Reportage À LA TÊTE D’UNE ASSOCIATION D’AIDE AUX FEMMES ATTEINTES DE CANCER

Samia GASMI une “sœur” au grand cœur (VIDÉO)

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Imène AMOKRANE Publié 06 Novembre 2021 à 23:05

© Liberté
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À  la  tête  de  l’association Nour-Doha, dont  le  siège  se  trouve à Alger, Mme Gasmi dit avoir fait le serment  de continuer à aider les malades  du  cancer,  notamment  les  femmes  qu’elle  estime vulnérables à tous points de vue pour des considérations d’ordre social.

Le nombre  de  cancéreux  en  Algérie  ne  cesse  d’augmenter  au fil des années. C’est ce que révèlent les dernières statistiques qui font état de 65 000 nouveaux cas de cancer, recensés en Algérie depuis le début de l’année 2021. Les spécialistes sont unanimes : le cancer est une maladie lourde qui nécessite une prise en charge spécifique, pour venir en aide aux malades et à leurs proches, et dont l’État, à lui seul, ne saurait garantir l’ensemble des besoins de ces citoyens. L’association Nour-Doha, établie à Alger, se trouve être dans ce cas non pas une alternative au système de soin, mais plutôt un accompagnateur précieux pour les patients et leurs familles. C’est pour cela qu’elle a mis le cap sur le dépistage précoce, la prévention et l’information qui touche au domaine de la cancérologie.
La présidente de l’association, Samia Gasmi, en a fait son combat de tous les jours. Infatigable, elle accueille les malades ou part à la rencontre des patients aux quatre coins du pays. Une façon de respecter le serment prêté le 26 septembre 2002 à la création du groupement de volontaires.
Son énergie débordante et sa voix puissante et pleine d’entrain témoignent de sa force de caractère. Assistante médicale à la retraite, âgée de 69 ans, elle nous reçoit au siège de l’association situé au 31, rue Issad-Hassani, en plein Alger-Centre. “Nous avons créé  l’association pour servir une noble cause, celle de redonner le sourire à des gens malades. Ils ont besoin de nous tous, même si vous n’avez pas les moyens de les aider”, lance d’emblée cette “sœur” au grand coeur. 

Un engagement né d’une stigmatisation
L’emploi du temps de la dynamique bénévole est rythmé par les nombreuses missions et activités qu’elle cumule au sein de l’association. Assise face à un mur orné de photos des malades qu’elle a pu aider et d’affiches des nombreuses rencontres et activités auxquelles elle a participé, elle s’engage contre la stigmatisation des personnes malades. “Beaucoup de femmes sont abandonnées par leur époux dès qu’ils apprennent qu’elles sont atteintes d’un cancer”, regrette-t-elle. Mme Gasmi déplore particulièrement le silence des femmes sur leur maladie, par honte ou pudeur. “Dès les premiers symptômes de leur maladie, elles se tournent vers les plantes médicinales.” Elle signale que c’est une pratique très répandue dans les wilayas de l’intérieur et le sud du pays. 
Regard triste, elle rappelle les innombrables cas rencontrés lors de son long parcours. Des drames. “Il y a quelques années, une femme venue du Niger a frappé à ma porte. On s’est occupé d’elle, elle était en fin de vie, et au bout d’une dizaine de jours, elle est décédée.” En larmes, elle évoque également un cas qui l’a particulièrement marquée. “C’est un jeune enfant, il s’appelait Khalil. Venu en 2004 d’In Salah, il avait un ostéosarcome, un cancer de l’os. La maladie le rongeait de jour en jour. Il est venu un peu tard, sa maladie était à un stade avancé. On l’a soigné, on a fait ce que l’on pouvait, puis les médecins m’ont appris qu’il n’y avait plus rien à faire et qu’il était condamné.” D’une voix tremblante, elle fait la malheureuse constatation qu’“il n’est pas le seul, beaucoup d’enfants ont connu et connaissent le même sort”.

Un combat pour un diagnostic précoce
Grâce à son initiative solidaire, elle souhaite faire évoluer les mentalités. Il s’agit également de créer de nouvelles manières d’aider les autres et en sillonnant le territoire national. “Il y a quatre ans, j’ai été au Polisario, en compagnie d’une équipe médicale, et là-bas, nous avons rencontré une femme qui avait un cancer du sein très avancé, qui ne pouvait pas se déplacer pour se soigner. Son mari, voulant la traiter, a pris une plaque en fer qu’il a mise dans le feu puis l’a posée sur son sein.” Consternée, elle ajoute qu’il y a des malades qui ne sont pas pris en charge et qui se soignent seuls avec des plantes médicinales ou de l’huile et du miel. Son combat pour un diagnostic précoce ne s’arrête pas là. Mère d’un homme dont l’épouse est décédée d’un cancer à cause d’un mauvais diagnostic, elle s’insurge contre certains spécialistes. “Le médecin traitant avait indiqué, après biopsie, qu’elle avait un thymome, et en se dirigeant vers un hôpital parisien, on nous apprend qu’elle avait un lymphome et qu’il lui restait peu de temps à vivre !” Un épisode douloureux que relate la mère de famille.
Depuis ce jour, Mme Gasmi consacre régulièrement des journées dédiées aux lymphomes. Elle lance, par ailleurs, un appel aux médecins généralistes de “faire plus attention”. “Quand le traitement que vous donnez ne donne pas de résultats, s’il vous plaît, essayez d’aller plus loin”, interpelle-t-elle.
Plus révoltée que jamais, elle s’oriente vers la défense des plus démunis. “Nous avons fait Reggane, Aoulef, Tamanrasset, Djanet, Bordj Omar Driss à la frontière de la Libye et tout le Sud pour faire un diagnostic précoce”, raconte-t-elle. D’ailleurs, elle se demande pourquoi son association “est connue à l’étranger plus qu’elle ne l’est en Algérie”. Mme Gasmi se dit, par ailleurs, désolée de l’attitude du ministère de la Santé qui ne l’invite pas à prendre part aux différentes activités qu’il organise, “alors que notre association est la première à sillonner le territoire national”. 
Pourtant, son association héberge les malades et leurs familles au sein de son siège. “Nous n’avons pas de subventions de l’État, et ce, depuis la création de Nour-Doha. Des âmes charitables nous ont offert cet appartement avec 25 lits, accueillant très souvent des malades qui viennent de l’intérieur du pays.”

Octobre rose, c’est toute l’année
Engagée dans la lutte contre le cancer de la femme, Samia Gasmi révèle que “depuis la création de l’association, nous avons distribué plus de 1 000 prothèses mammaires”. Au sujet d’“Octobre rose”, elle indique qu’elle en parle juste pour marquer la date, “mais pour moi, ça devrait être du 1er janvier au 31 décembre, et ce, par l’éducation, le savoir, le dialogue et la sensibilisation toute l’année”. Et de renchérir qu’“il n’y a pas que le cancer du sein, mais aussi le cancer du poumon, le cancer de la peau, le cancer de la prostate et bien d’autres encore”, tout en ajoutant qu’“il faut répondre toujours présent pour venir en aide aux malades”. Elle n’a, par ailleurs, pas omis de remercier les spécialistes qui se déplacent bénévolement dans les villes de l’intérieur pour, entre autres, faire des diagnostics précoces. “L’association mobilise ses 22 médecins de différentes spécialités pour organiser également des colloques”, ajoute-t-elle. Concernant les activités tout au long de l’année, l’ancienne assistante médicale indique que l’association organise des journées sur tous les cancers, que ce soit le mélanome (cancer de la peau), le mois du cancer du poumon en novembre, une journée dédiée également au lymphome le mois passé. Déterminée, Samia Gasmi se présente tous les jours au bureau pour recevoir les malades et leurs parents, et se déplace également hors d’Alger pour répondre aux différentes invitations. “Nous partons dans quelques jours à Ghardaïa pour faire le diagnostic précoce, et c’est à la suite des invitations des EPH et des DSP que nous nous déplaçons. Cette année, nous sommes également allés à Boussâada, à El-Oued et à Biskra.” Et de poursuivre : “Les médecins font le suivi en prenant les prélèvements pour leur interprétation, et après la sortie des résultats, si on trouve quelque chose d’inquiétant, on convoque les malades pour les prendre en charge.” Malgré la difficulté de la lutte contre le cancer et les obstacles rencontrés tout au long de son parcours de bénévolat, Mme Gasmi se résout à continuer son combat “jusqu’à la fin de ses jours”. D’un ton ferme, elle affirme qu’elle n’a jamais songé à abandonner : “Ces malades ont besoin de moi, et je me dois d’être sincère et fidèle et me mettre à leur place.”
 

Imène AMOKRANE

 

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