L’Actualité SAÏD SADI LORS D’UN MEETING À PARIS

“Le défi algérien est de repenser la nation”

  • Placeholder

Hassane OUALI Publié 08 Novembre 2021 à 00:16

Saïd Sadi, l’ancien leader du RCD, lors de son meeting à Paris. © D. R.
Saïd Sadi, l’ancien leader du RCD, lors de son meeting à Paris. © D. R.

L’histoire explique le présent dans ce qu’il a de meilleur et surtout de pire. C’est le postulat politique sur lequel s’appuie souvent l’ancien leader  du  RCD, Saïd  Sadi,  pour   décrypter   l’impasse  algérienne d’aujourd’hui. À juste titre. 

Ce  sont  le  grand  malentendu  du  mouvement  national  et  ses prolongements néfastes durant la guerre de Libération nationale qui ont profondément structuré la crise nationale. Ce paradigme était au cœur de son intervention d’avant-hier à Paris où il a animé un meeting - dans une salle comble - ayant pour thème “Un pays en danger : quelle issue pour une impasse ?”. “Tous les autres drames, tous les autres travers, toutes les désillusions générées par les mille et un slogans du FLN sont la conséquence directe d’une imposture récurrente : la falsification du passé qui a conduit à la création d’une entité nationale qui n’inspire pas cette fierté partagée qui constitue la sève des grandes patries”, a tranché M. Sadi. 

Il n’a pas cessé, tout au long de son intervention, de faire des allers-retours entre le présent “brumeux” et le passé “mutilé” pour expliquer les périls qui menacent une Algérie qui se cherche encore. Faisant de la refondation nationale son leitmotiv politique permanent, Saïd Sadi préconise d’engager une immense tâche de “repenser la nation”. “Il est grand temps que les convictions intimes des patriotes soient exprimées dans l’agora, repenser la nation est à la fois vital et urgent”, presse-t-il. “Après avoir détourné puis confisqué la symbolique de l’insurrection de Novembre 1954 qu’elles avaient pourtant condamnée, des forces conservatrices, abreuvées à une rhétorique arabo-islamiste sectaire et violente, s’employèrent à habiller la nation d’oripeaux qui furent autant d’armes de l’aliénation nationale”, a encore asséné l’ancien président du RCD.

Il est vrai qu’à intervalles réguliers, le récit national est convoqué pour être réécrit pour mieux l’adapter aux fins de légitimations politiques et idéologiques des groupes politiques et sociaux dominants. L’invention du couple "Badissia-Novembria" en pleine insurrection citoyenne du 21 Février 2019 participe de cette escroquerie intellectuelle et historique qui vise à tordre le cou à la vérité historique, mais aussi à empêcher l’émergence d’une alternative démocratique sérieuse correspondant aux aspirations de la jeunesse de Février. Ces hold-up permanents sabordent toute possibilité d’injecter de la modernité rationnelle dans la construction d’une Algérie ouverte. Ce qui fait dire à Saïd Sadi que “le moderniste qui conçut, programma et structura le combat qui mena à l’indépendance algérienne fut progressivement déclassé puis réduit au silence”. Allusion à Abane Ramdane, architecte de la Révolution, qui est sans cesse déterré pour tuer l’esprit que la Soummam continue d’incarner. Mettant en évidence les failles de la dynamique historique dans la construction inachevée de l’État algérien, Saïd Sadi a estimé que “la guerre de libération nous a permis de dire ce que nous ne voulions pas être”. “Le combat démocratique a vocation à donner aux Algériens l’opportunité d’affirmer les qualités propres aux citoyens qu’ils peuvent devenir”, interpelle-t-il. Et comme pour prévenir contre le risque de la reproduction de l’échec, l’auteur de "L’Échec recommencé" rappelle que “les artificialités des emprunts identitaires auxquels fut soumise l’Algérie représentant la cause essentielle des échecs qui ont sanctionné les luttes démocratiques. Ce vide existentiel a fait que l’Algérien ne sut jamais autour de quoi ni comment il devait faire société”, a-t-il lancé comme piqûre de rappel. 

Le rejet et le projet
À ce propos et en analysant les blocages d’aujourd’hui, Saïd Sadi assure que les “échecs du pouvoir comme celui des manifestations qui l’ont contesté renvoient au fait que nous nous sommes concentrés sur les conséquences et non sur la cause de notre impasse”. “Tant que nous n’aurons pas repensé la nation, nos mobilisations, si massives et déterminées soient- elles, resteront des colères infructueuses car à chaque fois que viendra le moment de transformer un rejet en projet, nous demeurerons paralysés par la peur des vérités historiques, le manque d’audace intellectuelle, les méfiances stérilisantes ou la mauvaise lecture politique des situations”, prévient-il encore.

Cette mise en garde est hautement impérieuse d’autant que “le moment que traverse le pays est d’une gravité, d’une complexité et d’une dangerosité sans précédent” et que “les problèmes politiques et socio-économiques s’amoncellent dans une conjoncture géopolitique incandescente”, professe-t-il.

Saïd Sadi, qui est revenu dans son intervention sur l’impasse du pouvoir politique, la répression de l’expression politique et l’emprisonnement des militants, termine son exposé en adressant un message aux jeunes générations, message  d’un militant dont le parcours se confond avec le combat démocratique forgé dans la période de la glaciation des années soixante-dix. “Nous avons tracé un chemin dans les brumes et les ravins. Vous avez le droit de l’emprunter et le devoir de l’élargir pour en faire la route de l’espérance démocratique”, lègue-t-il.

Il les appelle à sortir “de la vocation de martyrs dans laquelle veulent vous enfermer les idolâtres du malheur”, à “dénoncer les appels aux sacrifices éternels... vous avez le droit de vivre dignes, libres et heureux”. “Reniez la nation des animosités et des rancœurs, construisez la patrie de la fraternité et du bonheur”, termine-t-il son discours. Plus qu’un message, une philosophie politique qui devrait guider les combats de demain. 
 

Hassane OUALI

 

  • Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va

    Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.

    • Placeholder

    Abrous OUTOUDERT Publié 14 Avril 2022 à 12:00

  • Chroniques DROIT DE REGARD Trajectoire d’un chroniqueur en… Liberté

    Pour cette édition de clôture, il m’a été demandé de revenir sur ma carrière de chroniqueur dans ce quotidien.

    • Placeholder

    Mustapha HAMMOUCHE Publié 14 Avril 2022 à 12:00