Éditorial

Fuite en avant

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Karim KEBIR Publié 28 Février 2021 à 23:50

Incommodé ou tétanisé par le retour du Hirak, le pouvoir, via ses relais médiatiques, n’a pas trouvé meilleure recette pour discréditer la formidable mobilisation que d’agiter le spectre d’un retour à la décennie noire. En évoquant les marches de vendredi dernier, la chaîne de télévision publique qui, une année durant, n’avait pas vu de Hirak populaire, a cru voir que le nombre des manifestants a augmenté “après la prière et dont certains scandaient des slogans qui ressemblaient à ceux de la décennie qui a conduit à la mort de 200 000 personnes”.

En   2017  déjà,  alors   que  le  pays  était  confronté   aux  conséquences économiques  de  la  chute  du  prix  du  pétrole  et  qui  se  préparait  à  la perspective d’un cinquième mandat, l’ENTV s’était distinguée par la diffusion d’un reportage choquant sur les massacres de la décennie noire.

Sous le titre “Pour ne pas oublier”, le reportage de “propagande de l’horreur” visait à glorifier le rôle de Bouteflika dans le retour de la paix et par ricochet “terroriser”, comme le soupçonnaient nombre d’observateurs, la population au moment ou un sourd grognement social se faisait entendre. Ce “chantage à la peur”, comme l’ont dénoncé les internautes à l’époque, n’a pas empêché l’insurrection de février 2019.

Si elle peut donc perturber ou parasiter pour  un  temps le mouvement, cette carte de  l’épouvantail  islamiste  et  du  terrorisme  est  vouée sans doute à l’échec. Car non seulement, le mouvement a montré jusque-là sa maturité en déjouant tous les plans de division et en transcendant tous les clivages, mais aussi parce que les slogans auxquels fait référence l’ENTV sont circonscrits à quelques petits groupuscules. Aussi, parce que discréditée, la chaîne, dédiée depuis longtemps à la propagande, ne  fait que  renforcer paradoxalement la mobilisation populaire.

Mais au-delà, la convocation de la décennie noire pour tenter de torpiller un mouvement qui donne du fil à retordre au régime vient nous rappeler que cette période n’a pas été totalement soldée. Et qu’à ce titre, l’islamisme politique, enfant du même système qui le diabolise aujourd’hui, et partant de la place de la religion sont des questions dont nous ne ferons pas l’économie du débat un jour.

Si elle a pu faire taire les armes, la charte pour la paix et la réconciliation nationale, aidée il est vrai par l’aisance financière d’alors, n’a pas pour autant réglé les questions de fond frappées de tabou. La confusion et la fuite en avant ne règlent ni les problèmes ni ne construisent le pays. Elles ne font que compliquer la situation. 

  • Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va

    Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.

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    Abrous OUTOUDERT Publié 14 Avril 2022 à 12:00