Économie KAMEL BENKHABECHECHE, ÉCONOMISTE, SPÉCIALISTE EN CONSEIL À L’INVESTISSEMENT

“LE PROBLÈME N’EST PAS L’ENDETTEMENT, MAIS LA CAPACITÉ D’EMPRUNTER”

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Ali TITOUCHE Publié 27 Juillet 2021 à 21:26

© D. R.
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Liberté : Pour rassurer sur la situation macroéconomique du pays, le chef de l’État a avancé, dimanche, le non-recours à l'endettement extérieur, réitérant le refus de l’Algérie de faire appel à la dette externe. Quelle lecture faites-vous de cette décision ? 
Kamel Benkhabecheche : Si, dans l’absolu, l’endettement extérieur était un problème, les économies avancées et émergentes n’auraient jamais encouragé les non-résidents à souscrire à leurs émissions obligataires. Le problème n’est pas dans l’endettement extérieur, mais dans la capacité d’emprunt et la destination des fonds empruntés. Dans l’état actuel, l’économie algérienne accuse annuellement un déficit courant d’environ 20 milliards de dollars, ce qui signifie qu’il est assez compliqué de rajouter à ce déficit structurel les intérêts d’emprunt et le remboursement du capital. Pour bon nombre d’observateurs, dont le FMI et la Banque mondiale, le stock de réserves de changes devrait se tarir d’ici deux à trois ans. La question qui en découle est celle de savoir comment financer les besoins structurels dans les deux à trois prochaines années.  

Le retour de la croissance peut-il être financé uniquement par les disponibilités en dinar ; lesquelles ont été renforcées par le recours, à nouveau, à la planche à billets sous forme d’un programme de refinancement spécial arrêté par la Banque centrale et qui consiste à mettre à la disposition des banques commerciales un cash-flow de 2 100 milliards de dinars ? 
Si comme vous le dites, à juste titre, il y a recours à la planche à billets, cela veut dire qu’il n’y a pas de disponibilités en dinar. Dans les faits, il y a des disponibilités en dinar, mais qui sont entre les mains des ménages. Si ce montant (2 100 milliards de dinars) va servir à relancer l’économie, cela représente environ 16 milliards de dollars, correspondant à environ 10% du PIB. On peut donc supposer qu’une partie de ce montant de cette demande ira aux importations. On peut se poser la question de savoir comment conjuguer un plan de relance de 10% du PIB et une prévision d’un déficit de la balance des paiements en forte baisse, passant de 20 milliards de dollars à quasiment à l’équilibre entre 2021 et 2022.  Concernant l’impact de ce plan de relance de 2 100 milliards de dinars, on pourrait être tenté de se demander qu’elle a été l’impact de la 1re tranche de la planche à billets (2017–2019) sur l’économie, dont les montants étaient de 6 500 milliards de dinars. 

L’excès de la dépense intérieure brute de l’ensemble des agents économiques rapportée au revenu national a été à l’origine du creusement du déficit de la balance des paiements qui, à son tour, a accéléré la fonte des réserves de changes. Les mesures restrictives des importations sont-elles suffisantes pour réduire le déficit de la balance des paiements et enrayer l’érosion des réserves de changes ? 
Il est vrai qu’il y a un lien direct entre le solde de la balance des paiements et la demande domestique (interne). Une demande interne excédentaire entraîne mécaniquement une hausse des importations et une détérioration du solde externe. Mais il n’y a pas que ce paramètre car il faut aussi prendre en considération, notamment, l’offre domestique (la production locale). De 2015 à nos jours, le dinar a perdu environ 30% et 44% de sa valeur par rapport au dollar et à l’euro respectivement. Ces dépréciations de la monnaie nationale (renchérissement des produits importés) n’ont quasiment pas eu d’effet sur le solde courant ; les réserves de changes sont passées de 144 milliards dollars en 2015 à un  peu plus de  40 milliards de dollars actuellement. Tout cela pour dire qu’il faut mettre le paquet sur le développement de cette offre de biens produits localement (production domestique). Le but n’est pas forcément que ces biens soient exportés car il s’agit, d’abord, de répondre à une demande interne (substitution des importations) ; lequel paramètre serait très positif pour l’économie algérienne. 

Un endettement extérieur bien géré ne serait-il pas une bonne option pour préserver ce qui reste des réserves de changes ?
Comme indiqué précédemment, le problème n’est pas dans l’endettement en lui-même, voire dans l’endettement extérieur, mais dans la capacité d’emprunt de l’emprunteur et la destination des fonds, entre autres. Sans endettement extérieur, la balance des paiements algérienne présente un déficit annuel d’environ 20 milliards de dollars. Avec un endettement extérieur, il faudra rajouter 2 à 3 milliards de dollars/an (intérêts et amortissement du capital). Si l’endettement extérieur sert à acheter des voitures, des produits consommables…, l’impact sur l’économie algérienne sera négatif et sera, en revanche, positif aux pays exportateurs. La bonne option, comme vous le dites, consiste à bien gérer l’économie algérienne : création de valeur ajoutée, de richesse économique, d’emplois…Parler d’endettement extérieur ou non est un faux débat ! Cela dit, vous avez raison, l’endettement extérieur à venir coûtera plus cher qu’un endettement réalisé il y a trois ou quatre ans, lorsque les réserves de changes étaient autour de 100 milliards de dollars.
 

Propos recueillis par : A. TITOUCHE

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