Culture FILM “LARBI BEN M’HIDI” DE BACHIR DERRAÏS

“JE N'AI ABSOLUMENT RIEN INVENTÉ”

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Hana MENASRIA Publié 16 Juin 2021 à 23:38

© D. R.
© D. R.

Liberté : Pourquoi le ministère des Moudjahidine persiste-t-il dans ce blocage qui dure depuis trois ans maintenant ? 
Bachir Derraïs : Les membres de la commission de visionnage du ministère des Moudjahidine s'attendaient à voir un film de guerre où il y a embuscade sur embuscade, appuyé par une mixture de propagande et sacralisation. Alors que Ben M’hidi est un genre de film politique, que nous pouvons qualifier de film d’auteur, dont la trame est basée sur un homme ; ses passions, ses amours, sa vie privée, ses références intellectuelles, sa philosophie et sa manière de concevoir la vie. 
J'ai fait le choix de faire un vrai film cinématographique, inspiré de la vie de Ben M’hidi, et ce, en respectant à la lettre les références historiques et sa mémoire. C’est un film avec une esthétique, une atmosphère et une narration universelle lisible par tous les âges et toutes les nationalités. La commission le rejette en bloc, car c’est une première qu’un film algérien traite du thème de la guerre d'Algérie de cette façon : sans tabous ni d'autocensure. La révolution algérienne est reconnue comme l'une des plus belles révolutions du XXe siècle, elle est sacrée et n'a pas besoin d'être sacralisée d'avantage ni d'être glorifiée dans un film. 

Quels sont les propos qui dérangent ? 
Ce qui pose problème pour la commission est : le différend entre le CCE (Comité de coordination et d'exécution), représenté par Abane et Ben M’hidi avec la délégation du Caire représentée par Ahmed Benbella et ses camarades Mahssas etc. Le rôle de l'association des Oulémas musulmans dans les mouvements nationalistes jusqu'à la révolution, ils ne veulent pas que nous évoquions ce sujet. 
Ils veulent réduire dans le film le chapitre du congrès de la Soummam, et notamment le vif échange entre Abane et Zighoud sur les conséquences des attaques du 20 Août 1955 dans le nord constantinois ainsi que le chapitre où il est évoqué que la révolution algérienne est une guerre d’indépendance et non une guerre de religion. Tout ce qui est dans le film est tiré de témoignages des acteurs de la révolution ou de livres d’histoire. Je n'ai absolument rien inventé.

Avez-vous opéré des changements pour “satisfaire” la demande ? 
Nous n'avons pas réussi à trouver un compromis pour la version définitive du film, malgré les sept versions différentes opérées. Dans le but de savoir ce qu'ils voulaient voir comme film, j'ai mis à la disposition de la commission de visionnage des Moudjahidine, un technicien de montage. Ils ont réalisé ensemble trois versions du film : Abane Ramdane, 2e rôle principal, est devenu figurant ; les femmes ayant fait la guerre ont disparu du film ! Le congrès de la Soummam a presque sauté. Enfin, Benbella et Ben M’hidi sont devenus les meilleurs amis au monde. Quand j'ai visionné cet “objet bizarre” censé être mon film, je leur ai proposé alors de reprendre le film en supprimant mon nom du générique ou alors de me laisser le reprendre avec de nouveaux partenaires. Ils ont refusé de lâcher le film. À cet effet, je leur ai demandé qu’il fallait que nous trouvions un accord. 

Avez-vous souffert du désagrément dû à ce blocage ?
À ce jour, les contrats de sponsoring sont toujours bloqués et le budget n'est pas consommé. Aussi, aucun transfert à l'étranger ne m'a été autorisé, alors que plus de 20 techniciens et acteurs étrangers ont travaillé sur le film, et toute la postproduction a été faite en France. En revanche, des sommes faramineuses ont été transférées pour des projets bidons. Ce qui arrive à ce film est un crime économique, cinématographique et historique. Les hautes instances doivent ouvrir une enquête pour définir les responsables. 
 

Entretien réalisé par : H. MENASRIA

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