Éditorial

Boudjima, le livre et les enseignantes

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Hassane OUALI Publié 23 Mai 2021 à 23:13

Un village n’est jamais une périphérie isolée. Il ne saurait être réduit à une géographie austère  ou à une histoire de zones d’ombre. Il est le centre, parce qu’il est une idée, une ambition, une abnégation. Surtout une certaine conception de vie et une vision d’avenir. En la matière, la petite localité de Boudjima occupe merveilleusement le centre de ce que devrait être toute l’Algérie. Un haut lieu de culture, de littérature, d’expression libre, d’échanges de livres et d’idées nouvelles et novatrices.

Loin du monde de l’opulence, cette petite bourgade offre abondamment de livres et de générosité humaine. Avec peu de moyens, seulement des petites mains et un immense désir de changer le monde, les villageois — volontaires et bénévoles — emmenés par un maire résolu, Smaïl Boukherroub, ont réussi à enraciner dans leur village un Salon du livre à forte résonance nationale. Devenu une institution, il séduit éditeurs, écrivains, journalistes, étudiants, artistes, chercheurs, bien évidemment lecteurs des quatre coins du pays. Ils viennent partager des idées — plurielles — des expériences riches mais aussi et surtout des rêves communs. Refusant de céder à la résignation ou à la tentation mercantile, ces villageois s’appliquent à ouvrir des livres, des chapitres de vie et de pages nouvelles. Pas uniquement pour leur propre existence. S’ils agissent local, ils pensent global.

Et c’est tout naturellement que durant les trois jours du Salon du livre, les discussions qui ont animé les stands, les couloirs de la petite Maison de jeunes portaient largement sur le drame des enseignantes violées et violentées à l’autre extrémité de l’Algérie. Révoltés par l’effroyable supplice infligé aux femmes enseignantes de Bordj Badji-Mokhtar, Boudjima, ses habitants et ses invités avaient tous une pensée chargée d’indignation et de colère pour ces victimes. Ils refusent que Bordj Badji-Mokhtar et ses enseignantes soient tenus éloignés et persécutés. C’est aussi le centre. Ce centre qui vient d’administrer une belle leçon de courage. En se donnant rendez-vous à Adrar, ces femmes et enseignantes refusent de mourir dans le silence du désert, de se faire violer dans le silence complice des fabricants de monstres humains.

Leur cri résonne partout, leur rage soulève des tempêtes de sable. Leur colère doit secouer le confort de ceux qui ont installé le pays dans un insupportable déni. Et le premier des dénis est celui qui consiste à réduire une femme à un corps taillable et corvéable à merci et impunément. Cela commence par libérer un espace aussi large aux enseignantes de Bordj Badji-Mokhtar et aux livres de Boudjima et en faire le centre de cette Algérie si vaste, outrageusement remplie d’impostures.

  • Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va

    Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.

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    Abrous OUTOUDERT Publié 14 Avril 2022 à 12:00