Éditorial

Le prix de la désillusion

  • Placeholder

Karim KEBIR Publié 10 Mai 2021 à 00:23

Le contraste est saisissant : au moment où le régime s’emploie, la tête dans le  guidon, à  mener  à  bon  port  son  entreprise  de  restauration autoritaire, des  jeunes  quittent  le  pays, par  vagues  successives  et  au moyen d’embarcations de fortune, en quête  de  cieux  plus  cléments sur l’autre rive de la Méditerranée.  En  l’espace  de  deux  jours, pas  moins  de trente embarcations de harraga, ces “brûleurs de frontières”, sont arrivées sur les côtes espagnoles, selon la presse locale.

Durant  les  deux  premiers  mois  de  l’année  en cours, les  deux  tiers  des migrants arrivés en péninsule ibérique sont des Algériens. En 2020, alors que le pays était en confinement total, dans le sens le plus large du terme, plus de 11 000 Algériens ont quitté le pays.  Loin  d’être  exhaustifs, ces  chiffres sont appelés à augmenter dans les prochaines semaines, étant entendu que la période estivale demeure la plus propice et la plus favorable pour les traversées. Et comme le redoutent, d’ailleurs, les autorités espagnoles, leur pays risque de faire face dans les prochains mois à la pire vague migratoire des dix dernières années.

Ni  la  pandémie, ni  la  crise  économique  qui  frappe  l’Europe,  ni  les conditions  drastiques  de  séjour, ni  la  traque  des  autorités,  autant espagnoles  qu’algériennes, encore  moins  la  crainte  de  périr  en  mer ne semblent dissuader ces jeunes, de plus en plus nombreux, dont des femmes, de tenter l’aventure en quête d’un soupçon  de  bonheur  qu’ils  peinent à trouver dans leur pays.

Cette  recrudescence  d’un  phénomène, pourtant  en  net  reflux  durant la première année du Hirak populaire, signe, sans aucun doute, la désillusion qui a  désormais  gagné  cette  frange  de  la  population  précarisée, sans perspectives,  dont  la  situation  sociale  s’est  aggravée  par  les conséquences de la pandémie.  Elle  traduit  aussi  ce  confus  sentiment  d’étouffement, d’absence de lisibilité et de projection sur l’avenir dans un contexte marqué par un statu quo mortifère.

Faute d’offre politique à la mesure des aspirations pour le changement exprimé par les Algériens depuis février  2019 et  à  la  mesure  des  espoirs suscités par la formidable mobilisation, le régime, par mépris, cécité, manque de clairvoyance ou  par  hostilité au changement, n’a  pas  réussi  le  pari  de conforter cette espérance.

Comment parviendra-t-il à rétablir la confiance, clé  de voûte de  la  crise, à remobiliser ces  jeunes  qu’il  n’hésite  pas  à  tenter  d’amadouer  et  à  les convaincre  que  leur  devenir  est  chez  eux ?  Sans  changement de paradigmes  de  gouvernance, sans  une  véritable  vision  de  rupture, la  mission  est quasi impossible. En attendant  une  hypothétique  approche  de  nature  à semer l’espoir, le pays continuera à dévorer ses enfants. Sur terre et en mer.

  • Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va

    Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.

    • Placeholder

    Abrous OUTOUDERT Publié 14 Avril 2022 à 12:00