L’Actualité Ouverture hier du procès de l’affaire Metidji

Les accusés se renvoient la balle

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Ali BOUKHLEF Publié 11 Janvier 2022 à 09:52

Le tribunal de Sidi Mhamed. © Archives Liberté
Le tribunal de Sidi Mhamed. © Archives Liberté

Le pôle spécialisé du tribunal de Sidi M’hamed a ouvert, hier, un nouveau dossier dans les interminables procès de la galaxie Bouteflika. L’affaire des sociétés Metidji a entraîné une dizaine d’anciens ministres, walis et autres responsables de l’État devant la justice. 

Au premier jour du procès dans l’affaire Metidji, qui s’est ouvert hier au tribunal de Sidi Mhamed, à Alger, les accusés, d’anciens hauts cadres de l’État, se sont renvoyé la balle, chacun accuse l’autre d’être derrière la prise de décision. Durant de longues années, le groupe Metidji a pris de l’ampleur. Spécialisée essentiellement dans les minoteries et la production de pâtes alimentaires, cette holding familiale a connu une expansion de ses activités au prix de solides relations dans certaines institutions de l’État. Voulant élargir le champ d’action de leur société, les frères Metidji, dont les activités se situent essentiellement à l’Ouest du pays, avaient lorgné du côté des entreprises étatiques en difficulté. Ils ont ainsi acquis, en 2005, deux minoteries publiques, l’une à Sig (les Moulins de Chorfa, à Mascara) et une autre à Tiaret (les Moulins de Dahra). C’était l’époque où l’État voulait privatiser des entreprises publiques et les Metidji ont sauté sur l’occasion. La transaction a été conclue avec comme condition que le groupe privé puisse sauvegarder les emplois, élargir les structures des deux unités et réalise de nouveaux investissements. L’objectif semble être atteint et le groupe continue de fonctionner à ce jour.

Mais pour pouvoir maintenir à flot les deux minoteries, le groupe Metidji voulait garder les privilèges que l’État accordait aux entreprises publiques, à savoir utiliser 100% de blé subventionné par l’État. Or, les quantités de céréales vendues au prix préférentiel pour les sociétés privées ne représentent, pour les privés, que 40% de la matière première. C’est autour de cette question que l’ancien Premier ministre, Abdelmalek Sellal, les anciens ministres de l’Agriculture, à savoir Abdelouahab Nouri et Abdelkader Bouazghi, l’ancien directeur de cabinet du Premier ministre Mustapha Rahiel, des responsables de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) et des dirigeants de la Holding Metidji ont été interrogés hier par le juge. Les responsables de l’État sont notamment accusés de “violation de la loi et règlement pour la distribution d’indus avantages, corruption et trafic d’influence”.

Comme dans la plupart des procès dans lesquels il est accusé, l’ancien Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a nié les accusations. “Je n’ai rien à voir dans cette affaire”, a-t-il répondu, visiblement fatigué, lorsque le juge le confronte aux témoignages de certains de ses anciens ministres et de ses collaborateurs qui assurent avoir reçu les ordres de leur chef hiérarchique. Il nie avoir lu une instruction signée de son directeur de cabinet, Mustapha-Karim Rahiel, adressée au ministère de l’Agriculture auquel il a demandé d’accorder au groupe Metidji plus de 50% du blé subventionné comme cela a été décidé par le Conseil des participations de l’État pour toutes les minoteries privées.

Ce taux est vite passé à 75%, 80% puis à 100%. Tout en affirmant “partager” le contenu du document, il rappelle que ce n’est pas lui qui prenait les décisions. Il se défausse sur le ministre de l’Agriculture de l’époque, Abdelwahab Nouri, “habilité à décider des quotas”. Interrogé plusieurs fois par le juge et par le procureur de la République sur les raisons qui ont poussé le gouvernement à accorder un rare privilège à une entreprise privée, Abdelmalek Sellal indique seulement que l’investisseur Metidji “a rempli ses engagements” en investissant davantage et en effectuant des extensions des entreprises achetées. Mais il a nié tout traitement de faveur.

Face aux aveux de certains prévenus qui ont révélé avoir reçu des “instructions verbales” de sa part, l’ancien Premier ministre a nié tout en bloc. Quitte à enfoncer son ancien directeur de cabinet et homme de main, Mustapha Rahiel qui, lui, a reconnu avoir signé un document “sans vraiment le lire”. Face à son ancien Premier ministre qui lui a jeté la balle, l’ancien ministre de l’Agriculture, Abdelwahab Nouri a joué les rebelles. Non seulement il a nié avoir donné son accord pour accorder aux deux minoteries Metidji 100% du blé subventionné comme le prétend Abdelmalek Sellal, mais il va plus loin : “Je n’ai jamais participé aux réunions interministérielles” qui incluent pourtant son département ministériel. 

Après avoir déclaré au juge d’instruction avoir reçu “un appel téléphonique” de Mokhtar Reguieg, l’ancien directeur de cabinet du président Bouteflika qui a intercédé au profit de Metidji, Abdelwahab Nouri s’est rétracté. L’ancien collaborateur d’Abdelaziz Bouteflika n’a fait que “demander des renseignements” sur la manière avec laquelle l’entreprise Metidji pouvait obtenir des quotas supplémentaires de blé subventionné, a ajouté l’ancien ministre, qui comparaissait libre. S’il n’avait pas de fonction exécutive, l’ancien chef du protocole de la présidence de la République, Mokhtar Reguieg a occupé une place centrale dans ce procès enchevêtré.

Détenu depuis plusieurs mois à la prison d’El-Harrach, l’homme a reconnu une “amitié” avec Hocine Metidji, le P-DG du groupe éponyme et a avoué avoir “appelé” l’ancien ministre de l’Agriculture “également mon ami” pour “obtenir des renseignements”. Mais il refuse de reconnaître une quelconque pression sur les membres du gouvernement. “Je n’avais aucune qualité” pour “donner des instructions” aux ministres, se défend-il. Avec la comparution de Mokhtar Reguieg, la justice voulait faire d’une pierre deux coups. Outre son rôle dans l’affaire Metidji, cet ancien ambassadeur a été sommé par le juge de répondre sur ses “signes extérieurs de richesse”.

Le magistrat a demandé comment expliquer qu’un haut fonctionnaire de l’État pouvait posséder une villa, des appartements à Alger, Oran, à Vienne (Autriche) et à Paris. Reguieg, qui fait valoir sa bonne foi en omettant de déclarer ses biens parce qu’on “ne me l’a jamais demandé”, a prétendu que ces biens provenaient de “mes économies” et des “salaires” gagnés au cours d’une longue vie professionnelle. “J’avais un salaire de 13 000 euros come ambassadeur à Rome”, a-t-il cité en exemple. Puis, il a ajouté que la location de ces biens, en Algérie comme à l’étranger, doublée d’un “héritage” lui ont permis d’élargir le spectre de ses biens immobiliers. Le juge ne semble pas être convaincu parce que, réplique-t-il, “quel que soit son revenu, un haut fonctionnaire de l’État ne peut jamais acquérir autant de biens”.

Les autres prévenus, dont les anciens directeurs généraux de l’Office algérien interprofessionnel des céréales ont tous plaidé l’innocence. Chacun a rejeté la responsabilité sur l’autre. Seul Abdelkader Kadi, l’ancien ministre de l’Agriculture, détenu, a justifié les avantages accordés à la société Metidji par le fait que celle-ci avait “créé des emplois et investi” comme cela est prévu dans le cahier des charges de la vente des entreprises publiques. Le procès se poursuit aujourd’hui avec l’audition d’autres prévenus et témoins. Parce qu’en plus de ces minoteries, les frères Metidji sont poursuivis pour avoir financé “illégalement” la campagne d’Abdelaziz Bouteflika en 2019. 

 


Ali Boukhlef

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