
S’il n’a jamais été inquiété par la justice malgré sa mise en cause directe ou indirecte par d’anciens Premiers ministres et membres du gouvernement, empêtrés dans des affaires de grosse corruption, le président déchu, Abdelaziz Bouteflika, sera-t-il cette fois-ci convoqué, après les révélations de son frère ?
L’affaire du mandat d’arrêt international, émis en 2013 puis annulé en 2017, contre l’ancien ministre de l’Énergie, Chakib Khelil, connaît un nouveau rebondissement, avec les révélations rapportées, hier, par le quotidien El Khabar, et pointant la responsabilité directe de l’ancien président déchu Abdelaziz Bouteflika dans l’annulation des poursuites contre Chakib Khelil, accusé de grosse corruption dans la célèbre affaire dite “Sonatrach 2”. Citant des sources bien informées, le journal arabophone a affirmé que Saïd Bouteflika, frère conseiller de l’ancien président, aurait avoué aux enquêteurs en charge du dossier, lors de l’interrogatoire préliminaire, que la décision de l’annulation des mandats d’arrêt internationaux contre Chakib Khelil, son épouse Najat Arafat et ses deux fils, Khaldoun et Sina, émane directement de l’ancien président Bouteflika.
“L’ordre d’annuler les mandats d’arrêt internationaux contre l’ancien ministre de l’Énergie Chakib Khelil et sa famille a été donné par l’ancien président de la République Abdelaziz Bouteflika. C’est lui qui m’a demandé, en ma qualité de conseiller, de suivre cette affaire et de le tenir informé sur l’évolution du dossier concernant l’annulation du mandat d’arrêt international”, aurait affirmé Saïd Bouteflika, placé aujourd’hui sous mandat de dépôt par le magistrat instructeur près le tribunal de Sidi M’hamed, à Alger.
Le frère de l’ancien président, toujours selon les sources citées par El Khabar, aurait à son tour chargé l’ancien ministre de la Justice Tayeb Louh, aujourd’hui en prison, pour s’occuper de cette affaire et d’annuler les poursuites contre la famille Khelil. À son niveau, Tayeb Louh aurait ordonné à l’inspecteur général du ministère de la Justice de l’époque de prendre attache avec le juge d’instruction et le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed pour travailler en coordination, afin d’annuler toutes les charges contre les mis en cause.
Dans le détail, et selon les éléments de l’enquête rapportés par El Khabar, “l’ancien ministre de la Justice Tayeb Louh a reçu l’inspecteur général de son ministère dans son bureau, à la fin de l’année 2017. Il lui a demandé de prendre en charge l’annulation des mandats d’arrêt internationaux contre les Khelil, sous prétexte qu’ils ne sont pas conformes à la loi, étant donné que les mis en cause n’ont pas été convoqués avant le lancement desdits mandats.
L’inspecteur général du ministère de la Justice a été également instruit de travailler en coordination avec le juge d’instruction et le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed, Alger, pour l’annulation de ces poursuites”, lit-on dans les colonnes du quotidien national. Plusieurs SMS et appels téléphoniques passés entre Saïd Bouteflika, Tayeb Louh et Chakib Khelil, découverts par les enquêteurs, confortent, selon le même journal, les éléments d’enquête de cette affaire.
Après l’intervention directe de Saïd Bouteflika et de l’ancien ministre de la Justice Tayeb Louh, tous les membres de la famille Khelil ont pu rentrer en Algérie, entre avril et septembre 2018, sans être inquiétés. L’ancien ministre de l’Énergie est aujourd’hui en fuite aux États-Unis depuis 2019.
Si le président déchu Abdelaziz Bouteflika n’a jamais été inquiété par la justice, malgré sa mise en cause directe ou indirecte par ses anciens Premiers ministres et membres du gouvernement, empêtrés dans des affaires de grosse corruption, sera-t-il, cette fois-ci, convoqué, après les révélations de son frère ?
Karim B.