assimilées par les managers, ce qui a contraint l’Etat de revenir à la gouvernance conventionnelle qui confère aux P-DG l’ensemble des prérogatives en matière de gestion. 

La décision annoncée, jeudi, annulant les fonctions des P-DG aux profit des PCA et des DG marque, non seulement un retour à une configuration expérimentée par le passé, mais vient enterrer le projet d’injecter des administrateurs indépendants dans les Conseils d’administration des banques publiques. 

Un appel à manifestations d’intérêt devait être lancé l’an dernier pour le choix de ces administrateurs indépendants. Ceux-ci devaient aider à concevoir une nouvelle gouvernance pour les six banques publiques, dans le cadre de la réforme des organes de gestion pour “plus d’efficacité, plus de transparence et un meilleur contrôle interne”.

Ce projet vient d’être étouffé dans l’œuf. Les banques publiques sont munies désormais de deux gouvernails, les PCA et les DG. Sauf que, de l’avis de Mohamed-Saïd Kahoul, consultant en management, “la séparation du poste du PCA de la gestion de l'entreprise n'aura aucun effet majeur parce que le président du Conseil d’administration n'a aucun statut de gestionnaire et ne peut en aucun cas être un donneur d'ordre.

Le DG est quant à lui comptable devant un Conseil d’administration et non devant le PCA”. “Il faut comprendre que le rôle du PCA dans le monde est beaucoup plus honorifique. Son rôle est protocolaire, voire diplomatique, dans la gestion des relations avec l'environnement de l'entreprise et des institutions”, soutient Mohamed-Saïd Kahoul, contacté par Liberté. 

Notre interlocuteur regrette que le mode de sélection des nouveaux managers soit le même qui a prévalu dans le système de gouvernance. Le changement opéré à la tête des banques “aurait été annonciateur d'un grand virage si le mode de sélection a été modifié et ouvert à toutes les compétences et même à la diaspora. Ce mode de sélection aurait donné plus de crédibilité aux nouveaux venants pour mener les réformes nécessaires”, estime notre interlocuteur. 

D’après lui, l’idée d’injecter des administrateurs indépendants dans les Conseils d’administration des banques publiques, si elle avait été maintenue, aurait pu apporter un nouveau souffle dans la gouvernance de ces établissements financiers. Selon un banquier de la place, le projet d’introduire des administrateurs indépendants serait abandonné en l’absence de volonté politique d’aller vers la transparence tant recherchée. 

“Les banques détiennent bel et bien des secrets !”, souligne notre source. “J'ai bien peur que cet abandon soit aussi annonciateur d’un autre renoncement, celui de la privatisation du CPA et de la BDL comme annoncé  par le ministre des Finances”, conclut Mohamed-Saïd Kahoul. 
 

Ali TITOUCHE

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