
Après une semaine intense, durant laquelle les Saïdiens ont renoué avec les salles obscures, les courts-métrages “Il reviendra” de Youcef Mahsas et “Boumla” de Yazid Yettou ont été lauréats ex æquo du Grand prix du Festival. Quant à la comédienne Souha Oulha, elle a décroché le prix El-Khalkhal d’or de la meilleure interprétation féminine.
Partage, échange et débat d’idées… sont là les trois “mots-clés” qui résument l’esprit du Festival national de la littérature et du cinéma de la femme de Saïda, qui s’est tenu du 11 au 16 du mois en cours.
Six jours durant, la maison de la culture a abrité des rencontres et des ventes-dédicaces, animées par des écrivaines et des poétesses – dans les trois langues : arabe, français et tamazight – telles que Maïssa Bey, Sekkal Zineb ou encore Nadia Benamar.
Une occasion pour ces invitées de discuter à cœur ouvert avec les Saïdiens, qui n’ont pas manqué ces rendez-vous littéraires pour écouter les intervenantes, mais surtout de créer une réelle tribune de réflexion, notamment sur la place de la femme dans la société, la décennie noire, la question des langues… Si ces conférences ont connu une forte présence d’étudiants et d’universitaires, la salle de cinéma Douniazed était “the place” à fréquenter en ce mois de décembre.
Artistes et comédiens amateurs, curieux, cinéphiles, enfants et adolescents accompagnés de leurs parents étaient présents pour regarder les films et prendre des selfies avec Kachach, Chouikh, Hachmaoui, El-Ghouti... Une dynamique qui démontre une fois de plus qu’un public existe et est demandeur de ce genre de manifestation.
Contrairement aux discours officiels ou officieux, qui rejettent la faute sur l’absence de spectateurs, pour justifier une réelle absence, ou celle de salles de cinéma et de productions culturelles.
Pour revenir à la sélection proposée, les festivaliers ont eu l’opportunité de revoir ou de découvrir des films intéressants, à l’instar de Leur Algérie de Lina Soualem, un documentaire tendre, dans lequel la réalisatrice introduit le public dans son intimité ou plutôt celle de ses grands-parents ayant émigré en France en 1950.
Pépé et mémé se racontent et se dévoilent ; si la grand-mère est plus expressive et ne manque pas d’humour, le grand-père est introverti, et dans son silence il dévoile une certaine amertume, celle qu’ont connue nombre d’émigrés algériens de la première génération en France. Et en posant sa caméra face à ses grands-parents, Lina dévoile une bribe de ce qu’a vécu cette communauté, qui s’est nourrie tout au long de sa vie avec le “mythe du retour”.
Autre production, Elle nous regarde, de Lina Zerrouki, dont le rôle principal a été campé par le comédien Hassan Kachach. Comme Soualem, Zerrouki a raconté également une histoire personnelle, mais à travers la fiction pour mettre en lumière les litiges sur l’héritage qui détruisent des familles algériennes.
D’autres films de réalisatrices ou encore qui reviennent sur la femme courage ont été projetés, à l’exemple de Saliha (biopic sur la martyre) de Mohamed Sahraoui, et interprété brillamment par Souha Oulha, et de la comédie dramatique Parkour(s), de Fatma-Zohra Zaamoum.
Les jeunes réalisateurs font leur cinéma à Saïda
Si ces productions ont séduit les Saïdiens, les jeunes cinéastes ont été au cœur des débats – parfois houleux – pour la qualité de certains courts-métrages et la force de leur propos. Et pour cette 4e édition, dix films courts étaient en course pour le grand prix et le prix El-Khalkhal Eddahabi de la meilleure interprétation féminine.
Avant de connaître le nom du grand lauréat, les spectateurs (fort nombreux) ont voyagé gratuitement grâce aux petites histoires narrées les après-midi des 14 et 15 décembre. Ainsi, il a été proposé à travers Nafaat de Mostafa Guerandi, Open de Houssem Eddine Abassi, Noqtate el-toulati de Mehdi Labidi, Jamila au temps du Hirak d’Abderrahmane Harrat, Je raconterai tout à Dieu de Mohamed Benabdallah, Winna d’Arezki Larbi… un regard neuf, poétique et tantôt philosophique sur la société, à travers des thématiques universelles, à l’instar des droits de la femme, de la religion, de la situation des sans domicile fixe et tant d’autres sujets qui font l’Algérie contemporaine.
À cet effet, pour booster tous ces cinéastes, le commissariat du festival, à sa tête Karim Mouley, a décidé, lors de la cérémonie de clôture jeudi dernier, d’attribuer des prix d’encouragement à tous les participants. Une belle initiative à perpétuer !
Concernant le grand prix, le jury, composé de Rania Serrouti et de Yasmine Chouikh et présidé par Tahar Boukella, l’a remis en ex æquo à Youcef Mahsas pour Il reviendra et à Yazid Yettou pour Boumla. Quant au prix de la meilleure interprétation féminine, il a été attribué à la pétillante Souha Oulha pour son rôle dans Il reviendra.
Le jury a, entre autres, décerné deux prix d’encouragement respectivement à la jeune comédienne Maya Laimeche ayant joué dans Boumla et à Mostafa Guerandi, réalisateur de Nafaat. Par ailleurs, Tahar Boukella a énoncé une série de recommandations pour les prochaines éditions, notamment “favoriser les films réalisés ou écrits par des femmes”, créer d’autres prix “afin de récompenser les techniciens du cinéma, tels que des prix de la photo et du son”, et enfin pour qu’il y ait un jugement “équitable”, “séparer la compétition entre les professionnels et les amateurs” et “homogénéiser la durée des films ou créer plusieurs catégories : court-métrage, moyen-métrage”.
Pour sa part, la dynamique Safia Djaoui, membre actif du festival, a rappelé dans l’allocution de clôture que le commissariat a fait face à de nombreux obstacles, notamment la quasi-inexistence de nouvelles productions cinématographiques réalisées par des femmes. Tout en souhaitant que les institutions relevant du secteur culturel veillent à organiser des ateliers de formation pour la relance du 7e art et à encourager et faciliter les conditions de publication aux autrices locales.
Ce 4e Festival de la littérature et du cinéma de la femme de Saïda a, certes, connu quelques couacs (un manque flagrant de productions de femmes, désistement de dernière minute de quelques auteurs), mais pour bon nombre de festivaliers, c’est un événement réussi. Réussi pour l’authenticité et la volonté des organisateurs à vouloir offrir le meilleur d’eux-mêmes, une grande présence du public, le premier concerné par ces manifestations ! Aussi, une réussite, car il arrive à relier le cinéma à la littérature, le premier du genre dans le pays.
De notre envoyée spéciale à Saïda : Hana MENASRIA