Reportage SON TISSU URBAIN EST COMPLÈTEMENT DIFFIGURÉ

EL-MILIA, UNE VILLE ABÎMÉE

  • Placeholder

Amor ZOUIKRI Publié 27 Juillet 2021 à 21:36

© D. R.
© D. R.

Comme nombre de villes à travers le pays, El-Milia, dans la wilaya de Jijel, n’échappe pas à l’anarchie qui accompagne certains travaux à n’en pas finir. Égouts à ciel ouvert, poussière, tissu urbain transfiguré par le bricolage dans les travaux et le laxisme rendent la vie insupportable à la population locale. Reportage. 

Natif de la ville d’El-Milia, et pour des raisons professionnelles, Hamid s’est installé à Jijel. Mais, très souvent, il revient pour visiter et se retremper dans l’ambiance de sa ville natale. Sauf qu’à chacun de ses retours, la perspective des retrouvailles avec la ville qui l’a vu naître et la joie qui l’accompagne cèdent vite le pas au spectacle qu’elle offre à la vue. “Mais qu’est ce qui arrive ?” s’interroge-t-il, un tantinet choqué, pour la énième fois lors de sa dernière visite dans cette ville, il y a tout juste quelques jours. Complètement abasourdi, il ne cache pas son étonnement devant la gestion de ces multiples projets qui défigurent cette ville, et qui, en plus, ne font pas l’unanimité. Décrié de toute part, un projet d’assainissement, lancé à la va-vite et confié à l’APC a plongé cette agglomération dans  un extrême état de ruine. Un chantier qui a rendu impossible la circulation automobile. 
Toutes les voix qui s’élèvent face à cette anarchie qui s’est installée sont unanimes pour décrier la conduite des travaux. “C’est du bricolage”, entend-on à répétition depuis le lancement des travaux, il y a une année de cela. Certains s’en prennent même à l’étude qui a été faite et remettent en cause la qualité des travaux aux allures de bâclage. “Tout est déjà bâclé dans cette ville, il n’y a qu’à voir ces multiples projets qui n’ont servi qu’à engloutir des sommes colossales d’argent pour finir bâclés”, fulminent des citoyens. “C’est étonnant qu’un tel projet soit confié à l’APC”, affirme, pour sa part, un responsable local, qui se dit lui-même pris de court par cette gabegie qui caractérise la gestion, pas seulement de ce projet, mais de toute l’APC. “C’est un projet d’envergure sectoriel, pourquoi l’a-t-on condamné à ce bricolage ?”, fait remarquer ce même responsable qui a requis l’anonymat. Il soutient toutefois qu’il y a de plus en plus de volonté pour sortir de cette situation. “Les travaux de la remise en état vont être entamés”, confie-t-il. Ces travaux pour remettre la chaussée en état n’ont finalement pas été entamés, plusieurs jours déjà après cette entrevue, même si certains n’y voyaient aucune utilité s’ils venaient à être lancés. “Il y aura dans quelques jours, un autre projet de rénovation du réseau d’AEP qui va être lancé et c’est la pagaille qui s’installera encore pour une longue durée”, redoutent certains comme pour dénoncer “ces improvisations dans la conduite de ces travaux”. Et quels travaux quand on sait qu’il s’agit de rénover des réseaux d’assainissement et d’AEP dans une ville, qui assiste, près de soixante ans après l’indépendance, à l’un des pires épisodes de son histoire. “Il fallait penser à cela avant. Pourquoi avoir attendu 2021 pour s’apercevoir qu’il faut rénover ces réseaux ? Ces projets sont une urgence, ils n’attendent pas. Qu’est-ce que faisaient les anciens responsables dans cette wilaya, dans cette daïra ? Que faisaient ces élus et ces directeurs exécutifs, pourquoi les a-t-on nommés dans ces postes s’ils n’anticipent pas dans le lancement de tels projets ?”, s’interroge encore ce responsable. 

Une ville en décrépitude 
Une ville de cette envergure, qui, de surcroît, a contribué au prix d’un grand sacrifice à l’effort de guerre et de résistance pour le recouvrement de l’indépendance nationale, se retrouve ainsi dans une situation de précarité et de déchéance. Il faut dire que le spectacle qu’offre cette cité, croulant sous les ordures et polluée de bout en bout, est d’une extrême désolation. L’urgence est dans le redressement de cette situation. Mais comment et de quelle manière ? Telle est la question que tout le monde se pose quand on sait que tout un chacun crie son ras-le-bol et personne n’avance la solution miracle. “S’ils ne savent rien faire, il fallait qu’ils prennent l’exemple des autres”, préconise Hamid avant de repartir à Jijel. “À Jijel, ils ont justement accompli les mêmes travaux, ils ont tout rénové, mais ils ont bien géré la situation, et c’était en pleine saison estivale”, rappelle-t-il. “De par ma fonction, j’ai été témoin de ce qui s’est fait, les travaux s’accomplissaient par tranche et à chaque fois qu’on avançait, on remettait la route dans son état initial. Pourquoi ne pas faire de même ici ?”, s’interroge-t-il. Il faut dire que ces interrogations sont soulevées à longueur de temps dans une ville qui fait endurer à ses habitants les pires cauchemars de leur vie. À telle enseigne qu’ils finissent par perdre patience face à cette situation éprouvante et face à un hypothétique redressement de la situation. Sur les réseaux sociaux, la Toile s’est enflammée par des commentaires désabusés, balancés par des citoyens qui ne savent plus à quel saint se vouer. La faute leur incombe-t-elle aussi ? Il faut à ce propos revenir à ces temps où la population locale s’était désintéressée du destin de cette ville, livrant sa gestion à des élus contestés et vilipendés. Résultat des courses : un homme, sorti droit de l’anonymat, instituteur de son état, s’est retrouvé, durant trois mandats successifs, à l’hôtel de ville avant d’être congédié suite à des poursuites judiciaires. 
Une arrivée considérée comme un “tournant dans l’histoire de la municipalité”, selon certains au parfum de la gestion des affaires de la commune. Il faut dire que l’amorce de la descente aux enfers a été entamée avec cette nonchalance dans la gestion des affaires de l’APC, conduisant à des poursuites judiciaires et des condamnations. Quoi qu’il en soit, le cruel destin de cette ville est là. Et ce n’est pas la volonté affichée du wali, Abdelkader Kelkel, de remédier à ce triste constat qui est susceptible de peser sur les événements. Il faut dire qu’à son installation à son poste à Jijel, au début de l’année 2020, le chef de l’exécutif de wilaya s’était vite rendu compte de l’état critique de cette APC. S’intéressant de près à sa gestion, il a tenté de se rapprocher des élus et de la société civile dans une tentative d’amorcer un dialogue entre les deux parties pour relancer les projets à l’arrêt. Et c’est le fameux projet d’assainissement, battant toujours de l’aile, qui a attiré son attention. Il a insisté sur l’accélération des travaux, préconisant d’aller vers le système de “3 fois 8”. Peine perdue, car c’était sans compter sur le profond mal qui a déjà été fait à cette ville. Livrée à son cruel destin, celle-ci s’est laissé entraîner dans une situation des plus compliquées dont elle peine à se sortir. Impuissants à peser sur les événements, les citoyens endurent les séquelles de cette pénible situation. 
Plus rien ne semble fonctionner dans cette agglomération, renvoyant l’image d’une ville sinistrée sur tous les plans. Son stade communal, tout comme sa salle de cinéma, ses jardins publics et ses abri-bus sont complètement dévastés et livrés à un cruel sort. Ils n’ont pas résisté à ce qui s’apparente à une œuvre de destruction. Les routes ne sont pas en reste, puisqu’aucun tronçon n’a été épargné par cette œuvre destructrice. Les eaux usées rejetées çà et là en plein centre ville et à la périphérie, ajoutées aux ordures non ramassées, complètent ce décor hideux et rendent plus insalubre cette ville. 

Le prix du laxisme 
Le laxisme érigé en mode de gestion de cette municipalité a fait en sorte qu’on peut agresser le tissu urbain sans être inquiété. On accorde même les autorisations de branchement au réseau électrique et d’AEP à ces constructions illicites, obstruant les canalisations des avaloirs, des réseaux d’assainissement et autres. Tout est devenu permis dans cette anarchie à telle enseigne que le citoyen ne trouve plus à dire lorsqu’il fait ses courses tout près d’un égout éclaté ou dans un marché puant. Tout se vend et s’achète dans la rue, alors que deux marchés de proximité sont non exploités convenablement. 
C’est dire l’état de laxisme et du laisser-aller qui s’est érigé en mode de gestion dans cette ville. Avec près de 100 000 habitants, la deuxième plus grande commune de la wilaya de Jijel, également chef-lieu de daïra, est tombée dans la déchéance. Si elle a bénéficié d’un certain dynamisme sur le plan économique à la faveur de l’installation sur le site de Bellara de deux grands projets industriels, elle a basculé dans ce terrible état depuis déjà de longues années. Pour le commun des citoyens, il ne reste plus que l’espoir d’une prise de conscience “pour prendre en main ces problèmes générés par tant d’abandon des affaires locales, à la gabegie et l’improvisation”. Les cris lancés seront-ils entendus ?
 

Réalisé par : AMOR ZOUIKRI

 

 

  • Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va

    Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.

    • Placeholder

    Abrous OUTOUDERT Publié 14 Avril 2022 à 12:00

  • Chroniques DROIT DE REGARD Trajectoire d’un chroniqueur en… Liberté

    Pour cette édition de clôture, il m’a été demandé de revenir sur ma carrière de chroniqueur dans ce quotidien.

    • Placeholder

    Mustapha HAMMOUCHE Publié 14 Avril 2022 à 12:00