Reportage LE VILLAGE EST DEVENU UNE ATTRACTION TOURISTIQUE

SAHEL, JOYAU DES MONTAGNES

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NATH OUKACI Kamel Publié 20 Juin 2021 à 21:03

© D.R.
© D.R.

Réalisé par : KAMEL NATH OUKACI  

Il y a encore une dizaine d’années, c’était juste un village anodin en dépit des potentialités qu’il recèle. Mais depuis qu’il a remporté le prix du village le plus propre de Tizi Ouzou et abrité le festival de Raconte’Arts, le village de Sahel est devenu un lieu de découverte pour de nombreux touristes.

Adossé au flanc de la rivière Assif n’Sahel, ce village, désormais sous les feux de la rampe, tient son origine d’une légende racontée de père en fils et qui a traversé les années : un homme, dénommé “Uheggun”, qui vivait du côté des montagnes d’Aït Zikki, confronté à la disette après plusieurs semaines de chute de neige, vit un jour sa jument s’approcher de lui et commencer à lui lécher sa barbe pour lui signifier qu’elle avait très faim. C’est alors qu’il décida de quitter cette montagne austère pour aller à la recherche d’une terre paisible et où l’herbe est plus verte. En cherchant sa pitance, sa jument s’arrêta devant une touffe d’herbes qu’elle brouta rapidement. Du coup, en la voyant paître goulûment, il décida de poser ses valises et de s’y installer. Ainsi naquit Sahel. Plusieurs décennies plus tard, la masure a dû sans doute être engloutie, mais le village s’est agrandi où de vieilles bâtisses côtoient des villas modernes.    

Un village bâti autour d’un rocher 
“À l’origine, raconte un vieux retraité du secteur de la santé, il y avait le vieux village de Sahel, qui existe à ce jour, avec ses maisons basses en pierre et des tuiles en argile. Les tuiles sont fabriquées sur place avec de l’argile extraite d’une mine, en contrebas du village, et de l’eau. Ensuite, on les passait à la cuisson près d’un feu de bois allumé dans un four souterrain. Le lendemain, un fois refroidies, on les retirait. Les maisons du vieux village ont été construites autour du grand rocher, qu’on appelle aujourd’hui “Tazrouts n’Bourouba”. Ni les longues nuits hivernales ni la chaleur torride des étés n’ont eu raison de ce vieux rocher toujours planté à sa place, alors que les maisons basses, en pierre, dont certaines se sont effondrées, gardent encore en partie leurs murs. Toutes les familles du village sont représentées autour de ce rocher.

L’architecture des maisons tout comme leurs dimensions est identique. Leur construction remonterait au 15e ou 16e siècle. Mais comme dans de nombreux villages en Kabylie, pour y accéder, il faut passer par “Tajmaât”, l’assemblée du village. Devant la soupente de la mosquée, des villageois sont assis sur les bancs en béton recouverts de plaques d’ardoise. Tout y est bien agencé : sol pavé, murs recouverts de fausse pierre, de fresques et autres dessins réalisés par l’artiste Denis Martinèz, depuis le point inaugural marquant le premier jour du festival “Raconte’Arts” qui s’est déroulé en juillet 2019. “C’est dans cet endroit, ce lieu mythique et ancestral, que la société kabyle se fait et se défait. C’est là que tout se décide. C’est le lieu parfait de la décision populaire, donc de la démocratie. C’est le lieu où l’artisan du verbe saura dire son mot pour tracer un avenir. C’est, enfin, le lieu où la parole vaut son pesant d’or, car il n’est nul besoin d’un support écrit”, soutient l’artiste.  

Dans un coin, au-dessous des marches d’escalier menant à la salle de prière de la mosquée, se dresse un moulin traditionnel (“lma3insra”), en miniature, flanqué d’un robinet pour permettre aux habitués de Tajmaât de se désaltérer. Tout respire le calme et l’authenticité. Et grâce au dynamisme du comité de village et au travail accompli, Sahel est désormais un point de chute de nombreux visiteurs en quête de dépaysement.

Lauréat du premier prix de la 7e édition du village le plus propre de la wilaya de Tizi Ouzou en 2019, il a, depuis, le vent en poupe et ne veut plus se résigner à se suffire de cette distinction qui lui a permis de décrocher cette belle cagnotte de 900 millions de centimes. Il aspire à servir de fer de lance dans le développement du tourisme de montagne en Kabylie. L’aménagement des maisons d’hôtes est, à ce titre, un objectif phare pour développer son tourisme solidaire. Une trentaine de maisons anciennes ont ainsi été répertoriées pour être réhabilitées et servir de lieu de résidence pour les touristes et autres personnes qui souhaiteraient passer la nuit dans ces logis traditionnels de rêve. “Il faut penser à réhabiliter tous ces gîtes ruraux en déperdition qui sont très demandés non pas seulement par les touristes étrangers, mais aussi par des familles kabyles qui aspirent à humer le parfum des ancêtres par la seule présence dans ces maisons traditionnelles qui valent plus que les chambres d’hôtel 5 étoiles, considérant qu’il n’y a plus d’alternative. On retrousse ses manches et on travaille”, explique Fadhila Bakouche, licenciée en langue anglaise à l’université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou et gérante de l’Office du tourisme local.

“À cet effet, une commission de travail a été créée pour gérer les visiteurs, notamment pour s’occuper de leur accompagnement, de l’animation, de la restauration. Des tarifs pour le séjour au village ont été instaurés en tenant compte de chaque catégorie de visiteur, selon qu’il s’agisse d’une agence de voyages, d’une association ou du scolaire, etc. Actuellement, on discute avec insistance sur l’avenir de l’Office du tourisme qu’il faudra impérativement officialiser. Dernièrement, cinq bus de visiteurs d’enfants scolarisés, venus de Yakouren, ont été accueillis au village et ont visité tous les quartiers. Cependant, nous avons hésité à demander de l’argent aux écoliers. On ne maîtrise pas encore cette donnée, mais ça viendra !”, dit-elle. 
  
L’impact positif du tourisme
Fatiha Bakouche n’ignore pas le poids de certaines pesanteurs et résistances. “Certaines habitudes de personnes et autres groupes sociaux doivent être désormais bannies. Il est vrai que certaines mœurs et modes de fonctionnement sont assez rigides. Les gens doivent comprendre que le poids économique représente une part importante des avoirs (c’est en quelque sorte notre PIB). Ces derniers (les bénéfices) permettent ainsi d’encourager l’amélioration des prestations de service, d’œuvrer à l’amélioration des conditions de vie et (ou) de séjours des visiteurs (touristes). Combien de temps les adhérents de l’Office du tourisme pourront-ils tenir — ils travaillent 10 heures par jour — sans entrées d’argent. Des fonds qui vont servir à la gestion du maintien de la propreté des circuits, celui des sanitaires, de l’hébergement, de l’alimentation, etc.”  En effet, la création d’emplois dans le secteur du tourisme est constamment en progression pour répondre à la demande croissante. Mais le chemin reste encore long.

“Il est vrai que ce n’est pas encore du tourisme à Sahel quand les structures d’hébergement ne sont pas encore performantes.” Toutefois, l'association du village est très active et ses membres se font un plaisir d'orienter les visiteurs à leur arrivée ou même leur organiser une petite visite guidée du village à travers un circuit intéressant. “Il est temps d’en finir avec ces habitudes telles qu’“on n’est pas au courant… on ne nous a pas informés… on ne savait pas que c’était payant, etc.”, regrette la responsable de l’Office bien que les affaires semblent marcher. “Ce qui marche bien, ce sont les commerces locaux, entre autres les boutiques artisanales, les supérettes, notamment pour les dégustations rapides (glaces, eau minérale, jus, gâteaux, biscuits, fruits secs, arachides), tabacs, cadeaux…etc.”, précise Fatiha Bakouche qui aspire à mettre en pratique la gestion de projet grâce à ses connaissances acquises lors d’un stage effectué à Grenoble. “Ce fut un stage très captivant et utile pour la maîtrise parfaite des méthodes techniques et outils de gestion spécifiques de projet, de l’évaluation de l’opportunité jusqu’à l’achèvement du projet. Nous tenterons de le mettre en pratique une fois les mesures sanitaires levées. Cependant, des formations au niveau local sont nécessaires”, explique-t-elle. “Pour le moment, ajoute-t-elle, les mesures de restriction des visites au village sont toujours en vigueur. Les agences de voyages, les personnes seules, les groupes ou les familles doivent s’en tenir au respect de cette décision.”

 

Quatre ambassadeurs européens hôtes de Sahel
Depuis l’organisation du festival “Raconte’Arts”, au village de Sahel, quatre ambassadeurs de pays de l’Union européenne en ont foulé le sol. Il s’agit de l’ambassadrice du royaume des Pays-Bas, Mme Joanna Van der Velde, de l’ambassadeur de Belgique, M. Alain Leroy, venu au premier jour de Raconte’Arts, de l’ambassadeur d’Autriche, M. Peter Elsner-Mackay et, enfin, de l’ambassadeur de la fédération de Russie, M. Igor Béliaev. Par ailleurs, le village a également reçu la représentante du mouvement associatif de l’ambassade du royaume des Pays-Bas. La plupart des ambassadeurs sont venus en couple et accompagnés de quelques membres du personnel exerçant dans ces représentations diplomatiques.  

 

 

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