
Le prix d’un quintal de l’aliment concentré, qui était écoulé à 4 000 DA chez des fournisseurs privés, s’affiche aujourd’hui à 5 500 DA, mettant en grande difficulté les éleveurs.
Confrontés de nouveau à une flambée des prix des aliments de bétail, les éleveurs font face à des difficultés inextricables. Certains d’entre eux ont même peur pour leur avenir. Deux travaillant dans la wilaya de Tizi Ouzou, dénoncent, notamment, une hausse soudaine des prix des aliments de bétail et la pénurie qui touche certains intrants. “Avant, le prix d’un quintal de l’aliment concentré se vendait à 3 900 ou 4 000 DA chez des fournisseurs privés. Depuis quelques semaines, le prix a grimpé jusqu’à 5 500 DA et il risque d’augmenter”, regrette un éleveur qui fait également la collecte de lait cru chez d’autres éleveurs. Il craint qu’à ce rythme les éleveurs cessent de travailler.
Alors que les éleveurs s’approvisionnent depuis plusieurs mois auprès de l’Office national des aliments de bétail (Onab), qui pratique des prix raisonnables, ils sont désormais obligés de recourir à des opérateurs privés pour compléter leurs approvisionnements. L’établissement public, confronté à une pénurie de matière première, ne peut plus satisfaire la demande croissante des éleveurs, indiquent ces derniers. Résultat : la petite marge qui leur permettait de gagner leur vie s’effrite. Surtout qu’en plus de l’aliment, d’autres produits ont vu leur prix augmenter. C’est le cas du foin dont la botte vaut désormais 1 100 DA contre 700 DA, il y a quelques mois seulement, rappelle un autre éleveur. Contacté, Mohamed Betraoui, P-dg de l’Onab, confirme, en effet, que la situation est difficile, mais nie toute rupture d’approvisionnement.
“Les prix du maïs et du soja se sont envolés sur les marchés mondiaux. La tonne de soja a pris plus de 100 dollars en quelques mois. Puis, certains pays exportateurs, comme l’Argentine, ont décidé de suspendre leurs exportations”, ce qui a créé une pénurie sur les marchés, a expliqué le responsable. Mais au sein de son organisme, Mohamed Betraoui nie toute pénurie.
“Nous avons suffisamment de stocks pour nos unités et pour nos clients, et ce, jusqu’au 28 mars”, a-t-il indiqué, avant d’ajouter qu’un bateau transportant du maïs sera réceptionné prochainement. Interrogé sur les plaintes des éleveurs, le P-DG de l’Onab rappelle que son établissement n’a pas d’exclusivité, surtout qu’en plus de l’aliment de bétail, il élève des poulets et des ovins. “Nous couvrons une partie du marché, tandis que des opérateurs privés s’occupent du reste”, a-t-il indiqué.
Les vendeurs de l’aliment de bétail justifient, de leur côté, cette augmentation des prix par la désorganisation du secteur et surtout par la pénurie des produits et de la matière première. “Depuis quelques mois, le nombre d’importateurs a diminué. Le nombre d’opérateurs qui importent le soja et le maïs est réduit à 5 ou 6. Du coup, les prix ont augmenté, et comme beaucoup d’entre eux travaillent sans facturation, il est difficile pour les autorités de contrôler les prix”, indique un vendeur qui, lui aussi, se plaint de la situation.
Outre la hausse des prix, les éleveurs comme les opérateurs qui interviennent en amont se plaignent de la déstructuration de la filière. “Nous n’avons pas de cadre qui nous permet de transmettre nos doléances. Le Conseil interprofessionnel de la filière lait, qui nous permettait le dialogue entre tous les intervenants de la filière, n’est plus opérationnel”, se plaint l’éleveur qui regrette l’absence de réactivité de la part de la Direction des services agricoles (DSA).
Au ministère de l’Agriculture, on assure qu’on “fait tout” pour aider les agriculteurs. Une source de ce département a rappelé qu’une rencontre a regroupé, il y a quelques semaines, le ministre Abdelhamid Hemdani et les intervenants dans le secteur pour trouver une issue à la crise “conjoncturelle” que vit la filière élevage. “En attendant le début de la saison des fourrages qui atténuera la pression sur l’utilisation des aliments de bétail, nous avons essayé de trouver des formules qui permettent à tout le monde de pas être perdant”, a indiqué cette source proche du ministre, contactée par téléphone. “Nous comprenons totalement la détresse des éleveurs. C’est pourquoi, nous maintenons le dialogue pour les aider à passer cette crise”, a-t-on encore précisé.
Pour coordonner au mieux les professionnels du secteur, le ministre de l’Agriculture a réuni, jeudi dernier, une dizaine d’importateurs et de producteurs d’aliment de bétail pour les sensibiliser sur “la nécessité d’approvisionner” le marché et de garder “des prix abordables” pour les éleveurs, indique-t-on du côté du ministère qui assure que les importateurs et les transformateurs ont “confirmé la disponibilité” des produits, même si tout le monde reconnaît la cherté des prix sur les marchés mondiaux. Parallèlement à ces concertations, le ministère de l’Agriculture assure travailler pour accélérer le processus de mise en place d’une production locale de maïs et même de soja dans le sud du pays. Des licences d’exploitation seront données incessamment, a-t-on indiqué.
Pour l’instant, les subventions de l’État permettent aux éleveurs de gagner quelques marges. Le litre de lait cru leur revient à 57 DA. En plus de 45 DA que leur versent les laiteries, ils reçoivent une subvention de 12 DA de l’État à travers l’Office interprofessionnel des laits (Onil). Mais avec les augmentations des prix, cette marge ne suffira pas aux éleveurs.
Ali Boukhlef