Reportage UN SITE D'UNE GRANDE VALEUR HISTORIQUE EN ATTENTE DE CLASSEMENT

HAOUCH EL-BEY, UNE FORTERESSE EN DÉTRESSE

  • Placeholder

EL BEY M. Publié 01 Août 2021 à 21:55

© D. R.
© D. R.

Comptant parmi les principaux sites historiques hérités de la période ottomane, la résidence d'été du bey du Titteri, appelée également Haouch El-Bey ou palais du Bey, est l'un des lieux qui ont vu défiler une succession d’événements. Touché par des déprédations, va-t-il résister à la patine du temps ? Récit d’une forteresse qui se meurt.

Niché à quelques encablures au sud de Médéa, Haouch El-Bey, forteresse qui remonte à l’époque turque, résiste difficilement aux vicissitudes du temps. Malgré sa valeur symbolique et historique, il n’a pas échappé à l’insouciance des hommes et aux aléas du temps. Dégradé en de nombreux endroits, un temps squatté et à l’abandon, ce site, où chaque pierre dissimule une histoire, tente laborieusement de résister à la mort.
“Le site a subi des dégradations et des déprédations tout au long des périodes passées et même après l'indépendance. Il faut rappeler que ce patrimoine a servi de résidence d'été des beys du Titteri qui installaient leurs harems et leurs cavaleries dans cet endroit”, explique Ismaïl Allal, responsable des sites archéologiques à la circonscription archéologique de l'Ogebc (Office de gestion et d'exploitation des biens culturels) de Médéa. D’une grande importance pour avoir été une représentation de la souveraineté de l'époque et pour avoir été utilisé comme forteresse pour la défense du pouvoir beylical, le site a d’ailleurs connu son premier assaut par les colons français. “C'est pour sa symbolique et à ce titre qu'il a d'ailleurs été attaqué par les colonnes françaises quand elles ont commencé à envahir la région”, ajoute ce responsable. Construit peu après l’arrivée des Turcs, parallèlement à Dar El-Bey située au centre de la ville de Médéa, cette dernière ayant été utilisée comme résidence d'hiver du bey, le site Haouch El-Bey a servi de résidence d'été aux différents beys qui se sont succédé à la tête du beylik du Titteri. Depuis son édification, il n’a pas cessé d’attiser les convoitises ; il a fait l'objet de plusieurs destructions et transformations par les forces coloniales pour abriter leurs chevaux, connu différentes utilisations après l'indépendance puis squatté par des familles durant la décennie noire. Face à sa dégradation à vue d’œil, Ismaïl Allal tire la sonnette d’alarme. “Il y a urgence pour ne pas laisser l'endroit se dégrader davantage, car, dit-il, il représente une partie de la mémoire collective et un patrimoine hérité d'une période capitale de l'Histoire de la région et du pays”.

Urgence de classement 
Seule démarche à même de permettre sa sauvegarde : son classement qui doit précéder toute entreprise de restauration. Etant aussi entendu que toutes les conditions pour le classement de ce patrimoine historique sont réunies. En attendant, on essaye autant que faire se peut au niveau local de le sauver d’une mort certaine. C’est ainsi qu’il fait l'objet d'actions d'entretien par des travaux de nettoiement et d'une journée ouverte au public, organisée à l'occasion de la clôture du mois du patrimoine, selon le même responsable.
“L'idée est d'attirer l'attention sur la préservation et la valorisation de l'endroit afin d'aider à sa restauration en vue de sa transformation en musée, dans une perspective de la constitution et de la conservation des collections de pièces archéologiques disséminées à travers le territoire de la wilaya”. En tant que tutelle, la direction de la culture et des arts de Médéa “envisage d'inscrire le projet dans une démarche s'appuyant sur des données scientifiques dans le but de la valorisation du site qui constitue un bien culturel d'une importance avérée”, assure, pour sa part, Ahmed Merbouche, responsable du service chargé du patrimoine. 
Ce qui nécessite, selon ce dernier, une étude en plusieurs phases qui doit d'abord porter sur des travaux de sondage, en association avec le Centre national de recherche en archéologie, afin de mettre au jour les
éléments du haouch qui ont été démolis en partie sous l'occupation française, de procéder à son classement en tant que patrimoine national, d'entamer ensuite sa réhabilitation et sa restauration pour enfin pouvoir envisager sa transformation en musée. Tous sont unanimes : sa restauration est une urgence absolue. “Il y a urgence à valoriser cet héritage qui a subi les méfaits de la patine du temps, les effets de la colonisation et les agressions de la main de l'homme”.
Ancienne résidence de plusieurs beys, notamment du dernier bey du Titteri, Mustapha Boumezrag, qui y installaient leurs harems et leurs cavaleries, Haouch El-Bey est considéré comme un centre de souveraineté par excellence, ayant été occupé également par l'armée française pour “marquer la fin de l'Histoire de la présence ottomane en Algérie”, sachant que celle-ci a duré plus de trois siècles. Construit par Boumezrag, dernier bey du Titteri auquel on doit plusieurs autres monuments, dont sa résidence d'hiver ou Dar El-Bey, le site s'étend sur une superficie de 8 370 m2. Il compte de nombreuses constructions séparées par des cours, selon l'architecture ottomane, où un pavillon est réservé au harem du bey et un autre à l'accueil du public, alors qu’une partie abrite les écuries et des pièces pour la garde, selon une description du même responsable. Il comprend également des chambres décorées à la manière mauresque, des patios et des arcades, des toilettes et de l'eau amenée d'un puits se trouvant dans la partie réservée au harem.

Les raisons d’une dégradation  
Haouch El-Bey a été utilisé successivement par la colonisation qui a installé sa garnison de cavalerie, puis par des organismes publics et privés après l'indépendance pour servir de siège, de dépôt, d'atelier de fabrication de chaussures, de bureaux du collectif d'exploitants agricoles, de logements aux familles sinistrées et enfin de refuge pour les familles fuyant le terrorisme. Mais toutes ces utilisations ont eu des répercussions négatives sur l'état des lieux, lui causant ainsi de nombreuses dégradations et dont la restauration nécessite un trésor d’imagination et beaucoup de financements.
“Haouch El-Bey est considéré comme un témoignage archéologique qui représente également un pan de la mémoire collective des autochtones. Il renvoie à l’époque ottomane et au commandement de l'Emir Abdelkader lui ayant servi de résidence provisoire durant l’organisation de la résistance populaire dans le Titteri, et enfin à la colonisation française”, rappelle ce responsable par ailleurs chercheur. Sous l’Emir Abdelkader, il a servi de lieu de commandement de ses hommes sur l'ensemble des tribus de la région qui lui ont prêté allégeance pour l'organisation de la résistance populaire contre les colonnes françaises. Il a également été utilisé par les troupes de l'Emir pour le repos des guerriers et le stockage des céréales et d'écurie pour les chevaux. Le même usage a été fait par la suite par l'armée coloniale commandée par le duc d'Orléans en 1840 puis transformé en caserne pour le génie militaire et devenu en 1900 propriété d'un colon qui en avait fait un domaine agricole de plantations viticoles. Mais malgré cette valeur historique, on ne lui a toujours pas rendu sans lustre d’antan si l’on excepte les actions de nettoyage organisées par la circonscription archéologique de l'Office national de la gestion et de la protection des bien culturels protégés , de la direction de la culture et des arts, en collaboration avec l'Association de wilaya des amis du musée des arts et traditions populaires de Médéa.
 

Réalisé par : M. EL BEY

  • Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va

    Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.

    • Placeholder

    Abrous OUTOUDERT Publié 14 Avril 2022 à 12:00

  • Chroniques DROIT DE REGARD Trajectoire d’un chroniqueur en… Liberté

    Pour cette édition de clôture, il m’a été demandé de revenir sur ma carrière de chroniqueur dans ce quotidien.

    • Placeholder

    Mustapha HAMMOUCHE Publié 14 Avril 2022 à 12:00