L’Actualité la perpétuité requise contre Walid Nekkiche

L’ombre de Wassini Bouazza et de la torture !

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Ali BOUKHLEF Publié 01 Février 2021 à 23:13

© D.R.
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Pour avoir manifesté le 26 novembre 2019, Walid Nekkiche, 25 ans, risque gros. Présenté hier devant la chambre criminelle de la Cour d’Alger qui a siégé au tribunal de Dar El-Beïda, cet étudiant est poursuivi pour “atteinte à la sécurité de l’État” et “incitation des citoyens à porter les armes”. Le procureur a requis contre lui la peine maximale, la perpétuité. Les avocats accusent les services de sécurité de torture !

C’est au bout de 14 longs mois de détention provisoire, entrecoupés de vaines demandes de libération provisoire, que le procès de Walid Nekkiche a été programmé pour hier. Le jeune étudiant de l’Institut supérieur des sciences de la mer et de l’aménagement du territoire (Ismal) a été finalement extrait de sa cellule de la prison d’El-Harrach. 

Le jeune homme, au visage encore juvénile et au regard souvent absent, évitant de croiser celui de ses parents assis à l’autre bout de la salle, a dû être impressionné par la présence massive des avocats venus le défendre. Ils n’étaient pas moins de 25 avocats, parmi lesquels des ténors du barreau comme Mostafa Bouchachi, Mohand-Tahar Belarif, Hakim Saheb, ou encore Saïd Zahi, venu spécialement de Skikda, à s’être constitués pour défendre le jeune étudiant devenu, malgré lui, le symbole du procès de ce que les médias officiels et les autorités ont présenté, en 2019, comme étant celui des “séparatistes”. Et les accusations, “superflues”, selon Me Hakim Saheb, confirment, en effet, que le procès, en criminelle, prend les allures de celui du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK). Même si les liens entre le jeune étudiant et ce mouvement ne s’appuient, selon l’arrêt de renvoi, sur aucune preuve tangible, le procureur a conclu à un lien organique entre le jeune homme et le mouvement souverainiste. Pour cela, il a suffi au jeune homme d’admettre reconnaître des activistes du MAK qui habitent son village. 

L’un d’eux, Kamel Bensaâd, venu libre au procès d’hier, risque la perpétuité, tandis que les autres coaccusés sont en fuite. Pis encore, la liaison amicale qu’entretenait Walid Nekkiche avec un ressortissant espagnol, venu visiter l’Algérie au moment des manifestations du Hirak, est une autre preuve, selon le représentant du parquet, pour conclure à un “complot” visant “l’unité nationale”. 

L’arrêt de renvoi évoque des photographies envoyées par l’étudiant à Nuno Garcia José, l’Espagnol fonctionnaire dans une ambassade de son pays. Sauf que ces photos ne se trouvent nulle part. Tout comme les traces du semblant lien qu’entretiendrait Nekkiche avec la section locale du MAK, à Tizi Ghennif, qui ne sont pas documentées ! Mais l’évocation du Mouvement que préside Ferhat M’henni a suffi à enfoncer l’enfant de M’kira ! Même la juge, qui a tenté de calmer la colère des avocats, a vite fait le raccourci entre le MAK et des liens qu’entretenait Walid Nekkiche avec des jeunes burkinabés.

“Walid a été torturé, violé…”
La présidente de la chambre et le procureur de la République se sont appuyés, dans leurs questions focalisées encore sur le MAK et les supposés liens de l’accusé avec des étrangers, sur une première partie de l’enquête où Walid Nekkiche semble reconnaître une partie des accusations. 

Or, les récits des avocats battent en brèche toutes les accusations. Dans leurs plaidoiries, venues combler un déficit en éloquence de leur client dont les réponses étaient souvent inaudibles et incompréhensibles, les avocats ont fait de graves révélations. Mes Belarif, Saheb et Nacéra Hadouche, notamment, ont indiqué que les aveux de leur mandant ont été faits “sous la torture”. Walid Nekkiche a été “torturé, il a été violé !”, s’est écrié Mohand-Tayeb Belarif, qui rappelle que les conventions internationales indiquent clairement que “les aveux faits sous les effets de la torture ou de traitements dégradants sont nuls et non avenus”. Et c’est exactement ce qui s’est passé.

Selon Nacéra Hadouche, Walid Nekkiche a été arrêté le 26 novembre 2019. “Il avait disparu” jusqu’au 2 décembre. Une période durant laquelle, il aurait subi des “sévices sexuels” et d’autres “tortures” des éléments de service de sécurité. C’est durant cette période que le juge d’instruction a décidé d’auditionner le jeune étudiant. Or, “avec ce qu’il a subi, il a perdu ses mots, moi aussi, je n’avais plus les mots !”, s’est indignée Nacéra Hadouche qui a vivement interpellé la cour sur le fait que malgré les plaintes déposées contre la torture, “aucune suite n’a été donnée” ! “L’État est en principe obligé de faire une enquête sur les soupçons de torture et de sévices. Mais aucun d’entre vous n’a rien fait”, a-t-elle indiqué, la gorge nouée, à l’adresse de la juge et du procureur. “Ce dossier a été monté par quelqu’un qui avait semé la terreur parmi le peuple algérien” durant l’année 2019, accuse Me Belarif. “Ce personnage est aujourd’hui derrière les barreaux, Mme la présidente”, accuse-t-il en référence à l’ancien directeur général de la Sécurité intérieure, le général Wassini Bouazza.

En plus d’avoir dénoncé la torture qu’aurait subie leur client, les avocats ont beaucoup insisté sur l’absence de preuves matérielles. “Aucune correspondance n’existe entre Walid Nekkiche et les militants du MAK”, indique une des avocates. “Les jeunes se connaissent entre eux. Walid Nekkiche avait un lien d’amitié avec un jeune Espagnol comme il peut en avoir avec d’autres étrangers. Il faut encourager notre jeunesse à nouer des liens partout dans le monde au lieu de la briser !”, ajoutera, pour sa part, Saïd Zahi.
Au moment où nous mettons sous presse, les plaidoiries se poursuivaient. Le verdict est attendu dans la nuit.

Ali Boukhlef

 

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