L’Actualité OBLIGATION DE SPÉCIALISATION DES ACTIVITÉS D’IMPORTATION

LES OPÉRATEURS DANS LE DÉSARROI

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Badreddine KHRIS Publié 10 Juillet 2021 à 23:23

© Archives Liberté
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Les  mesures  obligeant  les  sociétés  commerciales  à inscrire au registre  du  commerce chaque  produit  importé  ont  engendré de  graves perturbations dans le secteur du commerce extérieur.

a mise en œuvre des dispositions du décret exécutif n°21-94 du 9 mars 2021 fixant les modalités d’exercice des activités d’importation de matières premières, produits et marchandises destinés à la revente en l’état a causé de sérieux désagréments aux opérateurs économiques. La nouvelle mise à jour de la nomenclature des activités relatives au secteur de l’importation pour la revente en l’état, à travers la réorganisation des groupes et des sous-groupes et l’introduction de nouvelles filières, n’a pas été sans conséquences sur les activités de nombreuses sociétés commerciales. Celles-ci (activités) devront être exercées sur la base d’extraits de Registre du commerce électronique (RCE) “portant des codes d’activités homogènes relevant d’un seul sous-groupe des groupes d’activité d’importation inclus dans la nouvelle nomenclature des activités économiques soumises à inscription au registre du commerce”, stipule l’article 3 bis 1 du décret exécutif.

En termes plus clairs, le secteur du commerce veut imposer la spécialisation des importations en obligeant l’opérateur du commerce extérieur à n’importer qu’un seul et unique type de produits. Or, il se trouve que cette mesure oblige les entreprises à modifier leur mode de fonctionnement et à revoir leur stratégie. C’est le cas de la société N. S., spécialisée dans l’importation des pneus. Si cet importateur avait pour habitude d’introduire sur le marché, outre les pneus, les accessoires qui vont avec, tels que les chambres à air, les jantes, l’outil de réparation et de montage …, il est désormais tenu de choisir l’un de ces produits. S’il veut les importer tous, il doit établir un registre du commerce et un code pour chaque produit. “Moi, je vends des kits, des solutions complètes à ma clientèle. Cette nouvelle réglementation va m’obliger ainsi à créer une société pour chaque produit faisant partie de ces solutions”, déplore Kamal, gérant de cette entreprise.

Le même sentiment d’injustice et de négligence est exprimé également par un patron d’une PME qui importe des clous. Le texte de loi lui impose d’opter pour l’importation de l’une des trois catégories à savoir les clous pour chaussures ou ceux utilisés dans la construction ou le bois. “Moi, qui importais toutes sortes de clous auparavant, je dois aujourd’hui, me spécialiser dans l’une des catégories. Pour l’importation de tous types de clous, je dois créer un registre du commerce pour chaque type, ce qui est synonyme de création de nouvelles sociétés”, déclare, désemparé, Salim, le propriétaire de cette entreprise.  

Un registre du commerce pour chaque produit…
“C’est incompréhensible. Ce n’est pas de cette manière aussi brusque que le ministère pourra réguler ou assainir le commerce extérieur”, lâche-t-il. Même si cette décision, tel qu’expliqué par le ministre du Commerce, obéit au souci de “rationaliser les importations et de réduire le déficit de la balance commerciale”, son application, en revanche, risque de perturber sérieusement l’évolution de l’économie nationale.

Un importateur de peintures se voit lui-aussi obligé de se spécialiser soit dans les teintes ou les enduits, ou les rouleaux et pinceaux, ou le papier de verre… Car, conformément à la nouvelle réglementation en vigueur, chacun de ces produits dispose d’un code qui nécessite un registre du commerce pour son importation. “Il est anormal de consacrer un registre du commerce pour chaque accessoire qui compose tout ce kit que j’importais naturellement il y a à peine quelques mois”, déplore-t-il. Les services des douanes contraignent, en outre, les importateurs de produits de plomberie de faire le choix entre les articles de plomberie et ceux de la plomberie sanitaire ; une distinction qu’ils ne faisaient pas dans un passé récent.

“Au lieu de l’accompagner et de lui créer toutes les conditions nécessaires pour qu’il apporte sa contribution dans la croissance économique, la création de richesse et de postes d’emploi, les pouvoirs publics continuent de briser l’opérateur économique”, regrette l’un d’eux. Les mêmes déboires sont vécus par les importateurs de produits sidérurgiques à qui l’on signifie de faire le distinguo, dans l’exercice de leur métier, entre les produits du bâtiment et travaux publics, ceux destinés au secteur de l’hydraulique et le rond à béton. 

Produits “dangereux” : les enregistrements bloqués !
“Il faudra créer des entités à part, si l’on veut importer tous ces produits”, affirme, avec amertume, Hafid, gérant d’une société qui active dans ce créneau. Ce qui l’exaspère encore plus ce sont les nombreuses pièces à fournir et les démarches et autres procédures à accomplir pour constituer le dossier de certificat de respect des conditions d’exercice de l’activité d’importation de matières premières, produits et marchandises destinés à la revente en l’état.  Sans parler, ajoute-t-il, des nouveaux registres du commerce à établir, la souscription à un cahier des charges, la légalisation des faits par un huissier de justice, la possession ou la location de nouveau locaux avec des plaques de signalisation, le recrutement de personnel …autant de conditions drastiques exigées par le décret exécutif. Cela dit, l’agroalimentaire reste indubitablement le secteur qui a subi le plus les méfaits de ce texte.

“C’est devenu un secteur extrêmement fragmenté”, constate un opérateur. Ainsi, l’importation du café, du thé, du lait, de la confiserie…ne peut être effectuée en un seul lot et une seule opération. Dorénavant, l’opérateur doit les importer séparément avec un code et un RCE, c’est-à-dire une nouvelle entité pour chaque produit. “Si l’on veut mettre de l’ordre dans le commerce extérieur, il faudra instaurer des critères de sélection des opérateurs qui y activent et non pas semer le désordre dans ce secteur”, souligne le même opérateur. Pour Karim, un autre importateur, la fragmentation des cosmétiques, des détergents, des articles pour bébé… “est tout simplement absurde”. 

A cause de ce texte de loi, ce sont des milliers de sociétés qui devront être créées avec tout ce que cela va engendrer comme frais supplémentaires pour les opérateurs. “Ce qui va forcément faire augmenter les prix des produits commercialisés”, relève-t-il. Et le “coût de fonctionnement des entités qui seront créées sera plus élevé aussi”, précise-t-il. Selon lui, la pénurie et la rareté de quelques produits n’est, par conséquent, pas à écarter.

Cet opérateur soulève une autre problématique et non des moindres. Il s’agit de l’enregistrement au niveau des directions du commerce, de quelques catégories de produits dits dangereux, tels que les cosmétiques, produits chimiques, détergents, certains articles scolaires et jouets pour enfants… “Chaque produit doit être enregistré par la société qui l’importe tel que l’exige le décret exécutif”, indique Karim. Ce qui nécessite la création de nouvelles sociétés. Or, les enregistrements sont bloqués depuis plusieurs mois, note-t-il.

Et si l’opérateur ne dispose pas de cet enregistrement, il ne pourra pas effectuer une domiciliation bancaire ou autre démarche pour réaliser son opération d’importation. “Cette spécialisation imposée par les pouvoirs publics n’apporte aucune valeur ajoutée pour l’économie nationale”, commente Karim. “Je ne vois pas quel est le problème qui a été réglé à travers ce décret exécutif”, remarque-t-il. “Au contraire, cette réglementation nous pousse à devenir petits sur le marché”, dira-t-il. 

Des conditions drastiques 
Tel que le stipule l’article 5 bis du décret exécutif en question, les sociétés commerciales concernées sont tenues de souscrire selon le cas à un cahier des charges fixant les conditions et engagements des parties liées à l’exercice de l’activité d’importation (non réglementée ou réglementée) de matières premières, produits et marchandises destinés à la revente en l’état. C’est avec cette souscription au cahier des charges que le certificat de respect des conditions, prévu par les dispositions de l’article 5 bis, est délivré à l’opérateur.

En cas de non-respect des conditions prévues par le décret ou des clauses du cahier des charges, le certificat est retiré et la décision de retrait est notifiée à la société commerciale ainsi qu’aux institutions concernées, comme le précise l’article 6 bis. Les sociétés commerciales concernées sont tenues de se conformer aux dispositions de ce texte relatives à la modification du registre du commerce et à la souscription à l’un des cahiers des charges avant le 31 décembre 2021. Passé ce délai, les extraits du registre du commerce non conformes aux dispositions du décret deviennent sans effet jusqu’à régularisation de la situation des sociétés concernées, est-il mentionné dans l’article 4.

La société commerciale concernée s’engage ainsi à exercer l’activité d’importation de matières premières, produits et marchandises destinés à la revente en l’état “avec des extraits de registre du commerce électronique portant des codes d’activités homogènes relevant d’un seul sous-groupe d’activité, appartenant aux groupes des activités d’importation inscrites à la nomenclature des activités économiques soumises à inscription au registre de commerce”.

Cette société doit obtenir le certificat de respect des conditions d’exercice de l’activité d’importation qui est délivré par les services de la direction du commerce de la wilaya territorialement compétente, après dépôt du dossier par le représentant de la société commerciale, comportant une copie du cahier des charges approuvée, une copie du registre du commerce électronique portant les codes d’activités choisies, une déclaration des salariés auprès de la Caisse nationale de la sécurité sociale, une copie de l’abonnement au portail du Centre national du registre du commerce.

La société doit disposer également d’un siège social approprié et réellement exploité, avec une adresse précise et équipé de moyens de communication. Elle doit placer clairement à l’entrée de leur siège social, une enseigne portant leur dénomination, leur adresse et leur numéro de téléphone, en langue arabe et une autre langue, le cas échéant. Elle doit justifier l’existence de l’infrastructure de stockage et de distribution appropriée, aménagée en fonction de la nature, du volume et des nécessités de stockage et de protection des marchandises, objet de leur activité.

La société doit par ailleurs, justifier du recrutement d’au moins deux employés et de disposer de moyens de transport adéquats, en toute propriété ou en location, compatibles avec la nature et la spécificité des produits et marchandises importés. Elle est en outre tenue de fournir aux directions du commerce de wilayas territorialement compétentes, un programme annuel prévisionnel d’importation. Elle doit également mettre à leur disposition, tous les six mois, les statistiques concernant l’état des ventes et les quantités en stock. Dans le cadre de la régulation du marché et en cas de déséquilibre dans son approvisionnement, la société commerciale concernée s’engage à effectuer aussi des opérations d’importation afin d’assurer la stabilité du marché national. 
 

Par : BADREDDINE KHRIS

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