Entretien Boukhalfa Yaïci, directeur général du Cluster Énergie Solaire

“2022 sera l’année de la transition énergétique en Algérie”

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Aziz BOUCEBHA Publié 30 Novembre 2021 à 10:17

© D.R
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Rencontré en marge des travaux d’une journée technique consacrée aux énergies renouvelables à Boumerdès, Yaïci Boukhalfa, expert dans le domaine, estime que le recours à ce type d’énergies en Algérie a une raison purement économique ; il explique que cela est dû à l’augmentation continuelle de la demande nationale en énergie et prédit, par ailleurs, que plus on perd de temps, plus difficile seront les ressources à mobiliser pour soutenir l’économie nationale.

Liberté : En votre qualité d’expert, quel est l’apport des énergies renouvelables ?

Boukhalfa Yaïci : Dans tous les plans développés à l’échelle internationale, les énergies renouvelables commencent à prendre de l’importance sous forme d’un pourcentage qui va devenir significatif dans les mix énergétiques des pays. Les études avancées tablent de manière importante sur le recours aux énergies renouvelables pour rester en dessous de 1,5 °C d’augmentation de température à la fin du siècle. En Algérie, l’enjeu est différent puisque n’étant pas un pays pollueur, notre contribution au réchauffement climatique est insignifiante, de même que celle de l’Afrique. Le recours aux énergies renouvelables en Algérie a une raison purement économique dans le sens où l’augmentation continuelle de la demande nationale en énergie (électricité, gaz et carburants) va réduire les quantités qui pourront être exportées. Cette situation est liée à la baisse de la production car il n’y a plus de nouvelles découvertes majeures en gaz, à part quelques rares découvertes ces dernières années. La solution à cette situation repose sur la conjugaison de trois actions concomitantes : 
a) réduire la consommation d’énergie à travers l’implémentation de l’efficacité énergétique dans le bâtiment, l’industrie, le transport, etc. ; 
b) utiliser les énergies renouvelables pour produire de l’électricité et de la chaleur en se substituant au gaz ; 
c) garder les quantités de gaz économisées pour les générations futures. 
Ce sont les ingrédients d’une transition énergétique équilibrée à faire maintenant plutôt que demain.

Quel impact aurait le recours à ces énergies sur l’économie nationale ?

Le rôle des énergies renouvelables est éminemment économique dans le sens où des postes d’emploi sont créés durant les phases de fabrication, de construction et d’exploitation. Ainsi, il est possible de créer entre 7 000 et 10 000 postes d’emploi par 1 000 MW de capacité installée. Travailler sur le long terme doit aussi permettre de mettre en place une industrie des énergies renouvelables en Algérie. C’est le cas de notre pays, où des investisseurs se sont engagés dans la réalisation d’usines de panneaux solaires photovoltaïques dès 2011. Aujourd’hui, nous avons quatre usines de panneaux solaires photovoltaïques totalisant une capacité de production de 285 MW, qui va passer à 445 MW à fin décembre 2021 avec une cinquième usine qui sera opérationnelle à Ouargla. 
Au-delà de la fabrication des panneaux photovoltaïques, nous avons d’autres investissements de diversification dans les structures métalliques, les câbles, etc. Cela avait été fait en tenant compte des chiffres avancés par les pouvoirs publics en 2011 avec 12 000 MW pour le marché local + 10 000 MW pour l’export. Des chiffres plus ambitieux pour le marché local avaient été fixés en 2015 avec 22 000 MW ; seuls 390 MW ont été réalisés à fin 2020. On voit le large fossé entre les objectifs affichés et les résultats obtenus sur le terrain.   

L’Algérie envisage à l’horizon 2035 d’atteindre une production de 15 000 mégawatts. Est-ce envisageable dans les circonstances actuelles ? Quel est votre avis sur la question ?

Comme expliqué auparavant, la situation actuelle et la demande future de la consommation, qui augmente de 5 à 7% par an, nécessite de trouver une solution durable et respectueuse de l’environnement. Les conditions d’accès des produits algériens aux marchés des pays européens vont se durcir en tenant compte de leurs empreintes carbone s’ils sont produits ou ont utilisé de l’énergie carbonée. Le recours aux énergies renouvelables est une chance pour les produits et services algériens pour atteindre les marchés régionaux. 
Le programme de 15 000 MW pourrait être multiplié par trois si le pays s'engage dans la production de l’hydrogène vert. On voit tout l’intérêt pour l’Algérie de s’engager dans un programme ambitieux et planifié. 
Concernant la situation économique actuelle du pays, cela ne doit pas être un frein pour s’engager dans la voie de la durabilité et dans la construction d’un nouveau modèle énergétique durable pour le pays. Plus on perd de temps dans son lancement et sa mise en œuvre, plus difficile seront les ressources à mobiliser pour soutenir l’économie algérienne.   

Quelles sont les perspectives en matière d’énergies renouvelables en Algérie ? Quelle est votre appréciation ou votre approche sur ce volet ?

Le déploiement des énergies renouvelables doit être de grande envergure, étalé sur plusieurs années, être appliqué avec les différentes sources d’énergies en fonction de leurs localisations, avec des configurations allant de petits systèmes de quelques kilowatts aux grandes centrales de plusieurs dizaines de mégawatts. Le déploiement doit être accompagné par des incitations aux investisseurs, qu’ils soient petits ou grands. Il s’agit aussi de l’accompagner par un programme d’efficacité énergétique pour stabiliser la demande dans une première période (3 à 5 ans), puis de déconnecter la relation entre la croissance de l’économie et celle de la production d’énergie. 
L’entreprise algérienne doit être au centre de ce déploiement car elle est la source de création de la valeur ajoutée et de la création de postes d’emploi. Nous appuyons aussi l’instauration de l’obligation du contenu local en produits et services développés en Algérie. 
Aujourd’hui, la mise en place d’un ministère dédié à la transition énergétique et aux énergies renouvelables, les actions programmées et les efforts fournis par la nouvelle équipe installée en juillet 2021 suggèrent qu’un démarrage massif sera initié dans les prochaines semaines. Il y a quelques jours, lors d’un Conseil des ministres, plus de détails ont été livrés sur ce déploiement. Nous avons espoir que 2022 sera l’année du démarrage effectif de la transition énergétique en Algérie.

 

 

Entretien réalisé par :  Aziz Boucebha

 

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