L’Actualité 60e anniversaire du massacre du 17 Octobre 1961

La Seine d’horreur

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Hassane OUALI Publié 16 Octobre 2021 à 10:59

© D.R
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La célébration du 60e anniversaire du massacre du 17 d’octobre 1961 intervient dans un contexte de tension entre Alger et Paris. Crise diplomatique sur fonds mémorielle et politique. Emanuel Macron qui a ouvertement critiqué le système algérien présidera  aux cérémonies de commémorations du massacre de la Seine. Une première. Cela suffira-t-il pour rétablir la ligne entre les deux capitales et dissiper l’épais brouillard qui couvre le ciel méditerranéen ?

La Seine, ce “fleuve de sang” qui sépare l’Algérie de la France coloniale, continue paradoxalement de nourrir les espoirs d’une réconciliation des mémoires et d’alimenter les tensions entre les deux pays. Le soixantième anniversaire de ce crime impuni, où des dizaines d’Algériens furent jetés dans l’eau sur ordre du préfet de police de Paris Maurice Papon, intervient dans un contexte diplomatique explosif. Alger et Paris sont au bord de la rupture, alors qu’il y a quelques mois seulement, c’était “la lune de miel”. Abdelmadjid Tebboune et son homologue français Emmanuel Macron posaient en hérauts de la paix mémorielle. 

Ils ambitionnaient de faire du sixième anniversaire des Accords d’Évian - 19 mars 2022 - un nouveau départ dans les relations algéro-françaises régulièrement secouées par des tempêtes. Des tempêtes politiques à fortes résonances historiques. Souvent, faut-il le dire, l’histoire et la mémoire sont convoquées non pas comme le véritable objet du désaccord, mais comme l’expression de crises de toute autre nature. C’est le cas dans l’actuel épisode de “guerre” diplomatique éclatée depuis les propos de Macron où il a copieusement critiqué le régime algérien, le qualifiant de “politico-militaire” et de “dur”. Et subtilement, le locataire de l’Élysée a clairement fait le distinguo entre le président Tebboune et le reste du système.

Un discours transgressif inédit de la part d’un chef d’État étranger qui va rapidement jeter un froid entre les deux capitales et provoquer une sérieuse crise, qui risque de durer. D’autant qu’en France entre une précampagne présidentielle avec l’immigration comme thème central. Et tout naturellement, l’Algérie allait se retrouver au cœur de la bataille présidentielle. Emmanuel Macron, qui a voulu faire de la réconciliation franco-algérienne un “marqueur” de son quinquennat, replonge les relations entre les deux pays dans les eaux profondes de la Méditerranée. Difficile d’imaginer que sa sortie n’est pas calculée. Le courant qui, jusque-là, passait bien entre les deux chefs d’État est brusquement coupé. Bien qu’ils se soient montrés, à de multiples occasions, en accord sur plusieurs domaines de coopération, Tebboune et Macron n’ont pas pu susciter une dynamique réelle dans les relations entre les deux pays. Concrètement, il ne se passe vraiment pas grand-chose. Les relations tournent au ralenti. Et si l’Algérie aime le temps long, le président français veut aller vite. Deux rythmes politiques incompatibles. Macron semble être “exaspéré” par cette situation.

Crises régionales
Pour nombre d’observateurs, l’objet des tensions est loin d’être lié aux questions de la mémoire et de l’histoire. Ces questions qui, régulièrement, remontent à la surface masquent les enjeux d’aujourd’hui qu’aucune “réconciliation historique” ne saurait résoudre en réalité. Macron ne dit pas tout et Tebboune ne dit rien. Pour le moment. Il est vrai que la question de l’immigration - régulière et clandestine -  pose un sérieux problème en France. Elle occupera le cœur des débats dans la campagne présidentielle qui s’annonce enflammée. L’extrême droite fixe, désormais, la thématique. 

Pas que cela. Le refus de Paris d’extrader un certain nombre de militants politiques algériens réclamés par Alger contrarie les autorités algériennes au plus haut point. Ce qui pourrait ramener la coopération sécuritaire entre les deux pays à son niveau zéro. Le non-renouvellement de l’autorisation aux avions militaires français de survoler l’espace aérien algérien en est le premier signe. Cependant, l’enjeu majeur reste celui lié à la situation géo-régionale. Au moins sur trois dossiers importants sur lesquels Alger et Paris divergent. D’abord, la mouvante crise malienne sans issue depuis 2014.

La France qui prépare son retrait laisse Bamako dans une instabilité politique et sécuritaire insoluble. L’Algérie qui s’est grandement impliquée dans ce dossier en organisant les “Accords d’Alger” risque de se retrouver seule à faire face à la dégradation sécuritaire à ses frontières Sud. Et en parallèle avec ce bourbier malien, se joue également l’avenir de la Libye sur un terrain tout aussi explosif. Et surtout complexe au regard des multiples intervenants étrangers qui, pour la majorité, travaillent plus à complexifier la crise qu’à aider à sa résolution. La Libye est devenue l’espace où des puissances régionales et internationales se livrent des batailles d’influence.

L’Égypte, la Turquie, la Russie, les Émirats, les Européens et les Américains rivalisent en plans de paix qui tardent à voir le jour. Au centre de ces grandes manœuvres internationales, l’Algérie risque de ne pas tirer son épingle du jeu. Sa voix est inaudible dans ce grand “foutoir” et sa voie se perd entre le chemin sans issue entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque. À ces frontières Est et Sud, dangereusement instables, s’ajoute cette autre frontière de l’Ouest jugée hostile. Depuis que le Maroc a normalisé ses relations avec l’État hébreu, Alger ne dort que “d’un œil”. La présence d’Israël à ses frontières est source d’inquiétudes d’autant que Tel-Aviv place l’Algérie dans “l’axe du mal”. Son ministre des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, l’a ouvertement fait savoir et depuis Rabat. Une provocation-menace.

Et dans ce remodelage régional violent, l’Algérie redoute de ne pas se retrouver et d’être dépassée par une redéfinition géostratégique accélérée, et dans laquelle, ses intérêts vitaux peuvent être sacrifiés avec le risque de retrouver totalement isolée. Se sent-elle peu soutenue par la France dans ce grand bouleversement qui s’apparente à la mise en œuvre du “Grand Moyen-Orient” à l’Ouest ? Ce qui pourrait probablement expliquer le recentrage des relations de l’Algérie avec ses “alliés traditionnels” qui sont la Russie et la Chine. Un tropisme russe de plus en plus visible, même si elle ne veut pas perdre pied en Méditerranée en réaffirmant “sa grande amitié” ave l’Espagne et l’Italie. 

En somme, si une courte phrase, lourde de sens, peut provoquer une tempête entre Alger et Paris, un petit geste, à grande portée historique, peu tout aussi dissiper les orages les plus violents. D’évidence, les autorités algériennes, Tebboune en premier lieu, guetteront ce que fera Emmanuel Macron à l’occasion de la célébration du 60e anniversaire du 17 Octobre 1961. Selon des sources sûres, le président français reconnaîtra officiellement la responsabilité de l’État français dans le massacre de la Seine. Et tout pourra rentrer dans l’ordre pour le bien des deux pays.

 


Hassane Ouali

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