Culture Le compositeur Michel Runtz a adapté “Cousine K” de Khadra à l’opéra

“Ce serait merveilleux que l’Algérie s’investisse dans ce projet”

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Hana MENASRIA Publié 23 Février 2022 à 19:07

© D. R.
© D. R.

Compositeur et pianiste franco-suisse, Michel Runtz est ex-professeur et doyen des classes de piano au Conservatoire de musique des régions (Suisse). Il est également président fondateur de l’Association Jeune Musique et du Concours international de piano de Fribourg. M. Runtz, qui a sillonné le monde, écrit pour communiquer “l’émotion ressentie face à un texte, un film, une pièce de théâtre, mais aussi face à l’esthétique de certains peintres, aux contrastes de la matière… à la beauté qu’ils contiennent”. Dans cet entretien, il revient sur la composition d’un opéra à partir de l’œuvre de Yasmina Khadra, qui nécessite un financement pour sa concrétisation…

Liberté : Vous avez adapté Cousine K, de Yasmina Khadra, à l’opéra. Comment est né ce projet ?
Michel Runtz : Après un concert que je donnais à Marrakech avec au programme mes œuvres pour piano, j’ai rencontré Yasmina Khadra. Une des musiques que je venais de jouer évoquait pour lui très clairement l’atmosphère d’un de ses romans, Cousine K. Cela a marqué le début d’une solide amitié. Puis de rencontres en rencontres, de discussions en discussions, l’idée d’un projet commun a pris naissance. Et de fil en aiguille nous sommes arrivés à l’opéra… à partir de Cousine K, bien entendu. A priori, ce roman ne se prête pas du tout à ce genre musical mais le défi de le rendre compatible avec une forme d’opéra un peu différente m’a tout de suite intéressé puis passionné. Le rythme des mots, la tension qui émane du texte de Yasmina Khadra, la musicalité que j’y ai perçue m’ont orienté vers un second défi, celui de faire en sorte que les mots chantés soient aussi compréhensibles que dans la lecture du livre. En général, ce n’est pas une préoccupation essentielle dans l’élaboration d’un livret d’opéra. Mais je voulais que l’écriture de Khadra soit clairement donnée à entendre.
Quelles sont les raisons ayant retardé son écriture, sa finalisation ?
Plusieurs raisons. La difficulté à répondre à un objectif primordial que je m’étais fixé : créer un opéra accessible à tous et non uniquement à une élite. Les contraintes artistiques de l’opéra, face à la complexité de la réalisation compositionnelle. Des absences d’inspiration, d’innombrables recommencements dus aux doutes récurrents. Puis des croisements avec des projets internationaux qui ne pouvaient être différés, auxquels il fallait donner une priorité.

Pouvez-vous nous donner les grandes lignes de ce spectacle ?
Il s’agit d’un opéra en quatre actes. Pour les personnages, nous retrouvons :  Je (le narrateur) : ténor ; la mère : alto ; cousine K : soprano ; Amine : baryton ; l’inconnue : mezzo-soprano ; Amal : figurante, et les villageoises : deux comédiennes (voix parlée). Quant à l’orchestration, elle sera composée d’un orchestre à cordes : violons, altos, violoncelles, contrebasses ; d’un ensemble instrumental arabo-andalou : mandole, oud, qanun, derbouka ; d’un quatuor à vents : flûte, hautbois, clarinette, basson et percussions. La musique s’articule principalement autour de l’orchestre à cordes et de l’ensemble instrumental arabo-andalou qui tour à tour dialoguent, se distancient, s’imposent, fusionnent pour se situer au centre de l’action dramatique. Concernant la voix, le “Je” narrateur est dépositaire d’un texte particulièrement dense et complexe. Pour que les mots arrivent dans leur intégralité aux oreilles du spectateur, j’ai choisi – pour le personnage principal par exemple – une forme vocale mixte alliant la voix du ténor et un “parlé-chanté” à la frontière du rap, basculant en mode lyrique quand la tension devient extrême. 

D’ailleurs, vous avez rencontré le chef d’orchestre Amine Kouider pour l’introduction d’instruments algériens…
Ce n’est pas tout à fait ça. J’avais rencontré Amine Kouider il y a plusieurs années dans le bureau de Yasmina Khadra, au Centre culturel algérien de Paris. 
L’idée de l’opéra était dans l’air. J’ai repris contact avec lui il y a quelques mois pour le féliciter d’avoir créé une académie de musique à Alger et lui ai fait part de l’achèvement de l’opéra. 
Il m’a donné quelques conseils en tant que chef d’orchestre aguerri au répertoire de l’opéra et m’a suggéré entre autres d’ajouter le qanun aux trois instruments de musique arabo-andalouse déjà présents dans l’œuvre : le oud, la mandole (algérienne) et la derbouka.

Aujourd’hui, vous êtes à la recherche d’un financement. Pouvez-vous nous éclairer sur la situation ? 
La production d’un opéra exige un financement important qui peut se faire soit par le biais d’une institution (théâtre, maison d’opéra…), soit par une coproduction de plusieurs institutions dans un même pays où dans des pays différents, soit par une commande d’État, soit par un soutien financier tel que le mécénat. 
L’idée d’une création en Algérie reste bien entendu, dans le cas présent, la plus pertinente. C’est pourquoi je m’adresse : aux admirateurs de l’œuvre de Yasmina Khadra qui, par leur contribution, sur une plateforme en ligne par exemple, soutiendraient la diffusion de l’œuvre de Khadra par l’intermédiaire d’un autre canal artistique ; aux sponsors qui souhaitent investir dans la création artistique ; à la réation pluridisciplinaire puisqu’elle fait appel à différents genres musicaux et à la littérature. Aux théâtres et aux maisons d’opéra qui assumeraient les coûts de cette production car c’est bien le rôle de ces institutions de soutenir la création. Et ce serait merveilleux que l’Algérie, avec la Suisse et/ou la France, s’investisse financièrement dans ce projet afin que la création ait lieu sur les terres qui ont inspiré l’œuvre !
 

Entretien réalisé par :  Hana MENASRIA

 

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