Magazine Des morts et des blessés dans la rue, des francs-tireurs embusqués, des habitants terrés dans leurs appartements

À Beyrouth, une réminiscence glaçante de la guerre civile

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AFP Publié 15 Octobre 2021 à 19:35

© D.R
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Des morts et des blessés dans la rue, des francs-tireurs embusqués, des habitants terrés dans leurs appartements transpercés par les balles : la capitale libanaise Beyrouth a renoué jeudi avec les scènes de la guerre civile qu’elle pensait avoir oubliées. 

Tout a commencé avec une manifestation de centaines de partisans des mouvements musulmans chiites du Hezbollah et d’Amal devant le Palais de justice pour exiger le remplacement du juge Tareq Bitar, chargé de l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth il y a un an. Brusquement, des tirs de snipers, dont l’origine n’a pas été déterminée, ont ciblé un groupe de manifestants, et des hommes armés, dont certains portaient des brassards d’Amal et du Hezbollah, présents sur place, ont massivement riposté. Très vite, les rues se sont remplies de partisans armés des deux partis chiites dans le quartier de Tayouné, tout près du secteur où avait éclaté la guerre civile le 13 avril 1975. 

Des habitants de ce quartier résidentiel se sont retrouvés pris au piège, entre les tirs des snipers embusqués sur les toits des immeubles et les roquettes lancées par des hommes armés en pleine rue. Sur les médias locaux, les résidents ont appelé à leur évacuation, alors que des parents se sont précipités sous les balles vers les écoles pour prendre leurs enfants. Tout comme pendant la guerre civile. Mariam Daher, 44 ans, n’a pu retenir ses larmes en entendant les tirs et en voyant à la télévision un homme et une femme se cachant derrière une voiture à Tayouné. “Je me suis souvenue comment, enfant, je me cachais dans le corridor de la maison” pendant la guerre, dit cette mère de deux enfants, “comment les hommes armés montaient sur le toit de mon immeuble pour tirer et embraser le quartier”. 
 
Terrifiante 
Dans le quartier de Tayouné, transformé en zone de guerre en dépit du déploiement rapide de l’armée, des habitants ont pris la fuite, traînant leurs enfants et emportant quelques maigres biens alors que les balles transperçaient les façades de leurs immeubles. Pour Mariam Daher, l’idée d’un retour à la guerre civile est “terrifiante”. “Je ne peux plus revivre cette expérience. Je veux partir et protéger mes enfants.” Sahar, 41 ans, affirme se sentir “bloquée dans une machine à remonter le temps : ce sont les mêmes figures de la guerre qui, aujourd’hui, contrôlent notre avenir”. Elle faisait allusion à la classe politique, composée des anciens seigneurs de guerre qui ont troqué le treillis pour le costume au sortir de la guerre civile en 1990, et qui est aujourd’hui accusée de tous les maux du pays par une grande partie de la population. Dans le cadre de l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth qui a fait plus de 200 morts et enfoncé le pays dans l’abîme, les responsables politiques refusent d’être interrogés même si les autorités ont imputé le drame au stockage sans précautions d’énormes quantités de nitrate d’ammonium. “Avec mes amis qui ont vécu la guerre civile, on est tristes de voir que la nouvelle génération revit la même expérience que nous”, ajoute Sahar, qui n’a pas voulu donner son nom. 

Plus fort 
Les violences ont fait au moins six morts et une trentaine de blessés. 
Amal et le Hezbollah ont accusé des membres du parti chrétien des Forces libanaises d’être à l’origine des premiers tirs, mais celles-ci ont démenti. 
Pendant la guerre civile, des combats avaient opposé Amal et les FL sur les mêmes lignes de front. Durant les combats jeudi, un grand nombre d’hommes armés portant des brassards d’Amal et du Hezbollah se trouvaient dans les rues menant au rond-point de Tayouné. La plupart en civil et certains masqués, ils ont tiré en direction d’immeubles sur les toits desquels étaient postés des francs-tireurs, selon un photographe de l’AFP sur place. Une réminiscence glaçante de la guerre civile au cours de laquelle les snipers terrorisaient les habitants des quartiers situés sur la ligne de front. Elias, 48 ans, déplore que “la guerre civile s’est terminée sans que l’on demande des comptes aux responsables”. “Ce que nous voyons aujourd’hui est bien le résultat de l’impunité et montre que le bruit des armes est toujours plus fort.”

 


AFP

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