Reportage OULED ASKER À JIJEL CULMINE AU SOMMET DU DÉNUEMENT

VOYAGE EN ZONES SOMBRES

  • Placeholder

Amor ZOUIKRI Publié 05 Mai 2021 à 22:40

© D. R.
© D. R.

Avec ses  20 000  habitants  aux  conditions  de  vie  dérisoires, la commune d’Ouled Asker fait partie des territoires oubliés  et  qui n’ont  pas eu leur part de développement.  

Mardi,  27  avril,  2021.  Il  est  9h  passé  de  quelques  minutes  quand  le cortège  d’une  forte  délégation  de  la  wilaya  s’ébranle  en  direction  de l’une des nombreuses zones d’ombre de la wilaya  de Jijel.  Le cap est mis sur Ouled Asker, cette commune montagneuse et enclavée.

Située à une cinquantaine de kilomètres, aux confins du sud-est du chef-lieu de cette wilaya, à la lisière des limites administratives avec Mila, elle a été retenue pour une visite d’inspection et d’inauguration de certains projets, mais surtout pour la mise en service d’un réseau de gaz. Sauf que cette tournée s’est rapidement transformée en un réquisitoire contre les conditions de vie de la population, qui fait face à d’innombrables problèmes, dont principalement le calvaire du manque d’eau.

Conduite par  le  wali,  Abdelkader  Kelkel, et  forte  d’un  grand  nombre de responsables  et  d’élus, dont  le  P/APW,  un  sénateur  et  des  directeurs exécutifs, sous une protection sécuritaire renforcée  par des  éléments de la Gendarmeri e nationale,  la  délégation  a   dû  traverser  plusieurs  localités, d’authentiques zones d’ombre, s’i l convient de  le  noter, avant  d’atteindre sa destination finale. Chekfa est la première commune traversée dans ce périple avec ses localités rurales à vocation agricole.

Tout  juste  après, la  longue  procession  de  voitures  officielles  se  lance à l’assaut d’un long parcours sinueux à travers les monts Seddat, pour atteindre l’autre commune de Bordj T’har. La vue est imprenable et permet de balayer le paysage de l’immense étendue champêtre de Djimar, bordée  par  une mer tout aussi  splendide  quand  elle  est  contemplée  de loin.  Surtout  de ces hauteurs montagneuses où habitent  des  populations  entières  qui n’ont que cette vue pour s’offrir une fenêtre sur le monde.

L’horizon n’est cependant pas si fermé  que  cela, puisque  les  routes sont convenablement aménagées en dépit d’un relief  difficile  et  accidenté. La circulation est animée par ce mouvement incessant de bus faisant la navette entre ces contrées culminant aux sommets des montagnes – qui ont fait le nid du terrorisme islamiste durant les années 1990 – et les villes de Chekfa, de Taher et de Jijel, plus au nord. Plus au sud, c’est l’isolement et le chômage qui réduisent à la sédentarité des populations sans moyens pour se déplacer.

Sauf dans le cas de contraintes majeures, pour des soins ou des consultations médicales, et à l’instar des populations de ces régions décrétées zones d’ombre, c’est vers ces villes qu’on se dirige.

Si ce n’est pas encore ailleurs, vers Constantine, Béjaïa ou Alger, lorsque les opportunités de soins ne se présentent pas dans les établissements de santé de Jijel. Le cri de détresse des populations de ces contrées n’a pas tardé à fuser de partout, lorsque la délégation officielle arrive à sa destination, qui ne diffère en rien, eu égard aux préoccupations soulevées, des autres localités qu’abritent les nombreuses zones d’ombre de la wilaya de Jijel. Ouled Asker est enfin là. C’est au niveau d’un bloc d’habitation de 40 logements publics locatifs à inaugurer que la délégation s’arrête.

Premier point de cette visite et premier couac, car ces 40 logements ont mis six ans pour… être livrés.  Le wali lance ses critiques sur ce retard et s’engouffre dans les blocs flambant neuf pour les visiter. À sa sortie, il ne tarde pas à faire face à la principale préoccupation sans cesse soulevée par la population : le manque d’eau.

Se tenant à peine debout en s’appuyant sur son gourdin, une vieille femme l’accoste. Elle lui murmure des propos à peine audibles sur ses difficultés à s’approvisionner en eau. Le problème qu’elle soulève est, en fait, celui de tous les habitants de cette commune, plongée dans une grave crise d’AEP depuis de longues années. Face à la requête de la vieille femme, il se tourne vers le directeur des ressources en eau.

En pompier, celui-ci ne peut pourtant rien faire face à l’urgence de la situation. Il fait néanmoins part d’un projet d’AEP à partir du barrage de Tabellout dont a bénéficié Ouled Asker, avec six autres communes, récemment inscrit mais dont les études n’ont même pas été lancées. Non convaincu, le wali insiste sur la solution d’urgence en présence d’un P/APC, lui-même vilipendé par les critiques de ses administrés.

Seule solution préconisée dans le sillage de l’urgence qu’impose la situation, les forages. Mais faudrait-il encore que cette solution convainc face aux doléances incessantes de cette femme et de ces nombreux citoyens, venus soulever le même problème au wali. Celui-ci est vite assailli par des mains qui lui tendent des lettres que son chargé de protocole s’empresse de saisir. Le représentant d’une mechta, Kaa’a Ezzane, une authentique zone d’ombre très enclavée, est invité à s’approcher du wali. Il fait part à ce dernier d’une myriade de problèmes, dont le… manque d’eau.

Manque d’eau endémique
La couverture sanitaire, la couverture téléphonique quasi absente et le raccordement au gaz figurent dans ses doléances. Ces problèmes sont les mêmes à être soulevés tout au long de cette visite, qui a connu un mouvement de protestation improvisé par des citoyens au lieu-dit Souk Tlata, au chef-lieu de commune. Un rassemblement s’est interposé sur la route de la délégation, contraignant le wali à aller prendre langue avec des citoyens guettant son passage.

Le représentant d’une association intervient pour rassurer le wali que les citoyens veulent juste lui soumettre une doléance relative à l’ouverture d’une maternité. Cela n’a pas empêché que les langues se déchaînent, faisant état d’innombrables difficultés dans la prise en charge des parturientes. “Il vient de perdre son bébé, il y a deux mois ; il est encore sous le choc”, lance une voix au wali, écoutant attentivement les doléances d’un citoyen. L’engagement d’ouvrir cette maternité est pris, permettant à la délégation de se libérer de ce premier “guet-apens”.

Dans son voyage pour aller mettre en service le fameux réseau de gaz à Lamnazel, l’un des grands groupements d’habitation d’Ouled Asker, la délégation de la wilaya a été confrontée à l’épineux problème du manque d’eau à chacune de ses escales forcées. Les cris de détresse sont les mêmes quand cette délégation a dû affronter à quatre reprises des citoyens s’interposant sur sa route.

Tantôt sous des tentes dressées pour les besoins de cette visite, tantôt en pleine route sous le soleil et tantôt sous l’ombre d’un arbre, le wali est interpellé par des citoyens désemparés. Débordé par les mêmes doléances, il est impuissant à trouver la solution rapide au problème d’approvisionnement en eau, soulevé avec insistance et désarroi. Les programmes destinés aux zones d’ombre n’y peuvent rien pour régler cet épineux problème dans l’urgence.

La journée est éprouvante, et la délégation n’est pas encore au bout de ses peines. Des citoyens surgissent de nouveau et bloquent encore une fois la route, appelant à régler cette éternelle histoire d’eau. Ils profitent de l’aubaine d’être en face du premier responsable de la wilaya pour l’assaillir de leurs doléances sur les multiples difficultés auxquelles ils font face.

Car si l’eau reste leur préoccupation majeure, ils soulèvent encore une fois le problème de la couverture de la téléphonie mobile, les conditions difficiles de scolarité de leurs enfants, de l’assainissement et du raccordement au gaz et à l’électricité. Toutes ces doléances résument, en fait, toute la détresse de ces populations qui ont laissé éclater leur colère au passage de cette délégation.

Après tout, celle-ci a, enfin, fait son escale au principal et dernier point prévu dans son programme pour l’inauguration d’un réseau du gaz. Une inauguration qui semble avoir perdu de sa consistance face à l’ampleur des problèmes soulevés.

“Que vaut le gaz quand il n’y a pas d’eau ?” s’interroge un citoyen, assistant à cette inauguration sous la caméra de la télévision nationale, venue filmer la scène pour la diffuser au journal de son fameux 20h. L’interrogation est d’autant plus pertinente que le même citoyen s’étonne que le gaz atteigne, à partir du Sahara et à des centaines de kilomètres de là, cette région, alors que l’eau dont débordent des barrages non loin de là manque à l’appel. C’est le paradoxe d’une situation étalée au grand jour et résumant le retard dans le développement de cette commune, à l’instar des autres régions décrétées zones d’ombre et intégrées dans les priorités de l’État.

Ouled Asker est, en fait, une commune de 20 000 habitants. Composée de quatre grands groupements d’habitation et d’une vingtaine de mechtas enclavées, elle n’a bénéficié que de 8 milliards de centimes au titre du plan communal de développement (PCR), selon le P/APC. Dérisoire, serions-nous tentés de dire, face à l’ampleur des besoins exprimés par une population en détresse, revendiquant à boire et à se soigner dans l’urgence et sollicitant des projets pour améliorer son misérable quotidien.

  • Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va

    Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.

    • Placeholder

    Abrous OUTOUDERT Publié 14 Avril 2022 à 12:00

  • Chroniques DROIT DE REGARD Trajectoire d’un chroniqueur en… Liberté

    Pour cette édition de clôture, il m’a été demandé de revenir sur ma carrière de chroniqueur dans ce quotidien.

    • Placeholder

    Mustapha HAMMOUCHE Publié 14 Avril 2022 à 12:00