Économie ABDELOUAHED KERRAR, PRÉSIDENT DE L’UNOP

“Le malade doit être au centre des préoccupations”

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Badreddine KHRIS Publié 28 Février 2021 à 22:51

© D. R.
© D. R.

Liberté : Le marché national  du médicament continue de connaître des perturbations   en  termes  d’approvisionnements.   Comment  analysez-vous ces épisodes répétitifs de pénuries ? 
Abdelouahed Kerrar : La réalité de produits pharmaceutiques en rupture n’est  niée  par  personne.   Les  autorités  publiques  elles-mêmes reconnaissent  que  des  produits  manquent  sur  le  marché.  C’est  un phénomène récurrent depuis de très longues années, y compris lorsque l’Algérie vivait une aisance financière sans précédent et que le recours à l’importation ne connaissait aucune limite. N’oublions pas  non  plus que nous vivons encore cette situation de pandémie mondiale qui a affecté et affecte toujours les chaînes d’approvisionnement et de fret à l’échelle planétaire.

Les marchés du médicament continuent d’être  perturbés  partout,  même dans les grands pays développés. Aussi, ce qui nous paraît essentiel à ce stade, c’est que tous les acteurs travaillent à trouver des solutions rapides et à soulager la douleur des patients. Ce sont ces derniers qui doivent en permanence être au centre de nos débats et de nos préoccupations. 

L’Unop dispose-t-elle de statistiques précises sur les pénuries de médicaments ? 
Nous ne disposons pas de statistiques exhaustives à ce sujet. Nous avons connaissance  d’une  centaine  de produits  qui  sont  en  rupture sur le marché. À ce sujet, il faut relever l’initiative prise par le ministère de tutelle en vue de mettre en place un observatoire de l’état du marché national, auquel toutes les parties concernées pourront contribuer.

Cette instance permettra d’établir à tout moment des états de situation effective sur l’approvisionnement de  notre  marché.  Elle permettra d’orienter le médecin sur les alternatives thérapeutiques à prendre et évitera aux patients de faire inutilement le tour des pharmacies. Elle permettra, si elle est bien gérée, d’anticiper en amont et d’éviter les ruptures de produits préjudiciables pour les malades. 

Quelles sont, selon vous, les raisons de ces pénuries ? 
L’Unop, le Snapo, l’Adpha et le Cnop ont rendu publique, en novembre 2018, une note dans laquelle ils ont analysé ce phénomène de rupture, avec ses origines profondes, ses conséquences et les solutions structurelles préconisées pour en sortir. S’agissant des causes de ces perturbations récurrentes, nous avions déjà pointé du doigt l’absence de statistiques fiables, régulières et accessibles sur l’état réel qui prévaut au sein de notre marché. 

Faute de connaître les flux de produits en circulation, de maîtriser dans le détail les besoins réels par classes thérapeutiques et d’avoir une vue complète sur leur distribution régionale ou locale, les ruptures persisteront et resteront à chaque fois inévitables et imprévisibles. 

Quelles solutions préconisez-vous pour atténuer, un tant soit peu, ces perturbations ? 
Reconnaissons d’abord qu’il existe aujourd’hui une administration qui a commencé à s’attaquer aux racines du problème de l’approvisionnement de notre marché et qui ne se contente pas des réponses antérieures, consistant simplement à lancer des opérations d’importation d’urgence sans se préoccuper de trouver des solutions pérennes.

Le lancement d’un programme de numérisation des flux de circulation de chaque produit est une initiative importante en ce qu’elle permettra, une fois achevée, de doter notre pays d’un outil précieux lié au fonctionnement réel de notre marché. La mise en place d’un observatoire des ruptures va dans le même sens. Il aidera à prendre la mesure réelle de chaque cas de tension sur le marché et d’intervenir à temps.

Au-delà de l’impératif du traitement des cas de ruptures potentielles, il aidera à assurer une transparence effective des transactions qui s’y opèrent. Il permettra surtout aux principaux acteurs (l’autorité publique, les producteurs, les distributeurs, les répartiteurs et pharmaciens d’officine) de mieux projeter leur action sur l’avenir. 

Quel est l’apport de la production nationale dans la satisfaction de la demande nationale en médicaments ? 
Le taux de couverture des besoins nationaux par la production interne est aujourd’hui de l’ordre de 52% en valeur et de 63% en quantités d’unités vendues. En 2007, la valeur assurée par les fabricants locaux ne dépassait pas les 25% de la taille de notre marché.

La  production  nationale  a  pris  véritablement  son  essor depuis que les autorités publiques avaient pris  la  décision, en  2008, de  lui  garantir  une protection  efficace  par  l’interdiction  d’importation  des  médicaments concurrents. Entre 2008 et 2018, nous avons ainsi enregistré un taux de croissance annuel moyen de 17,5% de la production locale, lui-même corrélé avec une croissance moyenne de 12% de la consommation globale de médicaments sur notre marché. 

L’objectif de satisfaire 70% des besoins locaux par la production nationale, fixé par le gouvernement, est-il réalisable ? 
C’est l’Unop qui, la première, avait avancé ce chiffre en 2012 déjà, sur la base d’une évaluation fine des  capacités  industrielles  installées, de  l’état  de  nos besoins et des défis techniques et technologiques qui étaient en face de nous. Depuis, les autorités elles-mêmes ont repris cet objectif à leur compte.

Il figure aujourd’hui comme un des objectifs inscrits au programme de travail du gouvernement en place. Il est parfaitement à notre portée, mais il a besoin d’un plan d’action précis qui délimite clairement les produits à promouvoir, les mesures organisationnelles indispensables et le séquençage de sa mise en œuvre. 

Quelles sont les conditions à réunir pour réaliser un tel objectif ? 
L’Unop a proposé depuis 2017 une forme  de  contrat  de développement aux autorités, par lequel les entreprises s’engagent sur des objectifs de production concrets, en contrepartie d’une mise à niveau du cadre réglementaire régulant notre activité. 

Il faut  remarquer que la partie de cette mise à niveau concernant quelques volets  essentiels, comme  ceux  de  l’enregistrement, du  renforcement de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques, du système des prix, etc., ont déjà connu une évolution réelle. 

L’on doit prendre en compte un autre type de défis  très sérieux comme ceux liés à des segments thérapeutiques que nous ne maîtrisons pas encore, aux enjeux  des  biotechnologies, à  nos  relations  avec  les grands  laboratoires pharmaceutiques mondiaux, à une véritable politique en matière d’acquisitions de brevets à mettre en place et à la formation d’élites universitaires.
 

Propos recueillis par : B. K.

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