
Les derniers sit-in des joueurs impayés par leurs ex-clubs, organisés devant le siège de la FAF, ont mis à nu des pratiques relevant franchement de l’escroquerie au sein du football national.
Beaucoup de joueurs, pourtant portés dans le système d’enregistrement de la fédération, détenteurs de licences et de contrats dûment signés, accusent des retards de paiement interminables.
L’attitude passive, voire complice répétée de la FAF, qui passe son temps à lever à chaque période de mercato les sanctions d’interdiction de recrutement prononcées par la CNRL contre les clubs mauvais payeurs (souvent les mêmes) pour justement les amener à honorer leur ardoise antérieure avant de recruter de nouveaux joueurs, n’arrange pas les choses.
Du coup, de nombreux joueurs ont des créances de l’ordre de milliards de centimes. Pourtant, le règlement du statut et du transfert des joueurs rendu public récemment par la FAF donne le droit à un joueur de demander une résiliation de son contrat pour juste cause au bout d’un retard de paiement de deux mois.
“Si un club venait à se retrouver dans l’illégalité en ne payant pas au moins deux salaires mensuels au joueur aux dates prévues, ce dernier serait alors considéré comme en droit de résilier son contrat pour juste cause sous réserve d’avoir mis en demeure par écrit le club débiteur et de lui avoir accordé au moins quinze jours pour honorer la totalité de ses obligations financières. Les actions relatives à l’application de cet article devront être introduites auprès de la CNRL ou de la Commission du statut du joueur selon le cas dans un délai n’excédant pas trente (30) jours après la notification de la mise en demeure. Des dispositions contractuelles alternatives peuvent également être considérées. Pour les salaires qui ne sont pas versés sur une base mensuelle, la valeur correspondant à deux mois sera calculée au prorata. Le retard dans le paiement d’un montant équivalent à deux mois de rémunération sera aussi considéré comme une juste cause pour la résiliation du contrat sous réserve de se conformer aux dispositions de l’alinéa 31 relatif à la mise en demeure”, explique le règlement.
Absence de syndicat et de vulgarisation des règlements
C’est dire que nos joueurs (et leurs agents) ne connaissent souvent pas leurs droits ou hésitent à les faire valoir pour des raisons pas évidentes du tout.
Afin justement de ne pas laisser s’accumuler les retards de paiement des joueurs, le règlement insiste sur le fait que “les clubs sont tenus de respecter leurs obligations financières vis-à-vis des joueurs et des autres clubs conformément aux conditions stipulées dans les contrats signés avec leurs joueurs professionnels et dans les contrats de transfert. Tout club ayant retardé un paiement de plus de 30 jours sans base contractuelle est passible de sanctions. Pour qu’il soit considéré qu’un club ait des arriérés de paiement au sens du présent article, le créancier (joueur ou club) doit avoir notifié par écrit le défaut de paiement au club débiteur et accordé un délai d’au moins dix jours au club débiteur pour que celui-ci se conforme à ses obligations financières. Dans le cadre de leurs compétences respectives, la Commission du statut du joueur, la Chambre nationale de résolution des litiges, le juge unique ou le juge de la CNRL peut imposer les sanctions suivantes : une mise en garde, un blâme, une amende, une interdiction d’enregistrer de nouveaux joueurs pendant une ou deux périodes d’enregistrement complètes et consécutives. Les sanctions mentionnées à l’alinéa 4 peuvent être cumulées. Une violation répétée sera considérée comme une circonstance aggravante et entraînera des sanctions plus sévères. L’exécution de l’interdiction d’enregistrer des joueurs conformément à alinéa 4 peut être suspendue. En suspendant l’exécution d’une interdiction d’enregistrer des joueurs, l’organe décisionnel octroiera au club sanctionné une période probatoire allant de six mois à deux ans. Si le club bénéficiant d’un sursis de l’interdiction d’enregistrer des joueurs commet une nouvelle infraction pendant la période probatoire, le sursis est automatiquement révoqué et l’interdiction d’enregistrer des joueurs est appliquée ; elle s’ajoute à la sanction prononcée pour la nouvelle infraction”.
Les instruments juridiques pour forcer les clubs à honorer leurs engagements existent mais la FAF, la LFP peinent à les appliquer, faute parfois, il faut le dire, de requêtes émanant les joueurs concernés. Par ailleurs, le règlement y prévoit une autre raison, à savoir la juste cause sportive.
“Un joueur professionnel accompli ayant pris part à moins de 10% des matchs officiels joués par son club au cours d’une saison peut résilier son contrat prématurément sur la base d’une juste cause sportive. Lors de l’évaluation de tels cas, il conviendra de tenir compte de la situation du joueur. L’existence d’une juste cause sportive sera établie au cas par cas. Dans ce cas, aucune sanction sportive ne sera imposée. Un joueur professionnel ne peut résilier son contrat sur la base d’une juste cause sportive que dans les quinze jours suivant le dernier match officiel de la saison du club auprès duquel il est enregistré. Un contrat ne peut être résilié unilatéralement en cours de saison”, indique la réglementation de la loi.
En l’absence d’un syndicat des joueurs et avec une FAF peu encline à vulgariser ce genre de règlement et à sensibiliser les joueurs et leurs entraîneurs sur leurs droits, il va sans dire que les abus vont se poursuivre.
SAMIR LAMARI