L’Actualité Dr Idir Bitam, chercheur spécialiste des maladies transmissibles et pathologies tropicales émergentes

“L’immunité collective dès la deuxième semaine de février”

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Karim BENAMAR Publié 25 Janvier 2022 à 10:37

© D.R
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“Nous sommes actuellement bien au-delà de 10 000 cas par jour de contamination au coronavirus. Un chiffre appelé à augmenter”, affirme Dr Idir Bitam qui, par ailleurs, pousse un coup de gueule contre les pharmacies qui vendent des médicaments anti-Covid sans prescription. 

Liberté : Quel constat faites-vous de la situation épidémiologique en ce moment ? 

Dr Idir Bitam : Elle est inquiétante. Nous sommes en train de vivre une situation pour le moins inédite, avec deux courbes de contamination, à grande échelle, générées par les variants Delta et Omicron. Alors que le premier variant entre en pleine troisième vague, le second (Omicron) fait son apparition, avec une vitesse de circulation fulgurante. Nous sommes bien au-dessus des chiffres annoncés officiellement, faisant état d’un peu plus de 2000 cas d’infection quotidienne. Nous avons en ce moment 50% des cas de contamination révélés positifs au variant Delta et 50% au variant Omicron. D’ici deux semaines (deuxième semaine du mois de février) nous allons assister à une prédominance du variant Omicron. 

Et quelle est la réalité des chiffres ? 

Nous ne pouvons pas affirmer avec précision le nombre de personnes contaminées. Aucun service ne pourra vous le dire avec exactitude. Une chose est, cependant, certaine : nous sommes actuellement bien au-delà de 10 000 cas de contamination par jour. Et cette situation ne va pas s’améliorer d’ici peu. Dans deux semaines on nous annoncera officiellement 10 000 à 12 000 cas par jour, alors que la situation sera en vérité bien plus grave, avec 20 000 cas, voire plus, de contamination. Il faut savoir que le variant Omicron se multiplie 50 fois plus vite que le variant Delta.

Pourquoi les chiffres officiels sont-ils bien en deçà de cette réalité ?

Pour la simple raison que les chiffres annoncés chaque jour par le gouvernement ne concernent que les prélèvements de la PCR. À cela s’ajoute le fait que 50% des laboratoires privés ne déclarent pas leurs chiffres. Ce qui n’est pas normal ! 

Quelle est la situation dans les hôpitaux ? 

Les structures hospitalières sont sous pression en raison, comme je l’ai dit, de la multiplication des contaminations. L’extrême virulence du variant Delta fait beaucoup de dégâts en réanimation notamment. 100% des cas de décès en réanimation sont causés par le variant Delta. Il faut préciser en outre que jusqu’à maintenant 100% de décès sont des personnes non vaccinées. 97% d’admission en réanimation concerne également les personnes non vaccinées. Ces chiffres proviennent des services de réanimation. Il faut s’attendre à une aggravation de cette situation, parallèlement à l’augmentation des cas de contamination. Encore une fois, la situation est grave, alors que nous n’avons même pas atteint de pic épidémiologique.
 
De plus en plus d’enfants sont contaminés. Pourquoi ? 

Les enfants sont d’“excellents” vecteurs de virus. En milieu enfantin le virus circule sournoisement : 90% des enfants ne présentent pas de symptômes liés au coronavirus, mais en sont quand même porteurs. À ce propos, la fermeture des écoles est, certes, salutaire, mais malheureusement le virus est déjà sorti des écoles. Une grande partie des contaminations se fait en ce moment à travers les enfants. Je profite de votre média pour appeler à la responsabilité des parents. Les cours de cités d’habitation sont pleines d’enfants en train de jouer, les fast-foods, les restaurant, les pizzérias et magasins ne désemplissent pas. Ceci favorise largement la circulation du virus. 

Quel est le degré de la virulence du variant Omicron ?

Il ne présente pas de sévérité particulière, sinon nulle. Nous n’avons enregistré aucun décès lié à ce variant. Mieux, aucun décès n’a été enregistré à travers le monde. Il y a eu un seul cas (décès) en Grande-Bretagne, et encore, ne nous savons pas à ce jour si c’est lié directement à ce variant. J’ai demandé personnellement à consulter le dossier de cette personne. J’attends la réception, sous peu, de ce dossier.
 
Omicron peut donc être une solution pour atteindre une certaine immunité ? 

Oui, à condition d’accélérer et de généraliser les campagnes de vaccination. On peut espérer atteindre, dans ce cas de figure, une immunité collective à hauteur de 70% entre la première et la deuxième semaine du mois prochain (février). Permettez-moi de préciser ici que le variant Omicron ne devra pas être négligé ou pris à la légère. Sa sévérité est, certes, négligeable, mais cela concerne les personnes en bonne santé, les jeunes et les personnes qui ne présentent pas de maladies chroniques. 
Ne nous pouvons pas nous permettre actuellement de baisser la garde ou de lever les mesures barrières comme cela est le cas actuellement dans quelques pays européens. Dans ces pays, l’Omicron est déjà prédominant. Ils ont déjà atteint une certaine immunité collective. Chez nous, le variant Delta frappe encore de plein fouet. 

On parle aujourd’hui du début de la fin de la pandémie à travers le monde. Qu’en pense le virologue que vous-êtes ? 

Le scientifique que je suis ne peut pas se permettre une telle affirmation. Nous allons certainement vivre encore, pendant quelques années, avec le coronavirus. Les faits sont là : il y a une mutation extrêmement rapide du coronavirus. Depuis le début de la pandémie, en 2019, ce virus a muté plus de 7300 fois, tous variants confondus. Parmi ces variants, il existe 4 “mutants” qui présentent un danger sur la santé publique (Alpha, Bêta, Delta et Omicron). Maintenant, avec l’immunité collective, on peut espérer que la mortalité liée au coronavirus va baisser considérablement et les hôpitaux totalement désengorgés. 

Le phénomène de l’automédication a pris de l’ampleur depuis l’apparition de cette pandémie. Un commentaire ?

Vous mettez le doigt sur une pratique dont on ne parle pas beaucoup. Nous ne cesserons jamais de le répéter : l’automédication est un réel danger. C’est une pratique qui explose littéralement. J’en appelle au bon sens des citoyens. N’achetez pas de médicaments sans la prescription de vos médecins. Mais la responsabilité des pharmaciens est ici pleinement engagée. Je les incrimine. Il n’est pas rare que les officines vendent des antibiotiques sans ordonnance. C’est grave et dangereux. Remarquez aussi que cette vente sans prescription induit une situation de pénurie sur certains produits. L’exemple de Levenox dont tout le monde parle est ici édifiant. Beaucoup de personnes l’ont acheté et stocké chez eux alors qu’ils n’en ont pas besoin. J’appelle à la responsabilité des pharmaciens et les autorités compétentes à sévir contre ce genre de pratique. Par prévention, les citoyens achètent un tas de médicament et les rangent chez eux. C’est une erreur. Il y a des procédures. Quand on présente des symptômes au coronavirus, il faut d’abord aller consulter son médecin. De plus, avec la disponibilité des autotests aujourd’hui, tout le monde peut se faire dépister aujourd’hui, en deux minutes, avec un coût nettement plus bas que les tests PCR. Ils sont fiables.

 

Propos recueillis par : Karim Benamar

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