L’Actualité ABDERRAHMANE BENBOUZID, MINISTRE DE LA SANTÉ ET DE LA RÉFORME HOSPITALIÈRE

“Le pass sanitaire si la situation s’aggrave”

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Badreddine KHRIS Publié 10 Novembre 2021 à 00:49

© Yahia Magha/Liberté
© Yahia Magha/Liberté

Le ministre de la Santé déplore le rythme lent de la vaccination  contre la Covid-19  en dépit de la disponibilité du vaccin. Il regrette, surtout, le non-respect des gestes barrières. Entretien. 

Liberté : Quelle appréciation faites-vous de la situation actuelle de l’épidémie?
Abderrahmane Benbouzid : La Covid-19 reste une maladie insoupçonnable, qui déconcerte. À telle enseigne que les scientifiques disent une chose aujourd’hui et se dédisent le lendemain. Car, on se rend compte qu’il existe d’autres facettes encore méconnues de cette maladie, et le traitement s’élabore. Il s’agit d’une pandémie qui a l’air d’être presque une endémie, c’est-à-dire une épidémie qui dure dans le temps. Comparativement aux sérieuses perturbations vécues lors des trois précédentes vagues, notamment la troisième où l’on enregistrait 3 000 malades hospitalisés par semaine qui avaient un besoin urgent d’oxygène, la situation actuelle se résume à une moyenne de 100 cas/jour, voire moins, et l’on déplore 1 à 5 décès au quotidien. Doit-on, pour autant, se satisfaire d’un tel bilan ? Oui. C’est un résultat à préserver et à expertiser. Nous avons gagné une bataille, mais pas la guerre, car le virus est toujours là. Nous devons nous dire : maintenant que nous n’avons pas de pression, nous devons nous réarmer, corriger les erreurs du passé, tout en restant vigilants. Nous sommes en situation d’épidémie et nous ne réfléchissons qu’en épidémie.

Comment l’Algérie se prépare-t-elle pour faire face à une éventuelle nouvelle vague ?
Nous devons nous dire que le virus est déjà dans notre pays. Il a fait des victimes et engendré des dommages. Nous avons, cependant, vécu une accalmie juste après chaque vague. Ce qui ne nous empêche pas de dire que le virus évolue de manière cyclique. Nous tenons compte de ce qui se passe en Europe. Nous suivons l’évolution du virus et la reprise de la pandémie surtout en Europe de l’Est et aux États-Unis. Nous avons, pour cela, pris les mesures nécessaires. Outre l’usage du masque  et du gel hydroalcoolique, nous avons continuellement poursuivi la campagne de sensibilisation contre ce virus. 
Toutefois, tout cela reste tributaire de la bonne volonté de la population qui doit prendre ses précautions quant à la distanciation physique, au port du masque, au lavage des mains. Ces gestes, malheureusement, commencent à être abandonnés. Sur un autre volet, nous avons doté tous nos hôpitaux de générateurs d’oxygène. À la suite de la dernière crise, les usines ont également doublé leurs capacités de production. Nous disposons de milliers de concentrateurs et de centaines de générateurs mis à la disposition des hôpitaux.             

Quelles sont, selon vous, les raisons à l’origine de la réticence de la population à la vaccination, qui reste pourtant la plus efficace des solutions préconisées ? 
Ceux qui doutent de la vaccination sont, à mon avis, dans l’erreur. Ils n’ont qu’à voir les résultats obtenus dans les pays qui vaccinent. Les décès déplorés sont presque majoritairement des personnes qui n’ont pas été vaccinées. Le même constat est établi en Algérie : la plupart des malades décédés ou hospitalisés, souffrant dans les services de réanimation, ne sont pas vaccinés. Et les études ont démontré que ceux qui sont vaccinés font la Covid-19, c’est-à-dire contractent le virus dans la gorge, mais que celui-ci ne va pas plus loin dans le corps. Il provoque un syndrome grippal, une fatigue, voire des symptômes grippaux ou de Covid, mais n’engendre pas de formes graves. Il existe des cas exceptionnels, certes, mais ceux qui se sont fait vacciner ont moins de risques d’aller en réanimation ou de décéder. Pourquoi cette réticence, cette résistance, voire ce refus phénoménal de la vaccination chez nous ? Je pense que c’est dans la nature des gens. Tout être humain ne réagit que face à un danger imminent. On n’est pas en danger, on baisse la garde, de manière presque systématique. En juillet dernier, mois où nous avons réellement commencé la vaccination, l’on vaccinait environ 250 000 personnes/jour. Avec un tel nombre, l’on tablait sur 2,5 millions de vaccinés en 10 jours et 7,5 millions dans le mois. On a arrondi le chiffre à 200 000 vaccinés/jour, soit 6 millions/mois. Or, on était à 6 mois de la fin de l’année, l’on s’attendait à près de 36 millions de citoyens vaccinés, alors que notre objectif était de vacciner 20 millions d’Algériens de plus de 18 ans. Nous étions heureux de dire que l’engagement que nous avions pris allait se concrétiser. Mais dès le 29 juillet où nous avions enregistré 1 927 cas, la décrue a commencé, l’opération de vaccination a été réduite presque à néant. Nous avons fondé nos espoirs sur la rentrée sociale pour accélérer l’opération. En vain. Au premier jour, nous avons vacciné quelque 289 000 personnes, mais depuis, en deux mois, les statistiques ont baissé à moins de 20 000 vaccinés. 

Face à cette situation, le ministère aurait décidé de passer à la troisième dose de vaccin contre le coronavirus. Confirmez-vous officiellement cette mesure ?
Oui, je le confirme. Nous sommes favorables à une troisième dose. Nous avons même instruit, pour cela, nos différentes structures. Car, à ce jour, nous ne savons pas quelle est la durée de l’immunité contre ce virus procurée par le vaccin. Six mois, ou huit mois. C’est en fonction du temps et de l’analyse de l’immunogénicité de chacun (ce qu’il a comme anticorps protecteurs). On s’accorde, néanmoins, à dire que six mois après l’injection de la deuxième dose, on peut injecter la troisième dose. 
On la recommande aux personnes fragiles, celles qui ont une immunité déficiente ou des maladies chroniques : (diabète, hypertension...) et à celles âgées de plus de 65 ans. Il vaut mieux une troisième dose, c’est une sécurité, plutôt que de se contenter de ce qu’on a comme anticorps et qui faibliront au fil du temps. Il y a lieu de mettre l’accent également sur l’interchangeabilité pour cette troisième dose. En termes plus clairs, la marque du vaccin à prévoir pour la troisième dose ne doit pas être obligatoirement la même que celle injectée pour les deux premières doses. C’est une troisième dose qui va booster l’immunité existante pour plus d’efficacité.     

Le pass sanitaire obligatoire dans les lieux de travail et les espaces publics serait-il l’une des solutions envisagées par le ministère ? Si c’est le cas, comment comptez-vous l’appliquer sur le terrain ?
Pour moi, le pass sanitaire obligatoire est une question très sensible. Nous le faisons, nous pouvons l’établir avec le QR code pour ceux qui le demandent. Mais nous ne pouvons pas le faire pour les autres départements ou institutions. Il appartient à ces derniers, par exemple les structures relevant du secteur des sports, les centres commerciaux…, de l’imposer à leurs usagers. Le ministère de la Santé met, toutefois, à leur disposition le dispositif nécessaire (c’est-à-dire comment acquérir le pass, la méthode pour le rendre plus accessible directement sur smartphone…). Cela étant, nous demandons à ce que des initiatives soient prises pour le pass sanitaire. Si la situation s’aggrave, nous n’aurons d’autre choix que de l’imposer. La liberté appartient au citoyen, mais s’il doit entrer dans un lieu où il peut présenter un risque, il faut qu’il soit au préalable vacciné.  

On évoque régulièrement la pénurie de certains médicaments, notamment les anticancéreux. Partagez-vous ce constat et quelles en sont, selon vous, les causes ?  
J’aimerais préciser que l’enregistrement des médicaments et l’homologation des dispositifs médicaux ne relèvent plus, depuis l’an dernier, du ministère de la Santé. 
Devant cette situation, notre département a été destinataire de plusieurs réclamations liées à des ruptures de médicaments, de dispositifs… En tant que citoyen, je constate clairement qu’il y a des pénuries de toutes sortes de produits pharmaceutiques, quoi qu’on dise. On déplore essentiellement des ruptures de médicaments anticancéreux. Cela peut être dû à l’arrêt du transport aérien et à l’impact qu’a induit la pandémie de Covid-19 sur toutes les démarches d’approvisionnement… Moi, ministre de la Santé, mais aussi médecin, donc prescripteur, si demain je dois prescrire un médicament ou une molécule nouvelle, je suis tenu de demander une autorisation à un autre département qui n’est pas celui de la Santé. Autrement dit, le prescripteur, le thérapeute, lui-même, se voit obligé de recourir à un autre département pour le choix d’un médicament. 
Il n’est, également, pas normal du tout que la liste des médicaments essentiels ne relève pas du ministère de la Santé. Celle-ci, échappe ainsi au prescripteur. Elle est dévolue à un autre ministère, en l’occurrence celui de l’Industrie pharmaceutique. Pis encore, le ministère de la Santé n’a plus la prérogative des demandes des produits pharmaceutiques destinés à la Pharmacie centrale des hôpitaux. Or, en principe, c’est le médecin lui-même qui choisit le médicament qu’il prescrit à son patient. C’est, en outre, lui qui fait face aux réclamations quant  à l’usage d’un médicament. Au département de la Santé, nous sommes soumis à une réglementation qui n’est plus de notre ressort, de notre compétence. Même si nous demandons une série de molécules, nous sommes soumis à l’approbation de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques, qui relève d’un autre ministère. C’est une aberration. Ce qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde. C’est comme si j’étais ministre de la Défense, mais sans armement ! Cela étant, nous devons préciser que nous ne sommes pas responsables des pénuries qu’enregistre, depuis plusieurs mois, le marché national du médicament.   
 

Entretien réalisé par : BADREDDINE KHRIS

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