Reportage Elle sillonne les zones d’ombre à JIJEL

Une caravane médicale au chevet des populations

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Amor ZOUIKRI Publié 14 Mars 2022 à 10:06

© D.R
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Au dixième jour de son lancement, et après avoir sillonné de nombreuses zones enclavées des régions est de la wilaya de Jijel, la caravane médicale multidisciplinaire de l’EPSP de Sidi Marouf met le cap sur la commune de Bouraoui-Belhadef.

En ce jeudi 10 mars 2022, c’est à la polyclinique d’El-Ancer, point de départ de la caravane, qu’un rassemblement est improvisé pour passer en revue les équipes médicales et paramédicales, en plus de la logistique déployée. Une ambulance médicalisée, une autre de la Protection civile, une clino-mobile (camion aménagé en clinique mobile), ainsi que deux bus du transport scolaire composent la cohorte des équipes de soins, escortées par un véhicule de la Gendarmerie nationale. C’est dans une bonne ambiance que ces équipes prennent place dans les bus avec la directrice, Mme Sara Sayoud, qui n’a raté aucun de ces déplacements, témoignant de sa proximité avec les personnels mobilisés pour cette mission. Sans tarder, la caravane s’ébranle en direction du CW135 B qu’elle emprunte à travers des tronçons sinueux et pentus, souvent accidentés et dégradés, sur une vingtaine de kilomètres, avant d’atteindre sa destination. Moins d’une heure après, c’est à la polyclinique de Bouraoui-Belhadef qu’elle s’immobilise. 

Ses équipes se scindent en deux. L’une se dirige vers Nator et l’autre à Ouled Amrane, deux hameaux classés zones d’ombre dans cette municipalité à vocation rurale de quelque 15 000 habitants. Celle-ci est un important centre urbain, faisant le lien entre les populations des différentes mechtas de la région. L’activité est caractérisée par un certain dynamisme commercial au chef-lieu de cette commune, plaque tournante d’une région réputée pour fournir des artisans de haute qualification dans de nombreux domaines aux grandes villes, notamment Alger. 

C’est dans la capitale que la restauration, la pâtisserie, la boulangerie et même la couture restent l’apanage des artisans venus de Bouraoui-Belhadef. À tel point qu’on n’hésite pas à lancer que “les clés d’Alger sont ici, à Belhadef”, à chaque fête de l'Aïd. L’histoire est connue quand Alger se réveille le jour de ces fêtes pour se retrouver face à des commerces fermés. Leurs propriétaires sont souvent, sinon majoritairement des “Jouajla”, de la région de Belhadef, surtout. Qu’à cela ne tienne, puisqu’en dépit des clés de la capitale, que des habitants de la région se targuent de détenir, Bouraoui-Belhadef demeure un grand bourg rural enclavé et souffrant d’isolement, rendant difficile le déplacement des populations. C’est ce qui rend aléatoire la couverture sanitaire des habitants, dont certains ne disposent pas de moyens suffisants pour aller consulter ailleurs, à Jijel notamment, lorsqu’il s’agit d’une consultation spécialisée. Et pourtant, les pathologies à dépister sont nombreuses. Allant de la gynécologie, une spécialiste reste fortement demandée dans cette région conservatrice, à la cardiologie, la diabétologie, pour ne citer que ces disciplines médicales, les besoins de la population sont énormes dans le domaine médical. 

Ruée 
Alors qu’il n’est toujours pas évident de prendre un rendez-vous dans les meilleurs délais chez un médecin spécialiste dans les grandes villes, à Taher, Jijel ou El-Milia, les habitants de Bouraoui-Belhadef n’ont souvent qu’à prendre leur mal en patience pour soulager un mal qui les ronge. En témoigne cette ruée sur la caravane médicale mise à leur disposition. À Ouled Amrane, l’une des deux zones où cette caravane a été dépêchée, les femmes surtout, les enfants aussi et les personnes âgées sont venus à la rencontre des équipes de soins. Dans la salle où elles reçoivent les femmes, les sages-femmes sont les plus sollicitées. 

“Les femmes présentent souvent des pathologies dont elles ne peuvent parler dans cette région très conservatrice, leur prise en charge pose alors problème”, constate-t-on, d’emblée. L’occasion est également saisie pour une opération de dépistage du cancer du col de l’utérus. Des frottis sont effectués en attendant de les soumettre au laboratoire. C’est une véritable aubaine pour ces femmes, timides et réservées, qui défilent devant les sages-femmes. Les cas présentant des pathologies, qui nécessitent un suivi médical spécialisé, sont convoqués à la polyclinique d’El-Milia où des spécialistes sont prévus pour les prendre en charge, le lendemain vendredi. Sollicités dans le cadre de cette caravane, des médecins spécialistes se sont engagés à apporter leur contribution à cette opération. Ouled Amrane est, à vrai dire, l’une des ces nombreuses localités isolées composant la commune de Bouraoui-Belhadef. Son isolement a plus ou moins été atténué par l’aménagement d’une route soigneusement bitumée, suivi par la mise en place d’un réseau d'assainissement. Elle a même reçu la visite d’un ex-wali venu inaugurer, en 2019, une polyclinique et un terrain de sport Matico. Le gaz, qui couvre près de 90% de cette commune, manque, toutefois, à l’appel dans cette localité. 

“On nous a promis de nous raccorder au réseau à partir de Ghdir El-Kebch, qui n’est pas loin d’ici, mais on attend encore”, confie un habitant. Notre interlocuteur déplore que ses voisins, tout comme lui, comme il le précise, vivent de revenus de modestes activités de subsistance. Les difficultés de la vie sont telles que ces activités sont réduites au labour de petites parcelles de terrain ou à l’élevage de quelques caprins ou ovins. Pour le reste, c’est dans l’appréhension des lendemains que ces habitants affrontent leur dur quotidien. 

“Avant, pour une simple injection, nous allions jusqu’à Belhadef, à 8 km d’ici, mais Dieu merci, plus maintenant depuis l’ouverture de la polyclinique”, poursuit notre interlocuteur. Pendant ce temps, les consultations ne cessent pas dans cette polyclinique nouvellement inaugurée. Une pharmacie ambulante est acheminée sur les lieux, à bord de la clino-mobile, pour offrir des médicaments aux personnes ayant bénéficié d’une consultation. “Nous n’avons pas tous les médicaments, mais il y en a certains”, rassure l’infirmier chargé de la gestion de cette pharmacie. Des dons d’associations et de pharmaciens d’officine privée ont contribué à l’approvisionnement de cette boîte pharmaceutique. 

Besoins 
Outre les consultations et les soins prodigués, des prélèvements dans les sources et les points d’eau sont effectués par un hygiéniste spécialisé de santé publique. Debche Riad est chargé de cette mission dans le cadre de la lutte contre les maladies à transmission hydrique. Il est également chargé de veiller au rattrapage des retards dans le programme élargi de vaccination (PEV). De nombreux enfants ont pu être vaccinés grâce à ce déplacement. Les malades ne pouvant pas se déplacer sont pris en charge chez eux. D’où l’opportunité du lancement de cette caravane qui est allée à la rencontre des humbles citoyens dans cette partie de l’Algérie profonde. Le pays a besoin de s’investir dans la couverture sanitaire des zones d’ombre, ayant désormais la priorité de développement des pouvoirs publics.

Si le gaz, les routes de désenclavement, l’AEP et l’assainissement ont bénéficié de programmes consistants, la couverture sanitaire est encore à améliorer, sinon à généraliser, à l’ensemble des territoires enclavés, à Belhadef et ailleurs. Les besoins en matière de santé dans ces zones ont été dévoilés au grand jour, le temps du déplacement de cette caravane qui a achevé son périple, vendredi 11 mars, à la polyclinique Farah d’El-Milia. C’est dans cette polyclinique que les malades consultés dans les zones de déplacement de cette caravane se sont présentés, comme il leur a été notifié, pour un avis ou une prise en charge spécialisée. Pas moins de 500 personnes ont été orientées aux consultations de ce rendez-vous. Finalement, ils étaient 598 à se présenter à cette polyclinique.

Le personnel mobilisé pour cette caravane a été débordé face à ce nombre élevé de malades qui ont été examinés par 15 médecins de différentes spécialités médicales. Ainsi s’est achevée la mission de cette caravane, qui a sillonné neuf communes depuis son lancement à la fin du mois de février. Dans son périple, elle a atteint les zones les plus enclavées dans des régions où la couverture sanitaire est la principale préoccupation de populations souvent de statut social précaire. Au-delà des objectifs de cette caravane, ainsi que d’autres lancées dans le même sillage, cette initiative reste un moyen de pallier la faiblesse de la couverture sanitaire dans les régions enclavées. C’est du moins le constat fait  à l'issue de cette caravane  que d'aucuns souhaitent être la dernière à aller à la rencontre des citoyens vivant reclus dans les zones d’ombre.

 

Réalisé par : Amor Zouikri

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