
“Il se retrouve (Abdelaziz Bouteflika, ndlr) assigné à résidence”, a asséné Saïd Bouteflika, samedi, lors de son audition par le juge de siège à la cour d’appel militaire de Blida.
Que valent donc les révélations de l’ancien conseiller au Palais d’El-Mouradia, qui s’est attelé à défendre davantage le frère déchu que sa propre cause (acquitté à l’issue du procès, mais maintenu en mandat de dépôt dans une autre affaire de corruption)?
Indéniablement, il a édifié l’opinion publique, pour la première fois, sur le sort réservé à l’ancien chef de l’État, après sa démission forcée le 2 avril 2019.
Saïd Bouteflika a évoqué, clairement, un emprisonnement “injustifié pour cette affaire (complot contre l’État et l’institution militaire, ndlr) et pour d’autres préfabriquées et imaginaires”.
Il est à se demander, dès lors, pour quelles raisons, celui que l’on désigne communément comme le “chef de la bande” n’est inculpé dans aucun dossier de corruption, ni accusé de “haute trahison” par le défunt général de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah ?
D’aucuns pensaient que l’homme, éprouvé par l’âge (bientôt 84 ans) et une maladie invalidante, a été préservé à la fois de la colère populaire et de la vindicte de ses adversaires dans le sérail.
Ce n’est peut-être pas le cas, à en croire son frère cadet, qui ne précise, néanmoins, pas le lieu où il est gardé en claustration forcée (à la résidence de Zéralda, à son appartement d’El-Biar ou ailleurs).
Après la chute de leurs régimes respectifs, les présidents égyptiens Hosni Moubarak et Mohamed Morsi, le chef de l’État irakien, Saddam Hussein, et son homologue soudanais, Omar El-Bachir, pour ne citer que ces quatre exemples, ont comparu devant les tribunaux de leurs pays pour rendre compte de leurs actes.
Il n’en a rien été pour le président algérien, qui a brutalement pris le profil de l’arlésienne : on en entend beaucoup parler, mais on ne le voit jamais.
Incriminé, dans de multiples procès, par ses deux anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, ses anciens ministres en détention, par sa fille présumée Zoulikha Chafika Nachinachi, connue sous le nom de Mme Maya, par des hommes d’affaires qui lui étaient proches… Abdelaziz Bouteflika n’a été convoqué ni par un juge instructeur ni par un juge de siège ou le représentant du ministère public.
Pourtant, sa version des faits est capitale pour mieux comprendre ce qui se passait réellement au sommet de l’État pendant ses quatre mandats et les jours qui ont précédé son renoncement au pouvoir.
Il aurait dévoilé quelques-uns des secrets cachés, engagé la responsabilité de commis de l’État épargnés jusqu’alors par la machine judiciaire, confessé la gestion des affaires du pays par procuration durant sa maladie, expliqué ne serait-ce que subrepticement ses tourments avec Ahmed Gaïd Salah.
L’empêche-t-on de parler et d’ouvrir, par-là même, la boîte de Pandore ? Peut-il vraiment s’exprimer distinctement, considérant qu’il souffrait d’une aphasie après son AVC ? Garde-t-il le silence pour se protéger ? Toutes les options sont envisageables, y compris celle du grand déballage au timing opportun.
Souhila H.