L’Actualité ELLE ENCOURT SIX ANS DE PRISON FERME

Houda n’est plus “Faraoun” !

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Ali BOUKHLEF Publié 05 Février 2022 à 00:58

© Archives Liberté
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À peine sortie de l’ombre, elle s’est fait cramer  par  les projecteurs.
Jugée en  appel  jeudi,  l’ancienne  ministre  des Télécoms, Houda Faraoun, encourt une peine de six ans de prison ferme. Coqueluche du gouvernement (2015-2020), cette femme  qui  n’avait  que 34 ans quand elle a intégré l’Exécutif se retrouve  emportée  par  la  vague d’emprisonnements des ministres impliqués dans  de  nombreuses affaires de corruption. 

Le procès en appel de l’ancienne ministre des Postes et des Technologies de l’information et  de  la  communication,  Imane-Houda  Faraoun,  s’est  clôturé jeudi à la Cour de  justice  d’Alger. Elle  encourt  6 ans  de  prison  assortie d’une amende d’un million de dinars.

En première instance, elle avait été condamnée à 3 ans de prison ferme pour avoir  “octroyé   des  marchés  en  dehors  de  la  réglementation   et  d’indus avantages” dans une affaire liée à la  conclusion  d’un  marché  de  gré à gré entre Algérie Télécom et deux sociétés chinoises, ZTE et Huawei, portant sur la fourniture de la fibre optique à des millions de foyers algériens.

En prison depuis décembre 2020, Houda-Imane Faraoun fait partie d’un des symboles du “rajeunissement” du quatrième mandat de Bouteflika. Née en 1979 dans la wilaya de Sidi Bel-Abbès, cette jeune femme au regard vif et au visage toujours renfermé (elle ne sourit que rarement), est considérée comme l’exemple de la réussite et de l’excellence. Vraiment !

Avec un baccalauréat en sciences exactes obtenu à 16 ans, la jeune fille se prédestinait à faire carrière dans les sciences physiques, un domaine souvent réservé aux hommes.

Elle mène dès lors un cursus universitaire exemplaire : diplôme d’études supérieures (DES) en physique à l’université de Sidi Bel-Abbès où elle soutient un magistère, avant de s’envoler pour la France pour préparer un doctorat en sciences de l’ingénieur à l’université de Franche-Comté. Elle n’a que 34 ans lors qu’elle obtient un poste de professeur à l’université Aboubakr-Belkaïd de Tlemcen.

Parallèlement à sa carrière scientifique, elle préside la Commission intersectorielle de promotion, de programmation et d’évaluation de la recherche scientifique et technique “sciences fondamentales” et est membre du Comité sectoriel permanent du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MERS).

Elle a également présidé le conseil d’administration du Centre de recherche en analyse physico-chimique (CRAPC) et la commission des marchés publics du Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), tout en siégeant au conseil d’administration de l’Agence nationale de valorisation des résultats de la recherche et du développement technologique (Anvredet). 

Son CV étant étoffé, Houda Faraoun vise haut. Pour y parvenir il lui faut un ancrage politique. En la matière le parti le mieux indiqué pour s’assurer une ascension était tout naturellement l’ex-parti unique qu’elle rejoint en 2010.   Cinq ans après, cette inconnue au bataillon ... politique est bombardée  au poste de ministre des Télécoms dans le gouvernement Sellal.

Elle n’a que 36 ans, faisant d’elle la plus jeune ministre d’un gouvernement dont la moyenne d’âge dépassait les 50 ans. Il est difficile de déterminer les critères qui ont présidé au choix des ministres et autres cadres supérieurs. Mais en la mettant en avant, le pouvoir de l’époque voulait faire de la jeune femme une vitrine d’un gouvernement jeune et orienté vers l’excellence.

Un choix qui ne tarde pas à se confirmer puisque Houda Faraoun devient, en quelques mois, une “star” du gouvernement, à tel point que la version arabe du magazine américain Forbes la classe parmi les femmes les plus influentes d’Afrique de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord.

Au vu de son âge et surtout de son ascension fulgurante, la jeune ministre n’a pas échappé aux rumeurs. On lui a attribué des liens privilégiés avec le cercle le plus proche d’Abdelaziz Bouteflika et surtout de son frère et conseiller, Saïd, présenté à ce moment-là comme le faiseur des rois. Comme la majorité des responsables de l’époque, elle est prise dans l’engrenage des puissances politico-financières qui rôdent dans le pouvoir.

Elle ne pouvait  sans  doute  pas repousser les demandes des hommes d’affaires qui avaient une influence considérable sur les grandes décisions économiques. “Elle ne s’est jamais servie. Mais elle s’est retrouvée prise en tenailles dans un engrenage”, atteste une fonctionnaire qui a travaillé avec elle durant de longues années. 

La descente aux enfers
Et les affaires ont fini par rattraper Houda Faraoun, comme ce fut le cas de la plupart des ministres qui ont servi sous Abdelaziz Bouteflika. Bien avant la chute du pouvoir en 2019, des informations de plus en plus insistantes prêtaient à l’ancienne ministre des liaisons douteuses avec des groupes et des entreprises d’oligarques.

L’affaire des cabines téléphoniques Oria, qui devaient être installées par Mobilink, filiale du groupe Kouninef avant d’être abandonnées, en est la parfaite illustration.

Si le marché avait été attribué en 2004 – alors que le téléphone portable commençait à se démocratiser – l’ancienne ministre est soupçonnée d’avoir incité Algérie Télécom à indemniser la société privée qui a empoché, en 2020, près de 2,8 milliards de dinars.

Le procès n’a pas encore eu lieu. Mais l’opération de l’indemnisation d’un opérateur qui n’activait plus par une société publique pose toujours des questions. L’autre dossier dans lequel s’est embourbée l’ancienne ministre est celui de l’attribution d’un marché de gré à gré à deux sociétés chinoises pour le branchement de lignes de fibre optique à des millions de citoyens.

Houda Faraoun a nié toute “implication” parce que “je ne connaissais pas les prix”, avait-elle indiqué lors de son procès, en octobre dernier. Elle dit s’être limitée à demander aux responsables de “fournir de l’internet à haut débit à un maximum d’habitants”. 

En 2019, pourtant, Houda Faraoun échappe dans un premier temps à la vague d’arrestations qui avait touché les proches d’Abdelaziz Bouteflika. Elle a même gardé son poste jusqu’au début de l’année 2020. Puis vint le temps des enquêtes et des auditions, ensuite sa mise sous mandat de dépôt le 18 décembre 2020.

C’est la descente aux enfers. Elle passe des ors de la République aux abîmes carcéraux, à la prison d’El-Harrach, où elle risque de séjourner encore longtemps. Car le procès des Kouninef, dans lequel elle est également impliquée, la rattrapera après le prononcé du verdict dans l’affaire de la fibre optique.
 

Ali BOUKHLEF

 

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