L’Actualité LA FRANCE RÉDUIT DE MOITIÉ L’OCTROI DES VISAS AUX ALGÉRIENS

Paris serre les vis

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Ali BOUKHLEF Publié 29 Septembre 2021 à 00:41

© D. R.
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Devant le refus de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie de réadmettre leurs ressortissants en situation irrégulière dans l’Hexagone et en attente d’expulsion, le gouvernement français a décidé de réduire de 50% le nombre de visas attribués aux Algériens et aux Marocains et de 30% aux Tunisiens

Après “les menaces”, la France passe aux actes : face aux pays d’Afrique du Nord qui ne “coopèrent pas” pour le retour de leurs ressortissants expulsés, Paris a décidé de réduire de moitié le nombre de visas attribués aux Algériens, aux Marocains et aux Tunisiens.

Depuis “quelques semaines”, le gouvernement français a, en effet, décidé de mettre la pression sur les gouvernements de l’Algérie, de la Tunisie et du Maroc en réduisant de moitié le nombre de visas aux ressortissants de chacun de ces pays. La raison ? Les trois pays du Maghreb refusent de délivrer les laissez-passer consulaires pour le retour de leurs ressortissants expulsés de France. 

“C’est une décision drastique, c’est une décision inédite, mais c’est une décision rendue nécessaire par le fait que ces pays n’acceptent pas de reprendre des ressortissants que nous ne souhaitons pas et ne pouvons pas garder en France”, a justifié Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement français, qui s’exprimait hier matin sur la chaîne de radio Europe 1.

Pour le ministre français, cette décision a été la dernière tentative des autorités de son pays de faire appliquer “nos règles migratoires”. “Il y a eu un dialogue, ensuite, il y a eu des menaces ; aujourd’hui, on met cette menace à exécution”, a-t-il rappelé, sèchement.

Cela a commencé en 2018. Cette année-là, le gouvernement français avait entrepris de convaincre certains pays dont des ressortissants étaient expulsables de les récupérer en leur délivrant des laissez-passer. Mais sans résultat. Pour expliquer cette attitude, les autorités algériennes avaient toujours fait valoir une seule ligne directrice : s’assurer qu’il s’agissait bel et bien de ressortissants algériens. 

Parce que pour le gouvernement algérien, tous ceux qui se disent algériens ne le sont pas forcément. Puis, “la procédure d'expulsion est longue et requiert un contact suivi entre l'expulsé et l'autorité algérienne”, explique une source diplomatique contactée hier par Liberté.

Pour convaincre les pays maghrébins, les autorités françaises ont tenté une autre approche. Le ministre français de l’Intérieur, Gerald Darmanin, avait entrepris, en novembre 2020, une tournée dans les trois pays pour convaincre les gouvernements d’Algérie, de Tunisie et du Maroc de coopérer dans ce dossier. 

À l’époque, le ministre français avait notamment posé la question de l’expulsion de certains ressortissants maghrébins radicalisés. “Il faut que le pays source reconnaisse son ressortissant avant de le reprendre, et les laissez-passer consulaires sont délivrés au compte-goutte même pour des profils sans histoire.

Alors imaginez pour un terroriste !”, confiait alors un expert français au quotidien Le Figaro. Passées les déclarations de bonnes intentions, l’espoir suscité par cette tournée de Darmanin à Alger, Tunis et Rabat s’est visiblement évaporé.

“On souhaiterait que la réaction soit davantage de coopération avec la France pour qu’on puisse faire appliquer nos règles migratoires”, a insisté Gabriel Attal, qui confirme ainsi que les trois pays ne “coopéraient” pas suffisamment sur ce dossier.

La preuve en est que sur les 7 000 décisions d’expulsion concernant les ressortissants algériens, prises depuis le début de l’année en cours, seules 23 ont été mises en application. Ils étaient plus de 10 000 Algériens concernés par des décisions d’expulsion en 2019. Très peu avaient été renvoyés. Pour cela, la France veut “pousser les pays concernés à changer de politique et accepter de délivrer ces laissez-passer consulaires”.

Timing électoral !
Pour beaucoup d’observateurs, cette sortie des autorités françaises prend des allures électoralistes. À quelques mois de l’élection présidentielle française, le sujet de l’émigration s’est de nouveau imposé dans le débat politique. Porté par le polémiste Éric Zemmour, le thème est devenu un leitmotiv pour toute la classe politique de ce pays.

De la droite républicaine jusqu’à l’extrême droite, tous les candidats potentiels projettent d’organiser des référendums sur le sujet, entraînant ainsi le gouvernement Macron dans le débat. Interrogé sur le sujet, le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal,  a nié tout lien entre cette décision et la pré-campagne électorale qui bat son plein dans son pays. Mais pour le diplomate algérien, le lien est évident.

“Les autorités françaises auraient pu appliquer la mesure sans l'annoncer publiquement”, a-t-il indiqué. “Nous allons assister de plus en plus à la prise de décisions qui  vont dans le sens du discours politique de l'extrême droite française”, analyse-t-il.

Selon les médias français, le président Emmanuel Macron a déjà fixé un quota d’un peu plus de 3 000 visas qui seront délivrés aux Algériens durant la deuxième moitié de cette année, soit la moitié du nombre de sésames accordés l’an dernier aux ressortissants algériens.

Le nombre de visas donnés aux Algériens était de 275 000 en 2019, un peu plus de la moitié du nombre d’entrées autorisées en 2017. C’est dire que la réduction avait déjà commencé bien avant cette année.
 

Ali BOUKHLEF

EN CHIFFRES
- Les “obligations de quitter le territoire” 
Les chiffres des procédures d'expulsions enclenchées par les autorités, soit les “obligations de quitter le territoire français” (OQTF), sont les seuls à avoir augmenté pendant la crise de la Covid-19. 

Entre le 1er janvier et juillet 2021, 7 731 Algériens ont été visés par ces OQTF, soit 47% de plus qu'à la même période en 2020, selon les données transmises par le ministère de l'Intérieur à l'AFP. 3 301 Marocains sont dans la même situation (+25%), presque autant que les Tunisiens, 3 424 (+43%). 

- Placements en rétention 
Sur les mêmes sept premiers mois de 2021, les placements en centres de rétention administrative (CRA), où sont retenus les étrangers en situation irrégulière dans l'attente de leur expulsion, ont chuté de 55% par rapport à 2020 pour les ressortissants algériens (597 contre 1 321 entre janvier et juillet 2020).  

- Laissez-passer consulaires 
C'est sur le sujet des laissez-passer consulaires (LPC) que le bât blesse, point d'achoppement entre la France et ces trois pays qui n'en délivrent qu'au compte-goutte, freinant des expulsions déjà rendues compliquées par la crise sanitaire et les fermetures des frontières.  

Seulement 31 ont été délivrés par l'Algérie en 2021 (-90% par rapport à la même période de 2020, et alors qu'elle en délivrait 1 142 en 2019), soit un “taux de coopération” de 5%, selon la place Beauvau.  

- Les expulsions effectives 
Résultat, le nombre de “retours forcés exécutés” est en chute, en particulier pour l'Algérie, où la baisse est de 94% entre 2021 et 2020 : seulement 22 Algériens ont été renvoyés entre janvier et juillet, contre 385 sur la même période de 2020 et 1 677 en 2019. En 2021, le taux d'éloignement, soit le ratio entre le nombre de personnes sous OQTF et le nombre de personnes effectivement expulsées, est tombé à 0,3%, contre 18% en 2019. 

- Les visas 
Entre janvier et juillet 2021, 11 815 demandes algériennes ont été déposées alors qu'il y en avait 504 173 en 2019. 8 726 visas leur ont été délivrés. 

 

Source : AFP

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